3 bonnes raisons pour une séance de rattrapage qui me tenait à cœur : la proximité de la fête d’Halloween, le nouveau thème du Ciné-Club de Potzina et la découverte de CARNIVAL OF SOULS de Herk Harvey, film d’épouvante encore méconnu, devenu culte auprès des amateurs de fantastique et source d’inspiration pour plusieurs cinéastes renommés.
L’histoire
Mary (Candace Hilligoss) est la seule rescapée d’un tragique et stupide accident de voiture. Souhaitant oublier ce drame, elle part dans une petite ville de l’Utah pour y exercer son métier d’organiste. Au terme de son voyage, elle est intriguée par la sombre bâtisse d’une fête foraine, abandonnée près d’un lac, et la vision cauchemardesque d’un homme blafard et grimaçant qu’elle est seule à voir…
Cauchemar hypnotique
Le début des années 60 est à l’origine de plusieurs classiques indétronables du cinéma d’épouvante. Et j’insiste sur ce dernier terme. Pas question ici de geysers de sang et de membres tranchés par dizaines ! Avec des chefs d’œuvre du genre comme PSYCHOSE, LES INNOCENTS ou LA MAISON DU DIABLE, je veux parler de véritables bijoux d’angoisse, où la peur est une affaire de suggestion. CARNIVAL OF SOULS fait sans conteste parti de cette liste.
À l’origine de ce fascinant conte macabre, il y a une « rencontre » entre le cinéaste Herk Harvey et un lieu étrange. Réalisateur de documentaires et de films institutionnels, Harvey revient d’un tournage lorsqu’il est interpellé, sur la route, par la vision de l’immense édifice d’un parc de loisirs abandonné, près de Salt Lake City. Le lieu lui donne l’idée d’une étrange histoire et il demande à l’un de ses collaborateurs, John Clifford, d’en tirer un scénario.
Tourné en 2 semaines avec un budget de 30 000 dollars, CARNIVAL OF SOULS dérouta le public de l’époque par son minimalisme. Échec cuisant, il fut redécouvert à la fin des années 80, devenant au cours de séances nocturnes et de festivals un véritable « film culte ». En 1998, un remake (que je n’ai pas vu), ne reprenant que le titre et l’amorce du synopsis, fut réalisé sous l’appellation « Wes Craven presents… ». Mais il fut directement distribué en vidéo…
Le film d’Harvey est devenu une grande source d’inspiration pour de nombreux réalisateurs. Des cinéastes comme David Lynch, Tim Burton, M. Night Shyamalan ou, bien sûr, George Romero, avec NIGHT OF THE LIVING DEAD en 1968, ont certainement été influencé par la beauté envoûtante de CARNIVAL OF SOULS, son noir et blanc intemporel, sa bande originale à l’orgue et ses longs plans sans dialogue.
Unique film de fiction de Herk Harvey, CARNIVAL OF SOULS s’apparente à un cauchemar obsédant et hypnotique. Les premières scènes, avec l’accident de Mary, ne sont pas les plus captivantes et réussies, petit budget oblige. Mais le film démarre vraiment au cours du voyage vers l’Utah. La jeune femme seule au volant et en pleine nuit, le fort contraste de la photo noir et blanc, l’apparition fantomatique de l’homme blafard et la silhouette à contre-jour du parc d’attraction, attirant Mary sans raisons apparentes… On ne peut détourner son attention alors que le film distille le malaise au goutte-à-goutte.
Le choix des cadres et du noir et blanc ont leur importance. Outre l’évidente question de budget, on comprend que le cinéaste cherche à nous semer des indices grâce à une économie de moyens habilement employée. Lorsque la jeune femme pénètre dans la foire désertée, la présentant isolée et « écrasée » par l’emploi de contre-plongées, s’accrochant aux grilles, évoluant dans un lieu sinistre où la vie a disparu, il n’en faut pas plus pour suggérer l’angoisse.
D’autres moments, tout aussi forts et inquiétants, nous présentent l’héroïne en proie à de terribles visions durant son sommeil. Des images évocatrices, réalisées avec peu d’effets mais très suggestives. L’incompréhension dont fait preuve son entourage isole progressivement Mary, la plaçant physiquement à l’écart comme lors de l’oppressante scène du grand magasin.
Par petites touches, Harvey nous parle aussi de l’isolement moral dans lequel s’est enfermé Mary. Au détour d’une réplique, on saisit que la jeune femme n’éprouve aucune passion à exercer sa singulière profession. Jouer de l’orgue dans une église n’est rien d’autre qu’un simple job, à ses yeux. Et si ce travail lui demande de tout quitter sans mêmes prévenir ses proches, elle ne se pose pas plus de questions.
C’est vrai que nos regards avisés de cinéphiles et cinéphages, abreuvés de fictions fantastiques, nous permettront assez facilement de saisir le sens caché du film. Certains y trouveront les multiples références disséminées dans de nombreux films aujourd’hui célèbres. D’autres penseront à certains épisodes de la fameuse série TWILIGT ZONE / LA 4ème DIMENSION, avec ses diaboliques twists en fin de récit.
Enfin, il se détache du film une curieuse impression. Le grain de l’image et son usage de décors naturels lui donnent, par moments, un aspect proche du documentaire, ajoutant, au trouble ressenti, la sensation d’une réelle immersion en plein cauchemar.
CARNIVAL OF SOULS a pris, avec le temps, une indéniable place de référence dans l’emploi de la peur au cinéma. Cet usage de l’angoisse qui vous glace les sangs et vous imprime la rétine longtemps après le mot fin.
CARNIVAL OF SOULS (1962) de et avec Herk Harvey.
Avec Candace Hilligoss, Frances Feist, Sydney Berger, Hart Ellison, Stan Levitt…
Scénario : John Clifford. Musique : Gene Moore.
Crédits photos : © Harcourt Productions.
Excellent choix ! Ce film est purement terrifiant. Je ne l’ai vu qu’une fois mais je m’en souviens très bien : la scène du grand magasin est oppressante, je n’en pouvais plus. Je n’arrêtais pas de me demander si c’était vrai ou si elle était folle. C’est vrai que ce film n’est pas très connu et c’est bien dommage parce que dans le genre c’est un must.
Bravo et merci pour ce beau billet mon Huggy 😀
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Ah merci dear Potzi ! Oui, terrifiant c’est le mot… Une découverte sur le tard en ce qui me concerne après en avoir entendu parler avec tant d’éloges… Bien content que l’article et le choix du film te plaisent 😉
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J’aime bien ce film. Découvert en VHS puis redécouvert dans de meilleures conditions en DVD. Et finalement vu sur grand écran l’an dernier lors d’un ciné-concert dans le cadre de l’étrange festival (cf album de photos FB, « 2014 », il doit y être normalement) avec Père Ubu qui faisait la musique. Une expérience aussi étrange et fascinante que le film puisque le bonhomme était complètement bourré au moment de la performance, jouant sur son clavier avec retransmission du film passant sur son écran (et donc curseur de la souris qui restait sur l’écran et donc le grand écran pour nous autres spectateurs). 😀
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Ah oui quand même 😀 Tu as vu ça dans de drôles conditions !
On peut trouver le film en DVD chez Wild Side pour 7/8 € :
http://www.amazon.fr/Carnaval-âmes-Candace-Hilligoss/dp/B006LNABX6/ref=sr_1_1?s=dvd&ie=UTF8&qid=1444642312&sr=1-1&keywords=carnival+souls
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