APPRENTI GIGOLO de John Turturro

L’histoire :

De nos jours à New York. Murray (Woody Allen), libraire fauché, fait une étrange suggestion à son ami Fioravante (John Turturro), modeste fleuriste, taiseux et solitaire : pourquoi ne proposerait-il pas ses charmes contre rémunération à la gent féminine esseulée de la Grande Pomme ? À Murray de devenir « l’agent » particulier de Fioravante et de gérer les comptes de cette petite entreprise pas banale. D’abord réticent, le fleuriste finit par accepter et multiplie les conquêtes. Sa rencontre avec Avigal (Vanessa Paradis), une jeune veuve appartenant à la communauté juive orthodoxe de Brooklyn, va contrarier le business des deux complices…

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Le fleuriste de ces dames.

Du Jazz, New York, les couleurs et la lumière dorée de l’Automne… Pas de doute, on est dans un film de Woody Allen ! Pas tout à fait car, si l’on retrouve bien le réalisateur de MANHATTAN, c’est cette fois de l’autre côté de la caméra. Réalisé par l’un des acteurs fétiches des frères coen, John Turturro (BARTON FINK, THE BIG LEBOWSKU, O’ BROTHER… mais aussi la trilogie TRANSFORMERS ou SHE HATES ME de Spike Lee), cet APPRENTI GIGOLO est sur bien des points une déclaration d’amour tout à fait assumé au New York de ANNIE HALL et d’HANNAH ET SES SŒURS. La vie de quartiers et des petits commerçants prévaut sur l’agitation de la grande ville. Les répliques ironiques et burlesques sur le monde et ses tracas fusent naturellement entre un morceau de saxo et un air latino… Si vous êtes amateur, comme je le suis, des meilleurs œuvres de Woody Allen, vous serez rapidement conquis par cette histoire légère et gentiement immorale, drôle et tendre à la fois.

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Ne vous fiez ni au titre français racoleur  (FADING GIGOLO en VO, impliquant la notion de transformation comme d’une « décoloration », est plus subtile) ni à l’affiche un rien paresseuse, et misant principalement sur son casting certes brillant. APPRENTI GIGOLO est une belle comédie douce-amère, évoquant plus la solitude des êtres et des corps qu’une certaine idée du proxénétisme. Sans être un Appollon mais dégageant un charme irrésistible auprès de femmes aussi peu semblables qu’une dermatologue en mal de sensations fortes, une extravertie en manque de virilité et une jeune veuve hassidim fragile, Fioravante séduit par sa délicatesse et l’attention sincère qu’il porte à ses amantes occasionnelles. Plus proche du personnage de Charles Denner dans L’HOMME QUI AIMAIT LES FEMMES de Truffaut que de celui de Richard Gere dans AMERICAN GIGOLO de Paul Schraeder, ce fleuriste atypique nous démontre que, dans un monde brutal favorisant la brutalité des relations humaines, la finesse est la plus belle des réponses. Tact, écoute et attention pour mieux soigner les corps délaissés et les cœurs meurtris.

Mis à part le passage plutôt ennuyeux et balourd du « procès » de Murray chez les prêtres juifs orthodoxes, la trame de cet APPRENTI GIGOLO se déguste avec plaisir et, telle une impro de jazz, nous fait glisser de la comédie de mœurs à la comédie sentimentale, tendre et mélancolique. Amoureux de ses acteurs et leur offrant du sur-mesure, Turturro capte sans esbrouffe ce qu’ils ont de meilleur, en quelques scènes finement mises en boîte : autour de l’attachant duo qu’il forme avec un Woody Allen en pleine forme, Sharon Stone en bourgeoise esseulée et Liev Schreiber en amoureux transi font preuve de talent dans des rôles pourtant sujet à la caricature. Mais c’est sans conteste Vanessa Paradis qui nous touche le plus avec ce personnage éteint, reprenant goût à la sensualité. Le moment où, dans un parc et de façon symbolique, elle se « découvre » dans les bras de John Turturro, reste l’une des plus belles du film et l’une des plus émouvantes du cinéma.

Léger et délicat, burlesque et tendre, APPRENTI GIGOLO se savoure avec plaisir et aborde, sans verser dans le pathos ou la vulgarité, quelques sujets délicats comme la sensualité retrouvée ou la solitude.

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APPRENTI GIGOLO (2013) de et avec John Turturro.
Avec Woody Allen, Vanessa Paradis, Sharon Stone, Liev Schreiber, Bob Balaban…
Scénario : John Turturro. Musique : Gene Ammons, Abraham Laboriel et Bill Maxwell.

Crédits photos : © Antidote Films et Millenium Entertainment.

3 commentaires Ajoutez le vôtre

  1. potzina dit :

    J’ai lu quelques avis sur mes blogs préférés et ils étaient bien moins enthousiastes que le tien. Ça fait plaisir de lire une critique positive sur ce film 🙂 J’ai très envie d’aller le voir mais il n’est pas sorti dans mon bled. J’espère que mon ciné de quartier en aura une copie !
    Merci pour ce beau billet et bonne soirée 🙂

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    1. De rien fidèle Potzi 😉
      Le film m’a plu, bien plus léger que UNE PROMESSE ou HER, si on reste dans le côté « romantique »… Il y a quelques baisses de rythmes dans la seconde partie mais c’est une belle comédie je trouve. Et le personnage de Turturro est très attachant…

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