L’histoire
Jay (Maika Monroe), une adolescente vivant à Détroit, est la victime d’un étrange et effroyable sort. Depuis leur dernière relation sexuelle, son petit ami Hugh (Jack Weary) lui a transmis une « malédiction » dont lui-même était atteint. Dès lors, Jay est la seule à voir une entité d’apparence humaine la poursuivre et la menacer…
Sexcrime
Auréolé d’une réputation de petit chef d’œuvre inventif, IT FOLLOWS faisait partie de ces films qu’il me tardait de voir. Une séance de rattrapage vite placée tout en haut de la longue liste des oublis ou manquements que je tiens à « réparer »… Ma déception est à la hauteur de l’attente. Comme quoi, faudrait jamais trop s’emballer.
Avant d’aller plus loin, je tiens simplement à vous prévenir. Je me suis juré, en créant ce blog, d’éviter les spoilers qu’affectionnent certains blogueurs irrespectueux. Toutefois, il m’est apparu nécessaire, pour défendre mon point de vue de façon constructive, d’évoquer certains passages du film, tout en restant le plus évasif possible pour permettre à tous de découvrir le film. Vous voilà prévenus.
À mes yeux, IT FOLLOWS n’est pas un ratage total. Il ne mérite pas non plus l’engouement dithyrambique partagé par la presse spécialisée et les sites amateurs. Visuellement stylisé et très soigné, avec un excellent travail sur la photographie et le son, le film de David Robert Mitchell parvient à instaurer une angoisse sourde et crédible en privilégiant un cadre réaliste.
Détroit, cité de l’industrie automobile, est connue pour être l’une des grandes villes américaines la plus touchée par la crise économique. Le film use de cet environnement déliquescent pour installer un décor « zombifié », alternant les lotissements trop tranquilles et les quartiers abandonnés. Les ados, héros malgré eux du récit, nous sont présentés dans toute leur réalité la plus désoeuvré. Point de bande sortie d’un épisode de la série tv BEVERLY HILLS, ou d’un slasher typé comme SCREAM : les jeunes de IT FOLLOWS traînent leur ennui devant de vieux films d’horreur ou dans la petite piscine familiale, s’envoyant des vannes ou lâchant une « caisse » pour mieux détendre l’atmosphère ! Ni glamour ni trop trash. Juste ce qu’il faut pour imbriquer le récit dans la réalité.
Trop peut-être, tant ce petit groupe mollasson ne parvient pas vraiment à susciter la sympathie. Probablement trop vieux pour ces conneries le Movie Freak ? C’est pas faux… N’empêche que l’état des lieux qu’offre IT FOLLOWS sur l’adolescence actuelle n’incite pas vraiment à devenir parents… Pas de reproches sur les acteurs du film mais plutôt sur le traitement des personnages. Le casting est des plus sobre et juste, brillamment mené par l’attachante et crédible Maika Monroe (aperçue entre autres dans THE BLING RING de Sofia Coppola). La jeune actrice porte sans conteste le film sur ses épaules. Sans surjouer les « power girls » de service, elle rend palpable l’horreur progressive dont elle est victime.
Entre l’introduction glaçante et les premières visions de Jay, le début d’IT FOLLOWS est certainement la partie la plus réussie du film. Les toutes premières images intriguent et distillent une réelle angoisse. L’usage de plans panoramiques et de lents mouvements de caméra, sur la musique synthétique de Disasterpeace, place le film dans un quotidien lourd de menace. Suggérée et dérangeante, l’horreur, surgissant par à-coup, suscite tension et sursauts. Mais les gimmicks qu’empruntent (avec un certain talent) David Robert Mitchell s’avèrent gênants sur la durée.
Un peu trop vite catalogué comme un cinéaste génial, Mitchell paie son (évident) tribut minimaliste au John Carpenter des débuts, celui de classiques comme HALLOWEEN ou FOG. Pourquoi s’en priver me direz-vous ? Le réalisateur ne s’en cache pas. Et le son 80’s, qui a contribué à de récents succès comme DRIVE, est en plein dans l’air du temps. Hommages plus qu’emprunts, donc. Mais utilisés jusqu’à plus soif !
Si on a compris que la lente rotation à 360° de la caméra sur elle-même, histoire de plonger le public dans une scène du film, était aussi une façon de partager la peur et l’isolement d’une victime, était-ce nécessaire de nous balancer ce même effet à plusieurs reprises, même quand cela ne sert strictement à rien ? Le minimalisme et la lenteur de la mise en scène, nécessaire parfois pour créer une atmosphère tendue, donnent ici le sentiment de combler les fissures d’un scénario intriguant mais mal ficelé.
