Revoir LA PARTY

Il y a quelque temps, mon amie blogueuse Potz Ina a lancé son ciné-club, invitant chaque participant qui le souhaitait à chroniquer un film autour d’un genre donné. La comédie fut le premier thème proposé. Et la chose la plus difficile restait à choisir LE film comique pouvant m’inspirer un article digne de sa demande… et digne d’être lu. Je ne vais pas vous dérouler ici la liste de mes comédies de chevet, mais entre les grands classiques de Chaplin, CERTAINS L’AIMENT CHAUD, LES TONTONS FLINGUEURS, LA GRANDE VADROUILLE ou Y-A-T-IL UN PILOTE DANS L’AVION ?, j’avais vraiment de quoi faire ! LA PARTY, comédie culte de Blake Edwards, m’est alors apparue comme une évidence…

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TOUT VIENT DE L’ENFANCE

J’ai toujours associé LA PARTY à mon enfance. Rien à voir avec une quelconque douleur ou de mauvais souvenirs. Je devais avoir 6 ou 7 ans lorsque je l’ai vu pour la première fois à la télévision. Epoque bénie où, si vous habitiez le Nord et la région Lilloise, vous aviez la possibilité de voir 2 fois le même film le samedi soir sur la 1ère chaîne belge et le dimanche suivant sur TF1 ! Il faut comprendre qu’il n’y a encore pas si longtemps il n’était pas question de replay, d’internet, de location vidéo, ni encore moins de magnétoscope. Je sais, on est en pleine archéologie. Mais ce double bonheur à la vision de LA PARTY reste un de mes meilleurs souvenirs de tout jeune cinéphile / cinéphage. Curieusement, en revoyant le film, j’ai lui ai découvert un autre lien à l’enfance. Différent mais ayant toute son importance.

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Dans une intervention présente sur les bonus du DVD de LA PARTY, Blake Edwards révèle, sans pour autant entrer dans les détails, que son enfance fut des plus pourrie. Choc des mots pour l’un des plus brillants réalisateurs de comédie ! Mais rien de réellement surprenant. Le metteur en scène explique ainsi que les comédies de sa jeunesse (les films de Chaplin, Buster Keaton ou Laurel et Hardy) agirent alors comme autant de baumes sur des années douloureuses, la quête du burlesque et de l’humour devenant un trait essentiel de son caractère pour donner un sens à son existence. Et la rendre plus supportable.

On a tous entendu dire que les plus grands humoristes sont souvent des gens mélancoliques, voire de grands dépressifs. C’est probablement l’une des choses qui rapprocha Edwards et Peter Sellers, ce besoin de détourner par le rire les pires situations. Après une première collaboration entamée vers 1963 avec LA PANTHERE ROSE et sa suite QUAND L’INSPECTEUR S’EMMÊLE (A SHOT IN THE DARK en VO), le réalisateur et l’inoubliable interprète de l’inspecteur Clouseau se brouillèrent un temps avant de se retrouver 4 ans plus tard avec une envie commune : celle de rendre hommage aux classiques burlesques du muet.

UN HOMMAGE AU TEMPS DU MUET

LA PARTY est une comédie basée essentiellement sur le comique de situations. Très peu de dialogues mais un flot quasi ininterrompu de gags visuels provoqué par l’attendrissant mais maladroit Hrundi V. Bakshi (Peter Sellers), acteur d’origine Indienne en pleine jungle Hollywoodienne. Après son renvoi d’un tournage dévasté par sa maladresse (la scène d’intro,  inoubliable…), l’infortuné Bakshi est placé sur la liste noire d’un patron de studios de cinéma, à la veille d’organiser une soirée V.I.P. dans sa somptueuse demeure californienne. Mais à la suite d’une erreur de logistique, Hrundi reçoit une invitation à la fameuse party et s’y rend candidement, provoquant boulettes et catastrophes en chaîne…

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Parmi les inoubliables personnages incarnés par Peter Sellers, il y a bien sûr l’inspecteur Clouseau et le Dr Folamour du film de Kubrick. Mais dans un registre tout aussi mémorable, et bien plus attachant, ce Hrundi V. Bakshi se présente comme l’un des rôles les plus impressionnants du grand acteur britannique. Avec son accent impayable (il faut voir le film en VO même si la VF est de qualité), son éternel sourire Colgate et cette naïve attitude en toute occasion, Bakshi / Sellers tire le film vers les sommets du burlesque.

