5 raisons de revoir RENCONTRES DU 3ème TYPE

Avant toute chose, je vous invite à un petit test culturel sans conséquences auprès de votre entourage. Quand on évoque la filmographie de Steven Spielberg, certaines œuvres comme LES DENTS DE LA MER ou INDIANA JONES viennent rapidement à l’esprit. Puis lorsque l’on aborde les extra-terrestres, l’un des thèmes récurrents du cinéaste, E.T. est le titre qui revient le plus souvent en mémoire. Curieusement, RENCONTRES DU 3ème TYPE, œuvre importante dans la carrière de Spielberg, reste quelque peu dans l’ombre.

Ça n’est pas que le film soit oublié ou encore moins méprisé. Il suffit, pour se rassurer, de faire une recherche sur le net pour s’apercevoir de l’engouement qu’il suscite toujours… RENCONTRES DU 3ème TYPE mérite toutefois d’être reconsidéré comme une œuvre marquante pour le 7ème art, pour le public et pour Spielberg lui-même. Et s’il existe 1001 raisons de l’apprécier, voici déjà 5 arguments pour vous donner envie de le revoir, encore et encore.

NB : Pour des raisons pratiques, j’évoquerai RENCONTRES DU 3ème TYPE, dans cet article, sous ses initiales d’origines CE3K (pour Close Encounters of the 3rd Kind), souvent usités chez les ciné-geeks lorsqu’il est question du film 😉

PARCE QU’IL MARQUE UN TOURNANT DANS LA CARRIÈRE DE SPIELBERG

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CE3K est à la fois le premier véritable projet personnel de Spielberg et sa première grosse production. LES DENTS DE LA MER, s’il est devenu le blockbuster que tout le monde connait, n’en reste pas moins un film à budget modeste. Et si c’est grâce à cette adaptation du best-seller de Peter Benchley que le cinéaste a fait son entrée définitive dans la liste des hommes d’influence à Hollywood, CE3K a imposé l’auteur au-delà du « money maker ».

DUEL, SUGARLAND EXPRESS et JAWS ont prouvé l’intêret du réalisateur pour les gens ordinaires, confrontés à l’extraordinaire. CE3K, tout en poursuivant dans cette veine, démontre le puissant sens du merveilleux de Spielberg et son goût pour la Science-Fiction.

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Le phénomène OVNI connaît un regain d’intêret dans les années 70, un sujet qui passionne Steven Spielberg depuis son enfance. Détail amusant, le réalisateur est né en 1947, année de l’affaire Roswell qui enclencha toute une vague paranoïaque, mêlée de fascination pour les OVNIS. Son enfance dans les années 50 se déroula dans une pop-culture pimentée d’histoires fantastiques et de SF où les invasions extra-terrestres témoignaient des peurs de l’époque.

Mais Spielberg souhaite prendre une autre direction. À l’angoisse des films de sa jeunesse, il répondra par une œuvre pacifique. Il se souviendra de son père, ingénieur électronicien, qui l’emmenait souvent observer les étoiles filantes, la nuit tombée. Cette envie de raconter une rencontre avec des êtres d’un autre monde – la fameuse « rencontre du 3ème type » de l’astronome J. Allen Hynek, évoquant un contact visuel avec des extra-terrestres – va se développé donc sur un mode à la fois réaliste et merveilleux, et devenir le second plus gros succès de 1977, derrière Star Wars.

PARCE QUE LE FILM ALLIE THRILLER ET SENS DU MERVEILLEUX

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Comme évoqué un peu plus haut, CE3K a fasciné (et fascine encore) toute une jeune génération de cinéphiles/cinéphages pour sons sens inné du merveilleux. Démarrant sur un mode proche du documentaire avec la découverte d’avions de la 2ème Guerre Mondiale dans le désert mexicain, puis avec un mouvement de panique dans un centre de contrôle aérien, le film se poursuit tel un thriller paranoïaque, en vogue dans les années 70, pour se terminer sur une note pleine d’espoir et de magie.

Cette sincère volonté d’apaiser nos craintes, après plusieurs séquences très anxiogènes (Richard Dreyfuss/Roy Neary survolé par un OVNI, l’enlèvement du jeune Barry devant sa mère…), peut nous paraître bien naïve aujourd’hui, dans notre société rude et cynique. Elle était déjà étonnante en 77, période grise traversé par le monde en général et par les États-Unis en particulier.