D’accord, l’idée de ne pas basculer dans un humour bas de plafond de teenagers en manque de galipettes est bienvenue. IT FOLLOWS demeure sérieux du début à la fin… Ce qui n’empêche pas de provoquer les sourires et les rires involontaires !
Prenons la scène finale. Mitchell avoue s’être inspiré d’une séquence de LA FÉLINE de Jacques Tourneur… Bon, moi je veux bien. Mais dans une volonté de parodie alors ! Cherchant à piéger « l’entité » meurtrière, le groupe de djeuns s’est installé dans la piscine locale… plaçant tout autour du grand bassin des appareils électriques et branchés sur le 220 ! Soit.
Jay, la pauvre victime, attend son heure dans l’eau chlorée. Et lorsque le « monstre » arrive, c’est la panique. Au niveau de la caméra aussi d’ailleurs.
À trop vouloir tout filmer à grands coups de plans panoramiques, dans le but de rendre le récit crédible, le réalisateur ne facilite pas l’implication. Certaines images font plutôt sourire – « Attention ! Derrière-toi ! Un sèche-cheveux qui tient tout seul dans le vide ! » – et on est censé assister à la fin du film. Mouais…
La scène du groupe à la plage verse elle aussi dans l’involontairement drôle – « Oh mon Dieu ! Mes cheveux flottent dans l’air ! » – malgré quelques plans inquiétants. Quand au moment où, terrorisée par les « visions » qui s’invitent chez elle sans permission, la pauvre Jay s’enfuit, qui pourra m’expliquer l’utilité (et la logique) pour elle de courir se réfugier dans un parc isolé et obscur ? La panique sans doute ? Re-mouais…
Ok ok, j’arrête d’être chafouin et de chercher la petite bête… À vrai dire, ça n’est pas ce qui m’embarrasse le plus dans IT FOLLOWS. Ce qui me gêne, c’est son propos ambigu. Tout le monde, je pense, aura compris ce qu’évoque le film : cette « malédiction » que se transmettent ces jeunes gens en couchant l’un avec l’autre n’est-elle pas une manière d’évoquer le danger des maladies sexuellement transmissibles, des fois ?
Ça se pourrait bien, même si le courageux David Robert Mitchell prétend ne pas avoir fait le film dans ce sens et laisse à chacun le soin d’y trouver l’interprétation qu’il souhaite (ici, un simple lien Wikipedia à prendre pour ce qu’il est mais ses propos se répètent sur de nombreuses interviews…). Ben voyons ! Comment ne pas y voir une « colossale » allusion ? Les protagonistes emploient à de nombreuses reprises le verbe « refiler » pour évoquer la monstruosité qui les poursuit de ses assiduités quand ils ont fait la « chose ». N’est-ce pas là un énorme indice ?
D’accord, on dira que j’ai l’esprit tordu et c’est bien possible. Mais tout de même, étaler sur plus d’1h30 les déboires d’une ado qui est poursuivie par la mort alors qu’elle vient de faire l’amour avec son petit ami, ça n’est plus une anguille mais une baleine qui se planque sous le caillou !
Que cherche à nous dire IT FOLLOWS lorsque la solution, pour en finir avec ce cauchemar, serait de vite coucher avec un autre partenaire pour lui « refiler » le mauvais sort ? Rien de bien net si vous voulez mon avis… Où se situe le message de David Robert Mitchell ? Dans une critique d’une société et d’une jeunesse américaine pudibondes jusqu’à l’excès ou irresponsables dans ses actes ? Cette façon un peu lourde de dire « le sexe, c’est pas bien ! » est-elle à prendre au second ou au premier degrés ?
Certains critiques ont évoqué la notion de « responsabilité parentale » dans le récit, l’entité prenant l’apparence d’adultes – et même de parents – pour menacer Jay et ses amis. Comme une façon de dire « voilà le monde angoissant qu’ont laissé les parents à leurs enfants »… Sauf que la « créature » devient aussi un enfant, le temps de quelques plans. Une manière d’évoquer le rejet de l’enfance et de l’innocence ? Hmmm……
Le film provoque ainsi le malaise là où on ne l’attend pas vraiment. Jay n’est ni présentée comme une petite allumeuse ni comme une garce. Mais elle n’en est pas à son premier petit ami jusqu’à la « transmission » maléfique. Elle s’enfonce alors dans une névrose qui lui fait regretter son geste, cherche une sorte de rédemption. Jusqu’à la toute fin du film, un peu vite expédiée à mon goût : la jeune femme revenue près d’un premier flirt, très amoureux d’elle, la vie semble reprendre son cours. Wow ! Plutôt moralisateur le film d’horreur inventif et minimaliste…
Intriguant mais des plus ambigus dans son propos, IT FOLLOWS emprunte plus qu’il ne crée. À la fois prenant dans son récit angoissant, ennuyeux dans ses étirements parfois gratuits et source de questions et polémiques, le film ne m’a pas vraiment plu, comme vous l’avez compris. L’engouement unanime dont il fait l’objet me surprend, compte tenu des pépites qu’il pille et des lourdeurs scénaristiques. À tout prendre, je préfère me refaire un bon petit Carpenter !
