L’histoire
Ethan Hunt (Tom Cruise) est persuadé de l’existence d’un groupe terroriste internationale, le Syndicat, constitué d’anciens espions portés disparus et probablement à l’origine de récentes catastrophes. Mais l’IMF, dans le collimateur d’Hunley (Alec Baldwin), le directeur de la CIA, est dissoute. Les théories de Hunt sont jugées sans fondements et l’agent est considéré comme un criminel en fuite…
Mission réussie
Comment renouveler le film d’espionnage, genre ultra codifié ? En maintenant une touche de réalisme derrière l’improbable. En amenant la surprise là où l’évidence semble de mise. En conservant un certain classicisme au-delà du contenu high-tech. 5ème opus des aventures mouvementées de l’agent Hunt de l’Impossible Mission Force, ROGUE NATION a fait sienne ces idées.
Divertissement plus malin que bourrin, évitant l’humour trash et violent en vogue ces temps derniers et apte à séduire une cible biberonnée à Grand Theft Auto, pour rester dans la tradition de la série tv d’origine, cette nouvelle aventure parvient encore à nous distraire et nous surprendre malgré un postulat de départ sentant le déjà vu. Car, une fois de plus, l’équipe de Mission Impossible vit des heures critiques, Ethan Hunt se retrouve seul (ou presque) contre tous et le sort du monde ne tient qu’à un fil.
Pourtant, le film de Christopher McQuarrie réussit à maintenir le niveau en suivant la voie ouverte par le réussi et précédent épisode, PROTOCOLE FANTÔME. Soit un cocktail secoué et agité, solide et complexe film d’espionnage contenant de l’action – et non pas un simple film d’action de plus.
L’une des agréables surprises de ROGUE NATION est son affiliation volontaire aux classiques de l’espionnage. Les lieux visités, bien que dépaysants, semblent avoir été choisis en fonction de leurs évidentes références. Vienne, Londres, ou le Maroc soit des endroits qui évoquent LE 3ème HOMME, James Bond et Harry Palmer ou bien encore L’HOMME QUI EN SAVAIT TROP d’Alfred Hitchcock. On trouve d’ailleurs un autre clin d’œil à Hitchcock et L’HOMME QUI EN SAVAIT TROP avec l’excellente séquence de l’opéra et son chef d’état menacé.
La paranoïa, 70’s dans l’âme, est à nouveau de mise mais si les masques sont devenus une marque de fabrique de l’univers de Mission Impossible (à la télévision comme au cinéma), ils sont ici plus psychologiques que plastiques. Comme dans toute bonne intrigue d’espionnage, les agents sont doubles – voire triples – et l’entourage même de Hunt / Cruise n’apparaît plus très fiable.
Ainsi, l’élégante et féline Rebecca Ferguson dans le rôle d’Ilsa Faust (tout est dans le nom…) joue un jeu ambigu. Véritable équivalent au féminin d’Ethan Hunt, tant dans sa détermination et sa force physique (Aaah ! Ce jeu de jambes « je te bloque la nuque / je te mets au tapis »), la jeune femme est la révélation de ROGUE NATION. Sans que cela soit une réelle première dans la série, son personnage de femme à poigne, intrigante et manipulatrice pimente ce nouveau volet d’un goût très agréable.
L’esprit d’équipe est de nouveau au centre de l’intrigue et un autre plaisir tient ici à retrouver les compagnons d’armes de Hunt que sont Luther (Ving Rhames), Brandt (Jeremy Renner) et Benji (Simon Pegg). Ce dernier, affuté, a d’ailleurs pris du galon et ne se contente plus seulement d’être l’élément comique de la série.
Comme un parallèle avec le rôle de producteur de Cruise, s’entourant des meilleurs éléments tant à la réalisation (ici Christopher McQuarrie, scénariste de USUAL SUSPECTS et réalisateur de JACK REACHER) qu’au niveau des acteurs, Hunt sait s’entourer des meilleurs et les laisse s’imposer, même s’il reste toujours au centre du récit.
On peut s’en apercevoir notamment au cours des séquences les plus spectaculaires du film, comme la déjà célèbre scène d’introduction ou celle de la « centrifugeuse immergée » : si Ethan Hunt fonce tête baissée dans l’action, il ne doit sa survie qu’à l’intervention de ses complices et amis.
