Pour cette nouvelle chronique DVDTrafic avec le site Cinétrafic, le film RÉALITÉ, dernier délire de Quentin Dupieux avec Alain Chabat et Jonathan Lambert.
L’histoire
Plusieurs récits et personnages étranges se croisent, entre réalité et rêve… À la demande du producteur de son premier film Bob Marshall (Jonathan Lambert), Jason Tantra (Alain Chabat), cameraman pour une émission culinaire à la télévision, a 48h pour obtenir le meilleur cri d’épouvante de toute l’histoire du cinéma… Dennis (Jon Heder), présentateur sur la même émission culinaire, fait une allergie cutanée au costume de rongeur qu’il est obligé de porter… Alice (Élodie Bouchez), psy et épouse de Jason, a pour patient Henri (Eric Wareheim), directeur d’une école qui rêve de conduire une Jeep déguisé en femme… Reality (Kyla Kennedy), une fillette scolarisée dans l’école d’Henri, découvre une cassette VHS dans le ventre d’un sanglier que son père veut empailler…
La critique
Inventif pour les uns, agaçant pour les autres, le musicien/DJ/cinéaste Quentin Dupieux ne laisse pas indifférent. Révélé en 1999 par le succès de FLAT BEAT sous le pseudo de « Mr Oizo », illustré par sa curieuse marionnette muette Flat Éric, il s’est construit en une quinzaine d’années son univers créatif, entre onirisme, non-sens, humour et minimalisme. Adepte des situations et personnages absurdes, ses longs-métrages ont le mérite de ne ressembler à rien d’autre, à défaut d’être compréhensibles.
Après des histoires de société conditionnée par la chirurgie esthétique, de pneu serial-killer amoureux (!), de chien kidnappé ou de flics pas nets, RÉALITÉ, sorti en février dernier, évolue à nouveau dans un univers décalé, entre film à sketches et conte moderne. Une ambiance étrange s’installe dès les premières images, baignés par la lumière californienne dont Dupieux s’est entiché depuis quelques temps. Entre sourires étonnés, rires nerveux, froncements de sourcils devant la bizarrerie de la chose et dégoût (avec tripes de marcassin au menu !), la curiosité l’emporte.
Sans réels liens apparents entre elles, si ce n’est certains personnages, les scènes s’enchaînent avec un décalage constant, soutenu par des acteurs jouant le non-sens avec sérieux : Alain Chabat s’entêtant à reproduire le cri parfait dans son dictaphone, Jonathan Lambert excellent en producteur maniaco-instable et tueur occasionnel de surfeurs, Eric Wareheim égaré dans ses fantasmes costumées et refoulées…
On passe d’un protagoniste à l’autre en perdant tout indice de ce qui est réel ou non. Lorsque Dupieux nous fait suivre l’étrange récit de la petite fille Reality, celle-ci semble être la jeune actrice d’un tournage en cours. Quand l’un des protagonistes croise au détour d’une rue le complexé Henri travesti en femme au volant d’un tout-terrain, il fait juste partie du rêve que ce dernier raconte à sa psy !
Intriguant et déstabilisant, RÉALITÉ peut dérouter et perdre les plus carthésiens des spectateurs. Même si, comme le dit Jonathan Lambert dans l’un des bonus du DVD, le film est une façon d’entrer « en douceur » dans l’univers étrange de Dupieux, rien n’est fait pour calmer le jeu. On se laisse prendre par la main ou on décroche très vite !
Pour être franc, j’avais une certaine appréhension à le voir. Fan d’Alain Chabat et de Jonathan Lambert, ça n’est pas vraiment pour Quentin Dupieux que RÉALITÉ me tentait. Je ne suis pas sa carrière. Et je ne lis que rarement cette presse qui jubile au moindre de ses morceaux electros ou de ses expériences cinématographiques. Flat Éric est sa seule création qui provoque chez moi un sourire !
La vision de RUBBER reste pour moi un très mauvais moment de cinéma même si plusieurs de mes amis me certifient encore que je suis passé à côté d’un chef d’œuvre, entre DUEL et David Lynch. C’est sûr, monter un film sur un pneu qui tue des gens, c’est soit le coup d’un type génial, soit la mauvaise blague d’un cerveau bien fatigué ! Voire les deux…
RÉALITÉ m’a pourtant plu. Décalé jusque dans l’excès, le film n’est pas une totale réussite. Les longueurs inhérentes aux films d’auteur (et dont Dupieux se moque d’ailleurs), la musique minimaliste et répétitive de Philip Glass qui peut vous scier les nerfs ou ses partis-pris « azimutés » sont parfois difficile à endurer. Mais cette façon de secouer la banalité du quotidien là où on ne l’attend pas mérite le détour. Moins grandiloquent et sérieux qu’un Lynch, même le plus accessible (enfin, façon de parler…), Dupieux joue avec qui veut le suivre plus qu’il ne cherche à laisser un quelconque message.
On peut y voir toutefois une façon d’évoquer la perte de repères qu’entraîne un processus créatif. Quentin Dupieux se projette dans le personnage de Jason. Et la dernière partie du film – vertigineux jeux de miroirs où tout devient plus clair… et confus à la fois – apporte un certain sens (enfin, à mon sens…) au récit. Au final, chacun y trouvera l’explication qu’il veut, tout au plus une réflexion sur les notions de rêve et de réalité. Ça tombe bien, c’est justement le nom de la fillette et le titre du film !
LES BONUS
• Le DVD comporte les classiques pistes audios/sous-titres et chapitres.
• Dans les suppléments, les bandes-annonces du film et des titres sortis récemment chez l’éditeur.
• Élément le plus intéressant de ces suppléments, une interview croisée entre Élodie Bouchez et Jonathan Lambert apporte un autre regard sur le film et sur son réalisateur durant une dizaine de minutes.
RÉALITÉ est sortie le 17 juin 2015 chez DIAPHANA
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J’avais bien aimé Rubber, le seul film de Dupieux que j’ai vu. Je suis assez tentée par Réalité, la bande-annonce donne envie et ton billet encore plus 😀
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Merci Potzi ! Tu peux te laisser tenter si tu as bien aimé RUBBER. C’est « space » mais attachant, il y a de grands moments de fous rires, c’est souvent tordu… mais c’est unique 🙂
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Bonjour, merci pour votre article très plaisant! Je suis de paris et je suis passioné par ce sujet. Grâce à votre blog que je viens découvrir au hasard d’un surf, je vais en apprendre davantage. Amicalement.
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De rien Jules ! Merci de suivre le blog 😉
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