5 films de DRACULA (+ 1 nanar)

La fête d’Halloween, au cœur du nouveau Ciné-Club du Bric-à-Brac de Potzina, me donne l’occasion, après une chronique sur CARNIVAL OF SOULS, d’évoquer le Prince des Ténèbres en personne, le cruel non-mort, seigneur (et saigneur) des Carpates : j’ai nommé Dracula, immortalisé sous la plume de Bram Stoker en 1897 et maintes fois adapté au cinéma depuis sa création.

J’ai donc sélectionné pour vous 5 films, dans un ordre chronologique, parmi toutes les versions proposées, choisis selon ce qui me semble être le haut du panier. Et comme votre charcutier traiteur, je vous ai mis du rabe avec un bonus nanar qui vous fera rire sous cape ! Vous êtes mordus de Vlad Tepes ? Aiguisez vos incisives ou sortez vos crucifix, ça va saigner !


NOSFERATU LE VAMPIRE (1922) de Friedrich Wilhelm Murnau

C’est vrai, il n’est jamais question du comte Dracula mais du comte Orlok dans ce grand classique de l’expressionisme allemand. Mais nous savons tous aujourd’hui que NOSFERATU est une adaptation du célèbre roman d’épouvante de Bram Stoker. « Seuls les noms ont été changés » pourrait-on lire en avant-propos. Car la trame du film de Murnau suit assez fidèlement le récit du romancier d’origine irlandaise.

La société de production Prana Films n’ayant pas les moyens d’acquérir les droits du roman d’origine, il fut alors décider d’en écrire une libre version. Mais devant le grand nombre de similitudes entre les deux histoires, la veuve de Bram Stoker intenta plusieurs procès entre 1922 et 1925. Elle obtint de faire détruire les négatifs et tirages du film… alors que, bien heureusement, de nombreuses copies avaient déjà circulé en dehors de l’Allemagne !

Nosferatu

NOSFERATU est devenu une œuvre incontournable, un véritable monument du 7ème art, ayant gardé son pouvoir de fascination et d’effroi. Si la beauté des plans y a grandement contribué, l’impact du film serait moindre sans l’inquiétante prestation de Max Schrek dans le rôle d’Orlok/Nosferatu. Doté d’un sublime et épouvantable maquillage, l’acteur s’était tellement « emparé » de son rôle qu’une légende, faisant de lui un véritable vampire, circula bientôt. L’impossibilité, pendant longtemps, de voir Shrek au naturel contribua à cette théorie. Le film L’OMBRE DU VAMPIRE, réalisé en 2000 par E. Elias Merhige avec Willem Dafoe et John Malkovich, évoque d’ailleurs cette croyance sur le tournage du film…

Bénéficiant au fil des années de multiples restaurations, et même d’un remake de Werner Herzog à la fin des années 70, NOSFERATU LE VAMPIRE reste un film phare et une grande influence pour de nombreux cinéastes et écrivains. Il m’a procuré, en ce qui me concerne, l’une des premières et plus grandes peurs de ma vie de tout jeune Movie Freak, alors qu’un extrait avait été diffusé à la télé à une heure de grande écoute !


DRACULA (1931) de Tod Browning

Cette version n’est pas directement adapté du roman de Bram Stoker mais de la pièce de théâtre tirée du livre. Les studios Universal en avaient acquis les droits et en confièrent la réalisation à Tod Browning, réalisateur du futur FREAKS en 1932. Browning souhaitait à l’origine confier le rôle de Dracula à son acteur fétiche, Lon Chaney, avec qui il avait déjà tourné plusieurs fois. Mais après le décès de Chaney, il se tourna vers l’austro-hongrois Bela Lugosi qui venait d’incarner le personnage au théâtre.

Soucieux de son image, Lugosi refusa de porter un masque ou d’être maquillé de façon épouvantable. Il contribua sans le savoir à donner à Dracula une vision « glamour » et élégante du personnage, qui s’imposa jusqu’aux récentes adaptations ciné, télé et théâtrale.

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Si la version de Lugosi, le regard ténébreux et drapé dans sa cape, a marqué l’imaginaire collectif au fil du temps, son interprétation trop théâtrale fixe lourdement le film de Browning dans son époque et n’en fait pas, à mes yeux, l’adaptation la plus réussie. Mais l’ambiance gothique qui s’en dégage et le talent du cinéaste donnent à ce DRACULA un charme vintage.

