L’histoire
À la fin des années 50 aux États-Unis, Margaret Ulbrich (Amy Adams) quitte son domicile avec sa fille pour refaire sa vie à San Francisco. Ses talents d’artiste sont indéniables mais, dans sa situation et le contexte de l’époque, il lui est difficile de rebondir. Walter Keane (Christoph Waltz), un peintre du dimanche, beau parleur, la séduit et l’épouse. Fragile et charmée par l’aisance de Keane, Margaret se laisse rapidement convaincre de lui octroyer la paternité de ses créations…
Rendre à Margaret…
Mettons les pendules sur les i et les points à l’heure : j’aime bien Tim Burton sans en être un fan assidu. Loin d’être mordu de son style « macabro-tristoune-gore-soft », je suis (du verbe « suivre ») le bonhomme, sans vraiment le savoir, depuis son PEE-WEE’S BIG ADVENTURE (je reviendrai à l’occasion sur cet OVNI incompris…). Son BATMAN en 1989 m’a Gothamisé à vie et son chef d’œuvre EDWARD AUX MAINS D’ARGENT m’émeut toujours autant, 25 ans après.
Mais je dois reconnaître, au risque de me faire de nouveaux ennemis, que ses élucubrations ghotiques à coup de Johnny Depp en drag-queen aux yeux charbonneux me laisse de marbre. Dans le parcours du Tim, outre les films déjà cités, seuls ED WOOD et BIG FISH me touchent. Ça n’est donc pas pour son nom mais pour le sujet que BIG EYES m’a conduit à prendre un ticket.
Comme poussé à se répéter, Burton semblait tourner en rond, doué pour un indéniable sens de l’image mais perdu dans des récits dont il semblait se moquer. BIG EYES met les compteurs à zéro malgré les apparences d’une œuvre de commande.
Au delà de l’histoire vraie qui dépasse la fiction, BIG EYES nous parle d’art et de trahison. Sujet auquel Mister Burton, dans ses rapports « je t’aime / je te hais » avec les grands studios hollywoodiens, ne pouvait qu’adhérer. Se débarrassant de ses tics sombres tout en soignant l’image de son film comme personne, Burton se libère de ses chaînes d’ado attardé pour évoquer la création artistique dans ce qu’elle a de plus vil et (hélas) réaliste.
Le drame de Margaret (magnifiquement interprétée par une Amy Adams tout à la fois fragile, résignée puis combattante) permet de rétablir la vérité sur une situation donnée mais aussi sur une époque. Baignant dans des couleurs colorées et sucrées, nappées de références au pop art (la séquence du super-marché et ses boîtes de soupes Campbell, par exemple…), Tim Burton ne joue pas sur la nostalgie d’un temps idéalisé. Dans un univers à 1000 lieues de notre époque de stress, il évoque cependant une période où la femme n’a pas (ou si peu) droit à la parole. Comme l’affirme l’un des protagonistes du film, les femmes n’ont pas le droit de cité dans le milieu artistique des années 50/60 !
BIG EYES nous parle d’une histoire universelle où l’art et le commerce ne font pas bon ménage… et sont pourtant intimement liés ! Quoi de plus représentatif de cette éternelle situation que le cinéma, considéré comme une création artistique dans notre joli pays et comme une industrie à Hollywood ?
Burton ne prétend pas donner de réponses. Il réussit cependant à nous captiver en évoquant un sujet intemporel, nous offrant une belle réflexion sur la création artistique et le sens du marketing. En gros, et en évoquant un sujet du Bac : comment peut-on vivre de son art sans vendre pour autant son âme au diable ?
En parallèle, Burton fait une critique efficace et ironique du monde artistique, mettant au tapis le Pop-Art, sujet aux excès du consumérisme à outrance, et les critiques « gardiens du temple ». Professionnels ou amateurs, tout le monde en prend pour son grade avec pertinence !
Beau film distrayant et réfléchi, BIG EYES n’ai pourtant pas dénué de quelques défauts. Face à une Amy Adams sobre et émouvante (je me répète, je sais…), « der komiker » Christoph Waltz, tout en machoire « tiroire-caisse » et sourires carnassiers, en fait des tonnes dans le rôle de l’insupportable Walter Keane. « Le rôle vaut cette performance » me direz-vous. Il n’empêche que l’acteur gagnerait à changer de registre pour prouver qu’il n’est pas juste un comédien que l’on aime détester.
Que dire également d’une fin procéduriale vite expédiée et du « refuge » de Margaret Keane chez les témoins de Jéhovah, à peine évoqué mais qui mériterait pourtant un peu plus qu’une ou deux répliques ?
Le dernier film de Tim Burton vaut tout de même le détour. Loin d’être sa meilleure œuvre, BIG EYES nous prouve que le cinéaste a toujours sa place chez les artistes à suivre…
BIG EYES (2014) de Tim Burton.
Avec Amy Adams, Christoph Waltz, Krysten Ritter, Terence Stamp, Jason Schwartzman, Danny Huston…
Scénario : Scott Alexander et Larry Karaszewski. Musique : Danny Elfman.
Crédits photos : © The Weinstein Company & Studio Canal.
Je ne l’ai pas encore vu donc je ne peux pas donner mon avis. Voilà un commentaire positivement intéressant, n’est-ce pas ? 😀 Tu n’es pas le seul à «désespérer» du jeu de Waltz, j’ai vu le même genre de commentaires sur Twitter.
Bon, bon… Je reviendrai ici quand j’aurai vu le film histoire de dire quelque chose d’un peu plus consistant 😉
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Le film vaut le détour. Fan de Tim Burton, cela devrait te plaire plus qu’à moi je pense… qui dis-je, j’en suis sûr ! Mais je sais très bien aussi que cela ne t’empêchera pas de « dégainer » si ça n’est pas la cas 😉
Pour Waltz… je reconnais ne pas être un grand fan du bonhomme (voilà ça c’est fait) et c’est certain que son rôle (un type roublard et grande gueule… dans tous les sens du terme !!) demande un jeu outré. Mais bon, j’aimerai un jour le voir dans un autre registre, histoire de revenir sur mes aprioris…
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Ça y est je l’ai vu ! J’ai aimé mais sans plus. J’ai été déçue de ne pas retrouver la Burton’s touch même si je m’en doutais en voyant la bande-annonce. Il n’y a pas de folie et la mise en scène est classique. On est loin d’Ed Wood alors qu’il s’agissait aussi d’un biopic…
Par contre j’ai aimé les différents sujets traités et les compos de Wlatz et Adams. Contrairement à toi Waltz ne m’a pas déplu à part dans la scène de procès où j’ai trouvé qu’il en faisait beaucoup trop.
Mon avis est plutôt mitigé. Il faudra que je le revoies plusieurs fois pour me faire une idée définitive mais j’espère que ses prochains films seront moins lisses 🙂
Bon dimanche mon Huggy !
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Oui, je viens de lire ta chronique et y ai laissé un commentaire…
Je me doutais que le film te plairait moyennement au final, même si je pensais que tu serais plus clémente que moi 🙂
Après, comme déjà dit, je ne suis pas complètement fan du côté gothique de Tim Burton même si j’aime beaucoup plusieurs de ses films… Sûr que ce BIG EYES n’est pas un chef d’œuvre, ni son meilleur film mais comme tu le dis dans ta chronique, il est intéressant sur de nombreux sujets qu’il traite. Et sur le travail soigné de l’image (photo, décor, ambiance…)
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