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Steven Spielberg prend la tendance morose du moment à contre-courant en suggérant qu’une autre vie possible, loin de la Terre, ne doit pas forcément déboucher sur une invasion destructrice. Un signe « peace and love » lié à l’époque ? Peut-être bien. Ou tout simplement le besoin de partager un message positif, de faire rêver et d’émouvoir, de retrouver le sens du spectacle magique que le cinéma d’alors semblait avoir perdu. D’ailleurs, ce sens du merveilleux n’est plus vraiment de mise de nos jours, tant les gros projets ciné semblent trop étudiés et préparés à l’avance…

Ce sens du merveilleux, Spielberg l’utilisera aussi à travers les superbes effets visuels de Douglas Trumbull (2001, BLADE RUNNER…) après avoir un temps songé à confectionner les sfx (et la représentation des OVNIS en particulier) à l’aide… d’images de synthèse ! Encore peu aboutis et laborieux en 1977, les tests ne parviennent pas à convaincre le cinéaste qui se tournera vers Trumbull. Ce dernier imprimera le film de sa « griffe », à la fois réaliste et fantasmagorique, faisant de chaque apparition d’OVNIS un ballet surprenant et fascinant.

PARCE QUE SPIELBERG Y PAIE SON TRIBUT À LA NOUVELLE VAGUE

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De gauche à droite : François Truffaut, Bob Balaban, Steven Spielberg et Lance Henricksen.

Le réalisateur François Truffaut sort à peine du tournage de L’ARGENT DE POCHE lorsqu’il s’embarque dans l’aventure CE3K. L’anecdote semble anodine au premier abord mais c’est amusant de constater que l’univers de l’enfance relie encore le cinéaste de la Nouvelle Vague et le Wonder Boy du Nouvel Hollywood.

Spielberg, comme tant d’autres cinéastes de sa génération, voue une grande admiration pour le courant français qui, a la fin des années 50, dépoussièra la manière de tourner et d’appréhender le 7ème art en général. Lorsqu’il débute la pré-production de CE3K, il sait que l’un des personnages de son film, Claude Lacombe, inspiré du spécialiste en ufologie Jacques Vallée, sera interprété par un français.

Après avoir contacter Truffaut, il s’attend à un refus de sa part… Mais contre toute attente, le réalisateur des 400 COUPS et de JULES ET JIM accepte avec enthousiasme. Une réponse agréablement surprenante tant on a du mal à imaginer les deux hommes aux univers dissemblables partageant la même affiche !

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Sur le tournage : Richard Dreyfuss, François Truffaut, Bob Balaban et Steven Spielberg.

Spielberg et Truffaut ont pourtant de nombreuses choses en commun. Outre cet attachement à l’enfance, comme évoqué plus haut et faisant d’eux des enfants dans des corps d’adultes, ils sont chacun à leur façon des amoureux du cinéma, des plateaux, des acteurs et de la caméra.

En débarquant sur le plateau de CE3K, François Truffaut s’offre une « récréation ». Il se laisse diriger sans problème d’ego par Steven Spielberg, acceptant son statut d’acteur parmi les autres du casting sans jouer les divas. Son seul soucis sera son grand manque d’assurance avec la langue anglaise. Lors d’une scène où il dit « They belong here more than we », parlant des individus contactés par les extra-terrestres qui cherchent à comprendre ce qui leur est arrivé, son accent « so frenchy » laisse entendre à toute l’équipe « They belong here Mozambique » !

Ce décalage involontairement drôle apportera une plus grande crédibilité dans le personnage que joue Truffaut. Claude Lacombe est peut-être le seul en droit de comprendre les visiteurs d’un autre monde puisqu’il est déjà lui-même un « alien » égaré sur une terre inconnue. Sans son interprète (joué par Bob Balaban), personne ne le comprend. Et lui-même, au final, servira d’interprètes entre les extra-terrestres et les humains.

À côté des forces militaires présentées dans toute leur agressivité et leur manque de souplesse, Lacombe/Truffaut incarne la sagesse de celui qui croit en un contact pacifique possible. Lorsque le scientifique s’adresse vers la fin au personnage de Roy Neary en lui disant « Monsieur Neary, je vous envie », rien ne sonne faux malgré le ton inimitable de François Truffaut. Parce que le cinéaste et Lacombe ne font qu’un. Et parce que la présence du réalisateur de la Nouvelle Vague apporte sérieux et crédibilité au film.

PARCE QUE LE FILM APPORTE UNE RÉPONSE POSITIVE AU PHÉNOMÈNE OVNI

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Si CE3K commence comme un thriller et évoque sans détours le rôle important que joue le gouvernement dans la manipulation des masses, le film détonne par sa fin bienheureuse et ouverte. Car si son succès paraît aujourd’hui évident, il faut remettre le film dans son contexte.

Les années 70 marquent un tournant à la fois formidable dans le cinéma américain, tant du PARRAIN à ALL THAT JAZZ en passant par TAXI DRIVER les films proposés sont d’incontournables réussites artistiques. Mais ces années sont aussi synonymes de réalisme cru, d’univers sombres et de pertes de repères des individus face à des dirigeants corrompus. Quand Steven Spielberg arrive avec son film sur des extra-terrestres qui débarquent sur Terre, on est en droit d’attendre un film catastrophe dramatique et violent.

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Pourtant, