Séance de rattrapage : SIMON WERNER A DISPARU…

L’histoire

Dans le lycée d’une petite ville de France, au début des années 90. Un élève d’une classe de Terminale, Simon Werner (Laurent Delbecque) a disparu depuis plusieurs jours. Dans son entourage, les rumeurs diverses se propagent alors que d’autres adolescents disparaissent à leur tour…

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Enquête sur un ado au-dessus de tout soupçon

Projeté à Cannes puis sorti en septembre de l’année 2010, SIMON WERNER A DISPARU… bénéficiait d’une belle réputation « hors-normes » pour un film français. Les critiques l’ont comparé à ELEPHANT de Gus Van Sant, histoire de se rassurer et de rassurer le public. Au delà des comparaisons hâtives bien que justes, le film de Fabrice Gobert est une agréable surprise… pour une réalisation française.

SIMON WERNER… est avant tout un film d’ambiance très intriguant, dont l’atout premier vaut surtout dans le traitement graphique plus que dans l’aspect scénaristique. L’histoire en elle-même, sans être dénuée d’intêret, n’est pas des plus originales mais c’est son approche visuelle qui accroche dès le début. À travers ce qui ressemble apparemment à un banal fait-divers, Gobert nous présente progressivement la réalité à travers le point de vue de 4 protagonistes liés de près ou de loin au récit : Jérémie (Jules Pélissier), le sportif du lycée surnommé « Hulk » pour ses accès de colères démesurés; Alice (Ana Girardot), la belle « bombe » du bahut, plus profonde qu’il n’y parait et petite amie de Simon; Jean-Baptiste (Arthur Mazet), l’intello complexé et fils d’un prof du lycée, plus sensible et touchant que les apparences ne laissent croire; et Simon Werner (Laurent Delbecque), anti-héros du film, mystérieux à force d’être discret et source de nombreuses suspicions…

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Au fur et à mesure que l’on suit ces mêmes 15 derniers jours avant le début de l’histoire, mais selon différents points de vue, le film nous permet de saisir combien les théories et rumeurs peuvent s’avérer loin de la réalité et doivent être remises en cause. Un seul lycéen manque et les suppositions les plus dingues enflent jusqu’à l’ignominie. De l’élève jugé « glauque » parce que trop réservé à la « star du lycée » réputée inaccessible parce que trop belle, en passant par le prof accusé des pires méfaits parce que trop renfermé, tout est sujet aux plus détestables suppositions.

Bien sûr, SIMON WERNER… n’évite pas certains clichés, propres aux « teen-movies ». Pourtant, toutes ces évidences – la « bimbo »,  le « sportif », le « prof pas net »… – font parties de nos quotidiens de lycéens. Je vous met au défit de ne pas avoir ces références dans votre propre passé. Et même si l’époque du film (le début des années 90, sans téléphones portables ni internet) est plus à même de toucher des gens de ma génération, je suis persuadé que l’atmosphère du film de Fabrice Gobert en sensibilisera plus d’un parmi vous.

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Jouant sur des éclairages et angles de caméra angoissant, SIMON WERNER… est un habile mélange de genres, du thriller au drame intimiste en passant par une touche de parano fantastique. Ses jeunes acteurs s’en sortent tous avec justesse, malgré certains clichés. Mais force est de reconnaître qu’Ana Girardot se démarque du lot. Fille des acteurs Hippolyte Girardot et Isabel Otero, la jeune femme parvient à rendre crédible un personnage en apparence superficiel mais plus complexe qu’il n’y parait.

Arthur Mazet, Jules Pélissier, Laurent Delbecque, Selma El Mouissi ou bien encore Audrey Bastien complètent le casting avec justesse et rendent leurs personnages attachants dès les premières minutes. Ils s’imposent tous dans un univers où les adultes ne semblent pas avoir vraiment leurs places.

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C’est bien là l’aspect le plus envoutant du film de Fabrice Gobert, cette volonté de ne pas accentuer l’aspect temporel du film. Si l’on comprend par certains détails que la trame se situe dans le passé, ne serait-ce que par l’excellent choix musical (l’intro avec Love Like Blood de Killing Joke et la BO signée Sonic Youth), SIMON WERNER… s’ancre volontairement dans un « flou réaliste », permettant à chacun de s’identifier au récit.

Les secrets des lycéens, la forêt à proximité de l’établissement, les quartiers résidentiels trop calmes pour être honnêtes… ne sont pas sans rappeler un certain David Lynch et sa sulfureuse Laura Palmer. Ces références anglo-saxonnes ne desservent pas le film, loin de là. SIMON WERNER A DISPARU… est une belle manière d’aborder la compléxité du monde adolescent, ses fantasmes, ses douleurs et ses blessures sans tomber trop profondément dans l’introspection « à la française » plombant nos productions hexagonales.

Après une tension montante, on pourra toutefois regretter un dénouement des plus crus et plats. Mais les derniers plans du film, avec ses personnages principaux  réunis dans la douleur, nous montrent qu’ils ont bien plus appris en quelques jours que durant toute une vie. Et que leurs différences n’ont pas lieu d’être.

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SIMON WERNER A DISPARU… (2010) De Fabrice Gobert.
Avec Ana Girardot, Arthur Mazet, Jules Pélissier, Laurent Delbecque, Selma El Mouissi, Audrey Bastien, Serge Riaboukine…
Scénario : Fabrice Gobert. Musique : Sonic Youth.

BANDE-ANNONCE

4 commentaires Ajoutez le vôtre

  1. potzina dit :

    Il était dispo dans une opération DVD à petits prix dans mon point culturel, j’ai hésité à le prendre et en fin de compte je ne l’ai pas acheté parce que je pensais que ça serait un énième film chiant sur l’adolescence. Je pense que j’ai eu tort 😉
    Déjà que les films sur l’adolescence ne m’emballent pas plus que ça mais quand c’est des films français, c’est pire. Les cinéastes français ont un don pour tout rendre hyper glauque et ennuyeux. Ils ont dû avoir une adolescence peu commune ou alors ils sont en plein fantasmes parce que souvent je ne m’y reconnais pas du tout. À moins que ça soit moi qui ai eu une adolescence peu commune ??!
    En tout cas, je prends note de ce Simon Werner, merci Huggy ! 😀

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    1. De rien Dame Potzi ! Je suis tombé dessus hier soir, sur France 4, en 2ème ou 3ème partie de soirée… De temps en temps, les insomnies ont du bon !
      Je suis d’accord et comme toi, les films sur l’adolescence ne me concernent pas… voire plus du tout. C’est tout de même une période pas évidente à vivre la plupart du temps. Mais elle est généralement mal traitée au cinéma. Soit on verse dans le trash à la Larry Clark, soit on tombe dans le navrant genre Les Profs. Il y a quelques réussites malgré tout… Sans être parfait, ce SIMON WERNER… mérite d’être vu. Son côté « suspense » y est pour quelque chose.

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  2. niolynes dit :

    Un film que je guette car il m’intéresse depuis un petit moment déjà. J’ai l’impression que ça se rapproche pas mal aussi des films d’Araki, l’aspect « sexuel débridé » en moins. Sinon la Ana Girardot s’impose comme une grande. Elle est fabuleuse aussi justement dans « la prochaine fois je viserais le coeur ». 🙂

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    1. Idem ! Il faisait aussi partie de ma liste « séance de rattrapage ». Et le hasard faisant bien les choses, il passait à la télé l’autre soir !… Pas vu le film avec Canet mais je ne doute pas qu’elle devait y être très bien. Elle dégage quelque chose, c’est certain 😉

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