L’histoire
Après une mission explosive au Mexique, accomplie sans autorisation, James Bond (Daniel Craig) est mis temporairement sur la touche. De son côté, M (Ralph Fiennes) voit le service double 0 remit en cause par C / Max Denbigh (Andrew Scott), jeune loup aux dents longues et nouveau patron de l’Intelligence Service. Dans l’ombre et avant la fermeture définitive du MI6, Bond tente de découvrir qui se cache derrière l’organisation SPECTRE, liée à son propre passé…
Les fantômes du passé
En allant découvrir ce 24ème épisode de l’agent secret au service de sa Majesté la Reine d’Angleterre, je partais avec plusieurs appréhensions bien personnelles. Avec Léa Seydoux et Christoph Walz au casting, le film proposait d’emblée 2 acteurs que je ne supporte pas à l’écran. Je sais, c’est puéril mais c’est physique : avec eux, ça ne passe pas.
Autre crainte avec la chanson-titre de SPECTRE, « Writting’s On The Wall », beuglée mollement par Sam Smith, croisement naturel entre un pudding pas assez cuit et une vache normande qui s’est pris les pis dans une clôture électrique. C’est vrai, je suis peut-être un peu dur mais je n’avais pas entendu une aussi mauvaise chanson pour un Bond depuis celle de L’HOMME AU PISTOLET D’OR, braillée par Lulu en 1974.
Enfin et surtout, il me semblait difficile de passer derrière SKYFALL, film à la fois atypique dans la saga mais respectueux du mythe et passionnant de bout en bout, véritable second reboot après l’excellent CASINO ROYALE. SPECTRE allait-il faire mieux, ou du moins aussi bien ?
En ce qui concerne la chanson-titre, si elle s’avère toujours aussi peu marquante, le sublime générique de Daniel Kleinman permet de passer outre le désagrément. Tentaculaire, sexy et semée d’images du passé de 007, on se laisse à nouveau envouter par cette indispensable marque de fabrique de la série, après une spectaculaire séquence de pré-générique en pleine fête des morts à Mexico.
Sans s’y rattacher trop directement, le début de l’intrigue – et certains éléments du récit – nous renvoient aux évènements de SKYFALL (voire, de CASINO ROYALE ET QUANTUM OF SOLACE) et, à nouveau, au passé de 007. Alors même que son permis de tuer est jugé obsolète (des drones sont envisagés pour le remplacer lui et les autres agents 00 !), Bond découvre que l’organisation cachée derrière de nombreux attentats et ses propres missions pourrait le toucher bien plus directement qu’il ne pouvait l’imaginer.
Belle idée d’associer dans le scénario un pied de nez ironique aux critiques voyant en 007 un héros du passé, une boucle dans l’exploration des origines de James Bond et un retour de l’organisme criminelle, véritable Nemesis de l’agent secret dès les premiers films de la série. Le SPECTRE est en effet cité dès JAMES BOND CONTRE Dr NO, en remplacement du SMERSH des romans (de « Smiert Spionem », soit « Mort aux espions » en russe) jugé trop politisé par les créateurs des films.
L’autre initiative prise pour SPECTRE est de revenir à plus de légèreté, dans le ton général comme dans l’attitude de James Bond. Je vous rassure tout de suite, on se rapproche ici plus de la « fantaisie » de la période Sean Connery que des œillades appuyées de Roger Moore dans MOONRAKER. Mais le Bond de SPECTRE s’avère moins torturé que celui de SKYFALL. Tout n’est pas encore résolu au début du film mais 007, s’il reste toujours aussi « teigneux-nerveux » et destructeur, accomplit ses missions avec plus d’assurance et d’humour.
Daniel Craig prouve à nouveau son brio dans le smoking de l’espion, après 4 films et près de 10 ans de bons et loyaux services. À la fois sec, rude mais pas infaillible, il demeure sans doute, à ce jour, celui qui s’est le plus approché de la vérité – comprenez : du personnage des romans de Ian Fleming – de tous les acteurs l’ayant incarné. Entouré d’un excellent casting venu reprendre, depuis SKYFALL, les rôles des incontournables M, Q, Moneypenny et Tanner (soit Ralph Fiennes, Ben Wishaw, Naomie Harris et Rory Kinnear, tous impeccables), Craig s’impose avec aisance dans la peau de Bond, aussi à l’aise dans les impressionnantes scènes d’action que dans la comédie pure et les clins d’œil à la saga (les échanges entre Bond et Q / Ben Wishaw sont, dans ce sens, très réussis).
