Humeur : des espoirs et déceptions #1

Entrer en cinéphilie, c’est bien évidemment écouter son cœur autant (sinon plus) que sa raison. Tout bon mordu de 7ème Art a ses films de chevet mais aussi ses réalisateurs cultes et ses acteurs fétiches. Et plus fort est l’engouement, plus grande est la déception. Personne n’est parfait et je vous mets au défi de me dénicher une seule star qui ne se soit pas fourvoyée dans un nanar navrant pour se payer une nouvelle piscine. Le plus difficile demeure chez ces artistes en qui on a tellement placé d’espoirs. Ceux dont le succès (trop) immédiat nous a fait croire à des lendemains qui chantent, dont on a attendu le nouveau film en souhaitant secrètement qu’il soit encore meilleur que le précédent. Mais chez qui nous n’avons plus jamais retrouvé cette étincelle de génie qui les caractérisait. Leurs premières œuvres restent nos meilleurs souvenirs et, si l’on parle encore d’eux aujourd’hui, c’est en se remémorant le passé… Les souvenirs en bandoulière (et les regrets, aussi), je vous invite à suivre ce premier billet d’humeur nostalgique et grinçant.

GODARD OU LES VESTIGES DE LA NOUVELLE VAGUE

À tout seigneur, tout honneur. Jena-Luc Godard est celui qui m’a poussé à écrire cet article. Alors que le 67ème Festival de Cannes s’est achevé il y a quelques semaines, l’un des réalisateurs phares de la mythique Nouvelle Vague y a brillé… par son absence. Sélectionné pour son dernier film ADIEU AU LANGAGE, récompensé pour le prix du Jury (ex-æquo avec Xavier Dolan), le réalisateur grincheux n’a pas souhaité se déplacer et jouer le jeu des mondanités. On peut le comprendre, c’est vrai. Le résultat de ce mépris fut que l’on n’a jamais autant parlé de lui depuis longtemps !

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En 1990, à la montée des marches de Cannes pour NOUVELLE VAGUE (quelle trouvaille ce titre !), Alain fait sa crise de mégalo. Jean-Luc jubile mais c’est intérieur…

Pas, ou peu, de commentaires sur son film… si ce n’est que le propre chien du réalisateur est de pratiquement tous les plans. Présentée comme « l’évènement de la Croisette », l’absence de Jean-Luc Godard fut analysée, décortiquée et répétée au cas où on n’aurait pas compris. Le vide pour meubler, me direz-vous, ça s’est déjà vu. À voir et entendre cette non-information, je me suis posé la question à la façon de l’émission Blow-Up d’Arte : c’est quoi aujourd’hui Jean-Luc Godard ?

Godard, c’était la Nouvelle Vague. Une vraie claque d’impertinence en 1959, avec À BOUT DE SOUFFLE, son 1er film et probablement son chef-d’œuvre. Des idées novatrices. Des acteurs que l’on découvrait pour la première fois, ou presque. Un ton désinvolte, comme pour se moquer des spectateurs, mais un véritable amour pour le cinéma qui transparaissait dans le montage, dans chaque scène et dans chaque réplique devenue culte. La décennie qui suivit porta Godard au sommet de sa gloire, avec des perles comme LE MÉPRIS, PIERROT LE FOU ou ALPHAVILLE. Des œuvres pour « public averti » comme on dit, déroutantes il est vrai mais soignées et ne ressemblant à aucune autre. Des années 60 qui ont inspiré les cinéastes du monde entier, les Américains en tête, avant une traversée du désert plus ou moins volontaire dans les années 70, pour cause de films politiquement plus engagés.

On reparla du sieur Jean-Luc au début des années 80 avec SAUVE QUI PEUT LA VIE ou PRÉNOM CARMEN. Mais le bonhomme s’enferma de plus en plus dans une forme de dédain des autres, journalistes comme acteurs ou spectateurs, balançant des bons mots pas toujours si creux (avec la fameuse réflexion « Quand on regarde la télé, on baisse les yeux. Quand on va au cinéma, on les lève ») et présentant des films de plus en plus obscures et dont personne ne sut sincèrement quoi penser.

DÉTECTIVE, en 1985, fait l’évènement de Cannes… pour la présence du couple Johnny Halliday / Nathalie Baye. Et NOUVELLE VAGUE, lui aussi présenté à Cannes en 1990, est vampirisé par l’arrivée d’un Alain Delon venu savourer ses bains de foule, un strass « Star » tout en diamants accroché à la boutonnière ! C’est vrai, le cinéaste n’y pouvait rien, et cette vanité en excès fait partie intégrante du Festival… Mais quand un film n’est compris que de celui qui l’a réalisé, que peut-on évoquer à son sujet ? À bientôt 84 ans, Godard fait toujours parler de lui. Mais est-ce vraiment pour ses créations ? Depuis quand n’a-ton vu une œuvre du réalisateur, réussie pour ce qu’elle est et non pour ce que Godard représente aux yeux des nostalgiques d’une époque dorée ? Et quand arriverons nous enfin, en France, à comprendre qu’un film ne peut réellement vivre sans le public ? Le cinéma est un art, certes, mais il est aussi un divertissement. Une création où la réflexion ne doit pas empêcher l’émotion.

J’entend déjà certains me dire qu’on ne doit pas toucher à Jean-Luc Godard, qu’il vaut mieux avoir fait quelques œuvres majeurs qu’une série de navets. Mais ces œuvres majeures datent de la Nouvelle Vague. Et la Nouvelle Vague, c’était il y a plus de 50 ans.

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4 commentaires Ajoutez le vôtre

  1. Nio dit :

    Et bien moi je remonterais aux Histoire(s) du cinéma en ce qui concerne la dernière réussite de Godard. Expérimental à souhait mais suffisamment riche dans ses couches pour y voir surgir des clins d’oeil à la nouvelle vague, au cinéma italien, à Hitchcock, à Truffaut… Enfin pour moi qui a été soufflé par le bidule. 🙂

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    1. C’est pas faut, y’a du bon… Disons que ce battage sur du rien, à Cannes, m’a profondément… ennuyé 🙂
      De façon générale, je suis hermétique aux récents films du riant Jean-Luc. Je le trouvais plus jouasse et farceur à ses débuts…

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  2. potzina dit :

    Moi je ne l’aime pas alors tu peux taper dessus sans problème. J’ai enfin réussi à voir en entier Le Mépris quand il est passé il y a quelques semaines sur ARTE mais, à part À bout de souffle, je n’aime pas les quelques films que j’ai vu de lui. Et puis il est chiant quand il parle… Non vraiment j’ai du mal avec ce type 😉

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    1. Je suis tout à fait d’accord avec toi Potzi ! Le bonhomme transpire le mal de vivre et le mépris. Et l’entendre parler revient à se passer en boucle un air de scie musicale 🙂

      À BOUT DE SOUFFLE reste mon film préféré à moi aussi. LE MÉPRIS reste un beau film malgré des signes de Godardisme aigue (la musique qui cache en partie les dialogues, par exemple…).

      Pour ma part, je pense que Godard s’est enfermé dans un personnage. Dans le rôle de l’artiste incompris qui crée sans se soucier des autres, et le fait bien sentir. Ça fonctionne puisque, même quand il n’est pas là, on parle de lui quand même (la preuve, j’en parle aussi !!) mais il n’y a plus rien à dire sur ses films. Et lui-même ne semble plus rien avoir à dire…

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