Livres : Toby Peters, le privé d’Hollywood

Que ce soit Philip Marlowe, Sam Spade ou Mike Hammer, les détectives privés de la littérature américaine ont souvent attiré le 7ème Art. L’image immuable de l’enquêteur dur-à-cuir et désabusé, avec ses codes tels que le feutre mou, l’imperméable couleur mastique, le bureau avec ses stores à lattes et la bouteille de bourbon dévissée à la moindre occasion, s’incrusta dans l’imaginaire collectif grâce à des classiques des années 40/50 comme LE GRAND SOMMEIL, LE FAUCON MALTAIS ou EN QUATRIÈME VITESSE. Ces polars « hard boiled », évocation imagée de leur atmosphère cynique et rude, touchèrent un large public, tant avec les romans d’auteurs comme Dashiell Hammett ou Jim Thompson, mais aussi grâce aux films de cinéastes tels John Huston ou Robert Aldrich.

Vers le milieu des années 70, l’écrivain et journaliste Stuart Kaminsky, auteurs de plusieurs biographies sur Clint Eastwood, Gary Cooper ou Ingmar Bergman, rendit hommage au genre en créant le personnage de Toby Peters, un privé officiant dans le Los Angeles du début des années 40. L’idée originale de l’auteur fut d’inverser les influences. Son anti-héros allait évoluer dans un univers que lui, Kaminsky, connaissait fort bien pour l’avoir étudier et traiter à de maintes occasions : le Hollywood mythique des années 40 et des grands studios.

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Quelques titres de la série des Toby Peters, chez 10/18, dans la collection « Grands Détectives »…

La grande réussite de cette série de romans policiers tient tout d’abord au personnage de Toby Peters, héros malgré lui d’enquêtes pleine de suspense, d’humour et de nostalgie. Loin des privés machos et violents typiques du genre, Peters est un détective jonglant difficilement avec les problèmes financiers, une ex-femme dont il est toujours amoureux, un frère officier de police colérique et des coups qu’il prend plus qu’il ne donne. Ces imperfections le rendent immédiatement attachant. Évoquant ses propres (més)aventures, selon le procédé classique de la narration à la première personne, Peters/Kaminsky nous facilite ainsi l’identification et l’implication dans une époque légendaire, bien que touchée par la Guerre et la récession.

Oubliez le whisky frelaté et les cigarettes consumées à la pelle ! Toby Peters, éternel grand enfant dans le corps d’un adulte cabossé, boit du Pepsi, mange des céréales et s’endort en rêvant de Coco le clown. Malgré de faux airs de dilettante, son côté opiniatre lui permet de résoudre ses enquêtes, aidé dans ses démarches par une bande hétéroclite de bras cassés fort sympathiques : Shelly, le pseudo-dentiste aux lunettes double-foyer, avec qui il partage son bureau; Jeremy, ex-catcheur, père de famille nombreuse et poète dans l’âme; Gunther, homme de petite taille raffiné et traducteur, rencontré au cours d’une enquête; et Mme Plaut, la logeuse de Peters, femme d’âge mûr à la sourdité douteuse et aux recettes culinaires improbables, omnubilée par l’écriture de ses mémoires.

La seconde grande réussite de la série tient à la participation de personnalités réelles du Hollywood de l’âge d’Or. Chaque enquête de Toby Peters entraîne la participation d’un grand nom du cinéma américain des années 40 : Errol Flynn, Gary Cooper, Bela Lugosi, Judy Garland, Cary Grant… Un casting 5 étoiles pour des « special guest star » romancées que le statut d’historien du cinéma de Kaminsky ancre dans une véracité certaine, sans verser dans l’information people crapuleuse. L’auteur témoigne ainsi d’un véritable respect pour ces figures légendaires mais ne tombe pas pour autant dans la brosse à reluire.

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Les dernières enquêtes de Toby Peters sont éditées chez Rivages/Noir.

Si chaque histoire peut se lire indépendamment, sans la réelle contrainte de récits à épisodes, les enquêtes de Toby Peters suivent malgré tout une logique temporelle qui voit le détective faire référence à des aventures antérieures ou son univers évoluer de façon linéaire. Je ne peux que vous recommander de débuter la série par le premier roman, COUPS DE FEUX DANS LES ÉTOILES, puis de suivre l’ordre chronologique des publications jusqu’à la disparition de Stuart Kaminsky en 2009. Avec au final une vingtaine de titres disponibles.

Initialement éditée dans la mythique collection « Série Noire », la série fut publiée dans sa quasi intégralité chez 10/18, dans la collection « Grand Détectives ». Les derniers titres sont disponibles chez Rivages / Noir.

Prenantes, légères et attachantes, idéales pour les mordus de cinéma et les amateurs de romans policiers, les aventures du privé Toby Peters méritent amplement d’être dévorées au cours de l’été… et même au delà !

Source photo : THE BIG COMBO de Richard H. Lewis (1955).

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2 commentaires Ajoutez le vôtre

  1. manU dit :

    Excellent billet, comme toujours, qui me laisse penser que je vais me régaler avec cet auteur que je veux découvrir depuis un bon moment déjà…

    Aimé par 1 personne

    1. Oui, je pense que tu devrais beaucoup apprécier cette excellente série ! C’est drôle, prenant, touchant… Une vraie belle série de polars et un bel hommage au Hollywood des années 40…

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