Le fait d’impliquer ses comparses / complices, faisant de M, Q, Moneypenny et Tanner des partenaires un peu à l’image des héros de MISSION : IMPOSSIBLE, est une autre bonne idée des scénaristes. On s’éloigne sans regret des personnages certes sympathiques mais potiches des autres films de la saga.
Mais si cette volonté de retrouver un peu du classicisme et du ton des premiers épisodes a de bon côté, elle a aussi ses revers. Le premier, qui risque de faire grincer des dents bon nombre de spectatrices, se situe au niveau des femmes (ou Bond Ladies) de SPECTRE. Que dire du personnage de la pourtant superbe Monica Bellucci, avec une belle scène glaçante illustrée par le « Cum Dederit » de Vivaldi mais seulement 2 ou 3 répliques au compteur et (très) vite placée à l’horizontal par un James revenu au machisme des années 60 ? Si l’actrice s’avère d’une beauté et d’une élégance digne de la série, son importance dans l’évolution du récit est des plus relative…
Même traitement pour le personnage de Madeleine Swan (y’a du Proust dans l’air…), interprétée par Léa Seydoux. Si pour une fois son charme a fonctionné sur moi (la robe de soie du soir lui va parfaitement…), on ne peut pas dire que son interprétation et son rôle resteront dans les mémoires. Le rapprochement sentimental entre elle et Bond ne prend pas vraiment, ou du moins sans la sincérité et l’émotion causés par l’histoire de 007 et Vesper Lynd.
De plus, censée être une jeune femme débrouillarde et entraînée au maniement des armes, Madeleine parvient tout juste à aider Bond en fâcheuse posture avant de se prendre raclée sur raclée et des se transformer rapidement en pauvre princesse à délivrer. Un peu décevant comparé, encore une fois, au personnage de Vesper Lynd dans CASINO ROYALE, certes fragile mais bien plus magnétique et profonde que cette damoiselle en détresse…
Enfin, que dire des méchants du film ? Si David Bautista endosse sans trop d’efforts le rôle de Hinx, tueur impressionnant et véritable « concasseur » à mains nues (et sans mauvais jeux de mots), Christoph Walz n’est pas des plus convaincant en Franz Oberhauser, ennemi dans l’ombre adepte du col Mao et des espadrilles. L’acteur se repose sur ses acquis, soit quelques grimaces et des sourires carnassiers, la galoche en avant, pour nous montrer combien il est un salopard raffiné, cruel et suave à la fois. Dans le genre et dans la série, on a déjà vu bien mieux, de Gert Froebe en Goldfinger à Javier Bardem en inquiétant Silva.
Difficile d’en dire plus en ce qui concerne ce Oberhauser sans trop en dévoiler. Malgré ce que le récit nous fait découvrir progressivement, et une fin ouverte laissant au personnage une empreinte qui nous est bien familière, on ne ressent pas vraiment d’inquiétude quant aux péripéties qu’il inflige à 007, même quand il s’agit de tortures on ne peut plus gratuites.
SPECTRE n’est pas pour autant une déception. Le film procure son lot de bonnes surprises et de scènes mémorables, comme tout Bond réussi qui se respecte. Reste toutefois l’impression qu’à vouloir contenter les fans de la première heure, les créateurs de la saga sont retomber hélas dans quelques travers qu’on croyait oubliés. Une nouvelle preuve que le fan-service n’est décidément pas une bonne idée, au final ? C’est possible…
Moins bon que CASINO ROYALE et SKYFALL, mais meilleur que QUANTUM OF SOLACE, SPECTRE mêle les styles, actuels et passés, pour un résultat tantôt bancal, tantôt équilibré, à la fois enthousiasmant et décevant mais globalement prenant et spectaculaire. Un bon cru mais qui fera bien mieux la fois prochaine. Car James bond reviendra.