Grain de sable dévastateur, grippant les rouages d’un monde où tout n’est que « calme, luxe et volupté » (du moins, en apparence), Bakshi nous rappelle le Hulot de Jacques Tati. Un doux rêveur maladroit dans un univers aseptisé, révélateur des aspects les plus stupides de notre société, de sa rigidité, de ses codes étriqués et de ses encombrantes étiquettes.

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Prenant son temps pour installer son récit et son anti-héros, Edwards a peaufiné chaque séquence pour mieux nous inviter à la fête. Laissant son acteur fétiche improviser avec brio pour la majorité du film, il n’oubliait jamais l’arrière-plan, révélant au passage des scènes au non-sense délirant soutenues par d’excellents comédiens (avec entre autres Steve Franken dans le rôle du serveur progressivement ivre).

L’IRONIE ET LA TENDRESSE DERRIÈRE LE RIRE

Privilégiant l’ironie au cynisme, Blake Edwards distillait quelques petites touches d’émotion qu’il saupoudrait d’humour. Le rire et le délire sont encore les meilleurs moyens de ne pas pleurer face à l’adversité, aux coups du sort et aux puissants de tous bords. Ainsi, la fantaisie et la bienveillance de Bakshi seront d’une grande aide pour Michelle Monet (la mimine Claudine Longet), jeune actrice innocente, un peu perdue dans un monde de faux-semblants.

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Face aux critiques d’un univers qu’il pratiquait et connaîssait très bien, Blake Edwards distillait une douceur et une tendresse bienvenues, aidé par Henry Mancini, son double musicale… Puis il rebondissait sur cette émotion pour mieux la mêler au non-sense, comme dans cette mémorable séquence de la chanson « Nothing to lose » où Hrundi, appelé par un besoin pressant, se retrouve coincé bien malgré lui…

Terminant son film sur une note d’espoir et de mélancolie, celle d’après la fête, lorsqu’il faut rentrer et reprendre le cours de sa vie, Edwards a transformé son malchanceux acteur de seconde zone en « héros-vengeur » d’un soir : c’est le triomphe des « petits » contre les « gens importants » et le réalisateur prend certainement une revanche contre un milieu qu’il n’apprécie guère… Hrundi part avec la jeune Michelle, tel le chevalier et la princesse en détresse. Gentleman, il l’accompagne jusqu’à son pas de porte. Quelques mots et sourires échangés et l’on voudrait juste que ces deux-là ne se quittent jamais !

Témoignage d’une époque qui semblait encore s’amuser, signe d’un temps en pleine évolution – et révolution – des mœurs, LA PARTY apporte une bonne humeur indispensable et un rire salvateur par les temps qui courent. Ce grand cru du duo Peter Sellers / Blake Edwards se consomme jusqu’à l’ivresse !

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LA PARTY (1968) de Blake Edwards
Avec Peter Sellers, Claudine Longet, J. Edward McKinley, Marge Champion, Steve Franken, Gavin MacLeod, Denny Miller…
Scénario : Blake Edwards, Tom et Franck Waldman. Musique : Henry Mancini.

© Crédits Photos : Mirisch Company / United Artists.

Retrouvez ici le Ciné Club de Potzina « Spécial Comédie » et l’intégralité des blogueurs participants.

BONUS

LA PARTY ne serait pas ce qu’elle est sans l’excellente partition jazzy-pop d’Henry Mancini. À (re)découvrir en version remasterisée :
Bande Originale du film en écoute libre sur Deezer

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4 commentaires Ajoutez le vôtre

  1. potzina dit :

    Birdie num num?!!! 😀
    Ta chronique donnerait envie au plus réfractaire de voir le film, bravo mon huggy ! Note qu’il ne faut pas me pousser parce que je l’adore. Il faut dire que je voue un culte à Peter Sellers et que, quoiqu’il fasse, je le trouve irrésistible. Ce film est une vraie pépite qui passe à toute vitesse. Il faudra que je le revoie, ça me fera le plus grand bien 🙂

    Merci pour ta brillante participation et aussi pour le lien vers mon petit blog 😀

    J’aime

    1. Merci ma Potzi 😀
      Oui, le fameux « Birdie Num Num » dont s’est inspiré le groupe Birdie Nam Nam, et qui a donné son nom à un resto sur Paris à ce que j’ai découvert…
      LA PARTY est un grand classique indémodable, du moins c’est mon avis. Je t’avoue que le revoir m’a fait beaucoup de bien. Il faudrait le prescrire à tout le monde en ce moment, et le faire rembourser par la Sécu 😉

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