Devenu l’un des plus célèbres segments des UNIVERSAL MONSTERS, série de films de monstres et fantastiques produits par les studios Universal, DRACULA marqua le public et son interpète principal  au point qu’il demanda à être enterré, à sa mort, avec la cape du personnage ! On dit aussi qu’il aimait à se reposer dans un cercueil confectionné à sa demande… Au cours de mes recherches, j’ai découvert qu’en 1988, à la demande d’Universal, Philip Glass composa une bande originale pour la réédition du film qui n’en possédait aucune, jusqu’alors, se contentant d’emprunter quelques extraits de musiques classiques !


LE CAUCHEMAR DE DRACULA (1958) de Terence Fisher

Vers la fin des années 50, la société de production britannique Hammer Films décide de remettre au goût du jour les grands classiques de l’épouvante des studios Universal, en usant au maximum de l’usage de la couleur. Un an après le succès de FRANKENSTEIN S’EST ÉCHAPPÉ, ils reprennent le trio gagnant – composé du cinéaste Terence Fisher et des acteurs Peter Cushing et Christopher Lee – pour une nouvelle version de Dracula.

Intitulé HORROR OF DRACULA (et curieusement traduit LE CAUCHEMAR DE DRACULA en France), le film s’imposera comme une nouvelle étape charnière dans le parcours cinématographique du célèbre vampire. Film à faible budget, LE CAUCHEMAR DE DRACULA impressionne par la flamboyance de sa photographie, par ses décors gothiques, par l’usage d’images chocs et par un érotisme sous-jacent, nettement plus présent encore que dans la version de 1931.

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Peter Cushing y incarne un excellent Van Helsing, le chasseur de vampires et ennemi juré de Dracula. Nerveux, vif et d’un flegme britannique à toutes épreuves, il personnifiera le personnage pour de nombreuses générations, l’interprétant dans d’autres productions Hammer tout comme son complice Christopher Lee pour le rôle du prince des ténébres.

Racé et d’une élégance naturelle à la fois inquiétante et photogénique, Lee reste encore aujourd’hui l’ultime incarnation de Dracula pour de nombreux cinéphiles. Le personnage lui collera à la peau, l’amenant à reprendre la cape et les crocs pour plusieurs suites… et même dans une parodie française, DRACULA PÈRE & FILS en 1976, aux côtés de Bernard Menez !


DRACULA (1979) de John Badham

Cette version méconnue et sous-estimée s’inspire, tout comme le film de Tod Browning, de l’adaptation théâtrale des années 20 de Hamilton Deane et John L. Balderston. Et comme pour le DRACULA de 1931, le rôle du vampire fut donné à l’acteur qui l’avait incarné dans la pièce. Frank Langella reprit ainsi la cape mais pas les crocs, suivant les traces de Bela Lugosi qui ne montrait jamais les dents.

S’éloignant à raison de la version glaciale de Christopher Lee, afin d’éviter de trop simples comparaisons, Langella fit de son Dracula un être suave et prévenant, jouant plus de la séduction que de l’épouvante. L’époque étant plus permissive, la version de John Badham, à peine sorti du succès planétaire de LA FIÈVRE DU SAMEDI SOIR, va plus loin dans la sensualité et le romantisme gothique.

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Superbement soutenu par la bande originale de John Williams et le casting comprenant, entre autres, Laurence Olivier et Donald Pleasance, ce DRACULA 1979 bénéficia des somptueux décors naturels des Cornouailles, accentuant ses aspects romantiques. Si on peut lui reprocher de prendre quelques libertés avec le roman original, certaines séquences n’en demeurent pas moins très effrayantes, comme l’affrontement dans la mine avec Mina, devenue vampire.

Produit et distribué comme la version de Bowning par les studios Universal, le film n’eut pas un grand succès et reste encore considéré, à tort, comme une version mineure. Des films comme L’EXORCISTE ou AMYTIVILLE avaient changé les goûts et demandes du public en matière de fantastique et d’horreur. Avec l’avènement de la vidéo et le recul du temps, le DRACULA de John Badham est quelque peu sorti de l’oubli et de l’injuste mépris qu’on lui porte trop souvent.


DRACULA (1992) de Francis Ford Coppola

Cette version vient d’une envie du scénariste James V. Hart de revenir au roman original (d’où le titre en VO BRAM STOKER’S DRACULA) et d’évoquer Vlad Tepes, présentant pour la première fois le vampire comme la victime d’une malédiction. Prévu au départ comme un téléfilm, le projet tombe entre les mains de l’actrice Winona Ryder puis du cinéaste Francis Ford Coppola qui souhaite rapidement le réaliser.