007 SPECTRE (2015) de Sam Mendes.
Avec Daniel Craig, Christoph Walz, Léa Seydoux, Monica Bellucci, David Bautista, Ralph Fiennes, Ben Wishaw, Naomie Harris, Rory Kinnear…
Scénario : John Logan, Neal Purvis et Robert Wade. Musique : Thomas Newman.
Crédits photos : © Columbia Pictures, EON, Danjaq, MGM.
Héhé, j’avais fait le pari avec moi-même que je verrais ce film chroniqué dès sa sortie en ces lieux par le maître de Robbie le robot, j’avais raison ! 😉
Ce sera l’un de mes prochains visionnages, gros film oblige, ils vont le laisser un bon moment en salles, alors que the lobster et Avril et le monde truqué, c’est moins sûr. Du coup je le verrais en décalé mais je reviendrais pour poster un nouveau com’ ici bien sûr ! Bravo pour cette nouvelle mission agent secret 009 ! 😀
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Et oui ! En tant que fan, je ne pouvais pas le manquer. Et je tenais à me faire mon propre avis avant le trop plein de critiques (et de spoilers)… Le monde truqué de Tardi me tente bien…
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Moi c’est The Lobster qui me tente beaucoup. J’espère que mon ciné d’art et d’essai en aura une copie. Et surtout que les horaires me conviendront, ce qui n’est pas gagné… Et dans un autre genre, je n’ai toujours pas vu Seul sur Mars, il va falloir que je me magne ! 😀
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Je l’ai vu hier et j’ai beaucoup aimé mais alors vraiment beaucoup 🙂 Il n’y a que 2 choses que je n’ai pas aimé : la prestation banale et inutile de Bellucci et la prestation molle et sans âme de Seydoux. Pour citer ma mère concernant Seydoux : «Bon sang ce qu’elle est mauvaise ! En plus elle a des yeux morts, on dirait Sylvie Vartan !» J’adore ma mère 😉
Sinon je n’ai pas vu le temps passer et ce que le film perd en drame (et en larmes) par rapport à Skyfall, il gagne en légéreté et en dynamisme ce qui est sympa aussi.
Bon, en plus je ne l’ai vu qu’une fois pour l’instant, alors c’est difficile pour moi de dire sur quelle échelle je le place par rapports aux autres films de la franchise 😀
Contrairement à toi, la composition de Christoph Walz ne m’a pas déplu mais c’est un acteur que j’apprécie alors je ne suis peut-être pas totalement objective 😉
Et puis joie, bonheur, félicité ! Le joli petit Ben Whishaw a un rôle plus étoffé de quoi me réjouir, pour ne pas dire me rendre totalement gaga. Il ne faut pas grand-chose pour me rendre heureuse 😉
Sinon je comprends que tu puisses te sentir un poil déçu, tu as de bons arguments mais pour une fois je ne les partage pas totalement 😀
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C’est sûr, toute critique / chronique n’engage que son auteur, quel que soit le blog 😉
Je n’ai pas détesté pour autant. Comme je le dis, le film me plait dans sa globalité et c’est un bon James Bond. Mais SKYFALL, revu récemment, me semble bien meilleur.
Après, je comprends ton plaisir face au Ben Wishaw. Il est impec en Q… Je sais que tu n’aimes pas Monica Bellucci. Donc… Pour ce qui est de Christoph Walz, ma déception n’a rien à voir par rapport au fait que je ne l’apprécie pas en général. Son arrivée dans le film, dans la pénombre et le quasi silence, est parfaite. Mais par la suite, je ne le trouve pas convaincant. Dans le genre, je préfère Mads Mikkelsen dans CASINO ROYALE ou Javier Bardem dans SKYFALL. Ils sont bien plus inquiétants et intéressants que Walz dans SPECTRE. Ça n’est que mon avis…
Honnêtement, les JB Girls ou Ladies du film ne sont pas du tout à leur avantage. Et pas seulement à cause des actrices mais des rôles qu’on leur a attribué. On se croirait revenu dans un 007 période Moore ! Un peu surprenant… J’ai bien aimé moi aussi une certaine légèreté retrouvé. Mais certains gags (le type en Fiat 500 dans la poursuite auto à Rome, par exemple) reviennent également vers les moins bonnes heures de la saga…
Au final, c’est certain, cela se tient au dessus de la mêlée de nombreux blockbusters sortis cette année. Mais j’attends mieux pour une prochaine fois.
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