On peut juste regretter que certains d’entre eux apparaissent trop en retrait pour que le récit se focalise sur le trio Hunt / Ilsa / Benji. Comme on peut s’amuser du côté excessivement caricatural du « méchant » de service, le cruel Lane joué subtilement par Sean Harris, déjà tout en finesse en très crédible scientifique punk dans PROMETHEUS.
Harris en fait des caisses en ennemi intime de Hunt / Cruise, appuyant sa diction glacial et son regard froid d’un look de facho déviant. Ajoutez à cela une tête de ragondin de laboratoire et vous obtenez l’ordure type, un peu trop vu au cinéma. On se plait toutefois à le détester et on oublie le cliché, preuve une fois de plus qu’il faut opposer au héros une némésis de taille pour qu’il s’affirme.
ROGUE NATION s’autorise même une (légère) remise en cause de la légitimité de l’IMF. Si la série trouvait son excuse dans son contexte des années 60, en pleine Guerre Froide, on peut aujourd’hui voir d’un regard plus critique ces agents secrets, grand « nettoyeurs » du monde libre. À la question éternelle « who watches the watchers ? », reprise ici et là dans la culture populaire, le film répond par une autre question angoissante : qu’adviendrait-il si une organisation comme l’IMF tombait en de mauvaise mains ? On découvre ainsi, à travers l’organisation Syndicat, un double maléfique de l’IMF dont l’origine fait froid dans le dos…
Reste que ce 5ème volet de MISSION IMPOSSIBLE demeure avant tout un très efficace divertissement, aux scènes spectaculaires claires et lisibles. Toujours dans cette volonté de se rapprocher des canons classiques de l’espionnage, ROGUE NATION prend le temps d’installer le décor et ses protagonistes entre deux montées d’adrénaline. Le film montre également sa volonté de s’inscrire dans une certaine continuité, faisant référence aux 1er et 4ème volet de la série.
Le renouvellement dans la continuité se ressent aussi dans des séquences d’action impressionnantes mais « crédibles ». Le suspense est total dans l’air, sous l’eau ou sur terre dans une course-poursuite à moto haletante, à 1000 lieues des pétarades crâneuses et irréalistes du deuxième épisode réalisé par John Woo.
Se concluant d’une façon inattendue – entendez par là « sans jouer les excès » – mais jouissive, véritable coup de théâtre digne des faux-semblants de la série d’origine, ROGUE NATION s’avère au final une prenante partie d’échecs, divertissante et intelligente. À une époque où les suites et les blockbusters bas du front s’amassent à la pelle, on se dit que tout n’est pas perdu.
À découvrir sur ce blog la chronique des films MISSION : IMPOSSIBLE.
MISSION : IMPOSSIBLE – ROGUE NATION (2015) de Christopher McQuarrie.
Avec Tom Cruise, Rebecca Ferguson, Simon Pegg, Jeremy Renner, Ving Rhames, Alec Baldwin, Sean Harris…
Scénario : Christopher McQuarrie d’après une histoire de Christopher McQuarrie et Drew Pearce et la série tv de Bruce Geller. Musique : Joe Kraemer.
Crédits photos : © Paramount Pictures.
Futur visionnage en salles dès que je le pourrais, très hâte ! Merci Alain ! 😀
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De rien Nio ! Si le 4 t’a plu, celui-là devrait te plaire aussi 😉
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Après avoir lu ton article sur la saga, j’ai vu le quatrième volet cette semaine et j’ai tellement aimé que je suis allée voir ROGUE NATION hier. J’ai également beaucoup aimé : c’était divertissant et intelligent. Le personnage de Isla Faust m’a beaucoup plu et j’ai tenu les accoudoirs pendant la poursuite à moto 🙂
Ton billet est excellent, je n’aurais pas dit mieux 😀
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Merci beaucoup ma Potzi ! Les grands esprits se rencontrent, je suis allé le voir hier moi aussi 🙂 Bien content que le 4 et le 5 t’aient plu ! Ce sont de très bons films dans leur genre.
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