Soucieux de ne pas supporter un trop lourd budget, après une série d’échecs commerciaux, Coppola tournera l’intégralité du film en studios et refusera d’utiliser les images de synthèse, en plein essor à l’époque. Il va s’inspirer de trucages à la Méliès, usant de ralentis et d’effets spéciaux visuels confectionnés en direct, apportant au film un hommage aux origines du cinématographe. Clin d’œil évident lors de la scène entre Mina et Dracula, dans le parc d’attractions…

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Puisant également dans l’univers pictural de Klimt ou dans l’œuvre de Kurosawa, le DRACULA de Coppola est un peu la somme de toutes les versions passées, du NOSFERATU de Murnau aux DRACULA flamboyants de la Hammer. Magnifiquement interprété par Gary Oldman, le personnage de Dracula inspire la compassion pour la première fois, devenant un être damné d’un extrême romantisme.

Face à la haute teneur graphique et visuelle du film et à son interprète principal, littéralement habité par le rôle, on est en droit de faire la fine bouche devant la fadeur de certains acteurs comme Keanu Reeves ou l’éxubérance d’Anthony Hopkins, cabotinant jusqu’à l’extrême dans le rôle de Van Helsing, rendant son personnage encore plus inquiétant et pénible que le vampire qu’il combat !


LE BONUS NANAR : DRACULA 2001 (2000) de Patrick Lussier

NB : Cette dernière mini-chronique contient, une fois n’est pas coutume, de nombreux spoilers. Vous voilà prévenus…

Avant toute chose, rendons hommage aux traducteurs français qui ont eu la pertinence de transformer le titre DRACULA 2000 en… DRACULA 2001, vu que le film en question est sorti en 2001 chez nous ! En même temps, comme DRACULA 2000 ça sonne un peu comme une chaîne d’opticiens ou comme le nom ringard d’un marchand de meubles en gros, DRACULA 2001 c’est pas si mal au final.

Or donc, tout commence une centaine d’années après que le professeur Van Helsing (Christopher Plummer, venu là pour payer ses arriérés d’impots) ait fini par capturer le comte Dracula (Gérard Butler, regard bovin et chevelure sauvage), l’enfermant en plein cœur de Londres dans une crypte ressemblant à Fort Knox. Ce même Van Helsing s’est maintenu en vie en pompant régulièrement – à l’aide de sangsues hein, me faîtes pas dire ce que je n’ai pas dit ! – le sang du vampire, histoire de garder la forme et de veiller sur son ennemi juré.

Arrive une bande de malfrats high-tech, tout droit sortis de PIÈGE DE CRISTAL. Croyant dénicher un trésor perdu ou l’Arche d’Alliance dans le tombeau de Dracula, ils réveillent ce dernier et lui servent d’amuse-bouches. Faut dire qu’il a les crocs le comte ! Tenu au régime sans hémoglobine pendant plus d’un siècle, il se jette sur tout ce qui bouge, histoire de reprendre des forces.

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Mais voilà, la première astuce « kolossale » du film est d’avoir créer un lien entre Dracula et Van Helsing : comme ce dernier a régulièrement puisé dans le sang du vampire, sa propre fille Mary (Justine Waddell) est un peu la fifille du seigneur des Carpates ! Gasp ! La dîtes fillotte vit en Louisiane et, comme elle travaille dans un Virgin Megastore, ben le logo du groupe de Richard Branson est de tous les plans, au cas où on n’aurait pas bien compris que Virgin a mis des sous dans le film. Bref, dans le genre plan pub, on a fait plus discret…

Dracula Brushing veut retrouver sa petiote et Van Helsing « Vite une perf siouplé » veut retrouver le vampire Studio Line, et protéger sa môme par la même occasion. Tout le monde prend un avion Virgin pour débarquer à la Nouvelle Orléans où les habitants semblent en permanence faire la fiesta dans les rues, entre deux panneaux d’affichages Virgin.

Le vampire ténébreux provoque des explosions de foufounes à son passage, jette des regards « toi j’te flashe, j’te love » et prend la voix de Barry White quand il veut dire « bonjour ». Il s’envoie littéralement en l’air (si ! si ! si !) avec la colocataire de Mary, la faisant décoller du lit avec des « han ! » de bucheron. Mais il se fait tout de même prendre et pendre, son lourd passé étant enfin révélé, comme dans un épisode de Scoubidou : derrière le masque du vampire se cachait en fait… Judas Iscariotte ! Le Judas qui trahit Jésus et qui, de honte, chercha la rédemption dans la mort avant d’être maudit à jamais par Dieu tout puissant ! Pfioouuu, je sais pas pour vous mais moi, rien que de l’écrire, ça me donne des envies d’Aspro 1000 effervescent !