IT FOLLOWS (2014) de David Robert Mitchell.
Avec Maika Monroe, Keir Gilchrist, Jack Weary, Olivia Luccardi, Daniel Zovatto…
Scénario : David Robert Mitchell. Musique : Disasterpeace.
Crédits photos : © Radius TWC, Animal Kingdom, Northern Lights Films et Two Flints
BANDE-ANNONCE
Donc c’est plutôt « mouais » ?! Je l’ai loupé en salles et j’ai bien envie de le voir. Soit je serai emballée comme une dingue comme tout le monde sauf toi et ça sera super ; soit je n’aimerai pas trop comme toi et je pourrai faire un billet bien méchant pour me défouler et embêter Nio 😀
En tout cas, ton billet est vraiment chouette, ça m’a fait rire plusieurs fois. Faible consolation, je sais ! 😉
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Merci ! Après, ça n’engage que moi (air connu)… Ça n’est ni pour embêter Nio, ni pour jouer l’esprit de contradiction.
J’ai vu le film il y a 2 jours. J’ai laissé cogiter…
Moi aussi j’avais très envie de le voir. D’où ma grande déception.
Comme je le dis, tout n’est pas à mettre à la poubelle. Mais le message ambigu du film et son réalisateur qui ne s’engage pas malgré des allusions plus qu’évidentes me gênent quand même…
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Une fois de plus je reviens vers toi puisque j’ai vu le film hier soir. Je crains d’être à 100 % de ton avis. Je pense même que si je devais écrire un billet, je serais plus vache que toi. Je me suis ennuyée comme un rat mort du début à la fin, même la scène d’ouverture n’a pas réussi à me captiver.
J’ai trouvé l’histoire aussi mollassonne que le groupe d’ados et les effets de réalisation très très agaçants. J’ai failli faire une attaque pendant la scène de la piscine tant la caméra tourbillonnait dans tous les sens. Et l’effet miroir de Jay dans l’eau, ça m’a bien gonflée. Sans compter que l’idée d’électrocuter la créature est bien débile vu qu’elle se relève quand on lui tire dessus 😦 *soupirs*
Quant au message, j’en suis restée baba. Nous dire, en 2015, que le sexe est une ignominie quand on a leur âge – avec le sous-entendu d’une sexualité déviante car hors mariage et surtout sans amour – est indigne. Faut arrêter les conneries.
Et il y a tellement de choses ineptes, que tu as d’ailleurs soulignées dans ton billet, que ça en est risible. La meuf qui se barre et s’arrête sur un pont au milieu des bois pour dormir sur le capot de sa voiture ? Et au réveil part seule dans les bois avant de prendre un bain ?!! Soit c’est moi qui ai des exigences énormes en matières de scénario soit il y a pas mal d’incohérences dans ce film.
Et pour finir ce long commentaire, je pense que je suis également trop vieille pour ces conneries. Ce groupe d’ados ne m’a pas touchée, j’avais envie de leur coller une paire de baffes pour les réveiller un peu et les obliger à ranger leur chambres 😉
Au final, je n’ai aimé que les décors de Détroit, la musique et la jolie Maika Monroe 🙂
Je ne comprends pas non plus cet emballement autour de ce film… mais ça n’est pas la première fois que ça arrive 😀
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Je ne sais pas sis tu vas en faire un billet entier ma Potzi mais j’attends ça avec impatience 😀
En tous cas, tu t’es fait ta propre opinion et je vois qu’on est d’accord. Parfois, je ne comprends pas les emballements exagérés pour certains films, venant des pros comme des amateurs. Alors oui, tous les goûts sont dans la nature… Mais y a de quoi se poser des questions par moments. Et ce que je saisis encore moins, c’est que personne ne semble ennuyé par le(s) message(s) ambigu(s) du film, compte tenu de notre époque et de la cible première du film…
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Je crois que c’est un des problèmes récurrents de tous ces nouveaux films d’horreur, la bande-annonce est alléchante, le début est prometteur pendant la première demi-heure puis ça devient bof, bof…
Chouette billet en tout cas, comme d’hab !
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Merci manU !
Comme tu dis, la bande-annonce est très prometteuse…
Après, tout n’est pas à jeter, ça commence même plutôt bien…
Mais le reste ne m’a pas emballé. Et puis il y a l’ambiguité du film.
Mais c’est mon interprétation, bien sûr.
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