Alors que le monde aura les yeux rivés sur le Brésil pendant un bon mois, s’endettant jusqu’à l’irraisonnable et légitimant les dérives alcoolisées, il est un film qu’il fait bon de voir ou de revoir pour mieux saisir l’absurdité d’un sport sacralisé à l’extrême. COUP DE TÊTE, comédie de Jean-Jacques Annaud discrètement sorti sur les écrans en 1979 mais devenu culte suite à ses multiples rediffusions à la télévison depuis 30 ans, reste une œuvre à (re)découvrir sur biens des points. Petite liste non exhaustive et dans le désordre…
POUR SON HISTOIRE…
Pour tous ceux qui n’auraient jamais vu le film de Jean-Jacques Annaud, metteur en scène encore peu connu à l’époque, une piqûre de rappel s’impose. COUP DE TÊTE se déroule dans une petite ville (imaginaire) de province, Trincamp, où le culte du football est une seconde religion. Les commerces, du bistrot du centre au concessionnaire automobile, ne jurent que par le ballon rond. Et le gros industriel du coin est également le patron de l’équipe local. François Perrin (Patrick Dewaere), membre malgré lui du club de Trincamp, est mis sur la touche après un match. Dans la foulée, il est licencié et se voit injustement accusé de viol, puis incarcéré. Mais la poisse qui parait lui coller à la peau s’évapore à la suite d’un heureux concours de circonstances : après un accident routier paralysant le pilier de l’équipe, Perrin est rappelé en urgence et permet à Trincamp de se qualifier pour la coupe de France. Si la ville oublie rapidement la haine qu’elle a témoigné contre lui, Perrin, jubilant face à ce retournement de situation, décide de rendre la monnaie et prépare sa vengeance…
Si depuis la sortie du film Jean-Jacques Annaud s’étonne du succès tardif du film et jure qu’il ne s’agit pas d’un brulôt contre le monde du football, COUP DE TÊTE est très loin d’en faire l’apologie. Bien sûr, il est ici question de la fragilité de la célébrité, de ces moments qui font basculer un inconnu malchanceux vers la gloire. Et le scénario pourrait se dérouler dans un tout autre univers. Mais force est de reconnaître que cette comédie grinçante reste une féroce satire du monde impitoyable du ballon rond. Où comment un sport, et les enjeux politiques et économiques qu’il induit, vont révéler la bassesse d’une ville toute entière. Le trait a beau être appuyé, la justesse de cette chronique n’échappera à personne. Sauf peut-être à la plupart des amateurs de foot qui célèbrent COUP DE TÊTE comme l’une des rares œuvres cinématographiques évoquant leur sport fétiche. On a pas du voir le même film, c’est sûr…
POUR SES SCÈNES CULTES…
Si la réalisation de Jean-Jacques Annaud ne brille ni par l’inventivité de sa mise en scène ni par la beauté de sa photographie, son film s’impose surtout grâce à son excellent casting et ses scènes marquantes. COUP DE TÊTE est devenu une œuvre culte dans le cinéma hexagonal pour ses séquences jubilatoires, interprétées avec talent par une superbe distribution : Jean Bouise, Michel Aumont, Paul Le Person, Gérard Hernandez, France Dougnac, Corinne Marchand, Mario David, Robert Dalban… Un casting qui va puiser dans le meilleur des acteurs français des années 60 et 70 pour mettre en valeur un scénario et des dialogues de Francis Veber.
Scindé en 3 parties, tel un match et sa mi-temps, avec la chute, le come-back inespéré et la vengeance, COUP DE TÊTE présente un lot immanquable de scènes cultes, soutenues par le brio de ses acteurs. Face aux lâches et à leur hypocrisie, Perrin va se servir de la bêtise de ses ennemis plutôt que d’user de violence. Plus de 30 ans plus tard, on se surprend encore à savourer, sans se lasser, ces moments indémodables !
POUR PATRICK DEWAERE…
Révélé, avec Depardieu et Miou-Miou, par le succès-scandale des VALSEUSES de Bertrand Blier en 1974, Patrick Dewaere marqua l’écran par la profonde sincérité de son jeu. On mettra de côté les excès et dérives, et un caractère à fleur de peau qui le poussèrent à faire parler de lui en mal, se mettant à dos, entre autres, une grande partie de la presse. Ce magnifique acteur, issu d’une famille de comédiens, incarnait plus qu’il ne jouait ses rôles. Si tout le monde le vénère aujourd’hui (comme hier) pour des œuvres remarquables mais sombres comme SÉRIE NOIRE ou LE JUGE FAYARD DIT LE SHÉRIFF, Deweare s’avérait tout aussi juste dans des personnages et des films plus légers, comme ADIEU POULET ou ce COUP DE TÊTE. Bien qu’il fut prévu de le doubler pour les scènes de match, l’acteur s’investit pour son rôle de footballeur malchanceux en s’entraînant comme un professionnel.
L’intensité de son interprétation amènent la plupart de ses scènes à la frontière entre le drame et la comédie, avec en particulier la séquence mémorable du repas d’après match où Perrin lance, tel un ultimatum, ses menaces auprès de ceux qui l’ont trahi. À la disparition de l’acteur en 1982, le magazine Première titrait dans un de ses edito « Un mec comme lui n’aurait jamais du mourir ». L’évidence, c’est que Patrick Dewaere manque toujours autant.
COUP DE TÊTE (1978) de Jean-Jacques Annaud
Avec Patrick Dewaere, France Dougnac, Jean Bouise, Corinne Marchand, Michel Aumont, Gérard Hernandez…
Scénario : Francis Veber. Musique : Pierre Bachelet.
Crédits photos : © Gaumont.
EXTRAIT
Très beau billet ! Je ne l’ai jamais vu et tu me donnes envie de pallier cette lacune 🙂 J’aime beaucoup Dewaere, tu as raison quand tu dis qu’il manque toujours au ciné français. Quel acteur !
En tout cas, il est sûr que je vais zapper la Coupe du Monde mais probablement pas ce film 🙂
J’aimeJ’aime
Merci Potzi. C’est un très bon film, principalement grâce à Patrick Deweare. Et au scénario qui, hélas, reste d’actualité. La fin est particulièrement jouissive 🙂
J’aimeJ’aime