Cherchant à surfer sur les succès des série des FREDDY et des SCREAM, adulées par le public ado, Wes Craven colla son nom sur quelques projets fantastiques réalisés tels des clips MTV. Ce piêtre DRACULA 2001, torché à la va-vite et pourvu d’effets spéciaux au rabais, a pour lui le mérite de provoquer quelques rires nerveux et involontaires. Deux suites furent pourtant tournées (DRACULA 2012 ? DRACULA 3028 ?)… et directement distribuées en vidéo. On se demande pourquoi.


Un article « special Halloween » associé au Ciné Club du BRIC-À-BRAC DE POTZINA à découvrir en cliquant le lien !

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6 commentaires Ajoutez le vôtre

  1. potzina dit :

    Je n’ai jamais vu le film de John Badham, d’ailleurs je n’en ai jamais entendu parler et ton papier me met l’eau à la bouche 🙂

    Le nanar, je ne l’ai jamais vu non plus et, pour le coup, je ne suis pas du tout tentée. Étrange, non ? 😉

    Les autres, je les aime beaucoup. J’ai un gros gros faible pour Le Cauchemar de Dracula et celui de Coppola. J’avoue, je suis tombée amoureuse de Gary Oldman quand j’ai vu le film. Je me serais bien fait mordre 😉

    Merci pour cette superbe participation mon Huggy !

    Aimé par 1 personne

    1. De rien Lady Potzi 😉 Ça fait un moment que j’y pensais à ce billet. Et le thème de ton Ciné-Club m’en a donné l’occasion… J’aime beaucoup moi aussi le Coppola. Je l’ai vu plusieurs fois. Gary Oldman y est extraordinaire et on ne voit plus vraiment le personnage de la même façon après l’avoir vu dans le film… Et bien sûr, comme tu le sais déjà, j’adore LE CAUCHEMAR DE DRACULA avec Christopher Lee. Grand fan de la Hammer comme toi ! Le deuxième avec Lee, DRACULA PRINCE DES TÉNÈBRES, est très bon lui aussi… Quant au film de Badham, je te le recommande lui aussi. Il reste encore méconnu mais je le trouve soigné et réussi dans son genre… Pour le nanar; il est dispo sur Netflix. Vraiment pas terrible mais très drôle au 12ème degrès 😀

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      1. potzina dit :

        Me revoilà ! Hier je n’avais pas beaucoup de temps mais j’ai tout de même voulu te laisser un petit mot 🙂

        Le film de Badham, je pense bien que c’est un bon nanar vu la manière dont tu en parles 🙂 Bonjour le fou rire, j’ai failli m’étouffer en te lisant. C’est l’avantage des billets sur les films moisis, ils sont tordants 😀
        Je le verrai peut-être à l’occasion – un soir de déprime par exemple !

        Nosferatu, je l’ai vu après le remake d’Herzog que je n’aime pas vraiment. Le remake, je l’ai vu un après-midi de vacances avec ma sœur, je devais avoir 15 ans et on a eu le fou rire de notre vie en découvrant les quenottes du vampire 🙂 Je ne sais pas si nous étions passablement énervées, d’humeur malicieuse ou si le film est vraiment risible mais pour moi, c’est mieux qu’une comédie. Je ne l’ai jamais revu depuis 🙂
        Par contre Nosferatu, j’ai adoré. L’ambiance est très angoissante, il y a peu de dialogues, c’est presque étouffant par moment. Quand le bateau arrive au port, c’est flippant !

        En tout cas, j’ai adoré te lire 🙂 Tu m’as donné envie de revoir ces films !

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      2. Re merci Potzi !
        En fait… le film de John Badham, c’est pas le nanar, c’est la version romantico-gothique de 1979 avec Frank Langella 😉
        Le nanar, c’est celui présenté par Wes Craven avec Christopher Plummer…
        Sinon, comme toi, je n’ai pas aimé le remake de NOSFERATU (qui date lui aussi de 1979, tiens donc…) et j’ai trouvé Klaus Kinski assez… ridicule dans le rôle ! Donc, pas de soucis, je comprends tes fous-rires 😉
        Et pour le NOSFERATU de Murnau, c’est un vrai chef d’œuvre, indémodable. Si tu veux en savoir plus (bien que cela soit romancé) tu peux visionner à l’occasion L’OMBRE DU VAMPIRE.
        Bises baby et merci pour tes adorables commentaires, ça fait plaisir 😉

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  2. manU dit :

    J’adore ! Je les ai tous vu plusieurs fois sauf le dernier !
    Super billet !

    Aimé par 1 personne

    1. Merci manU ! Comme je l’ai dit à Potzina, le dernier doit se voir avec énormément de recul… Mais dans le genre nanar, c’est une perle 🙂

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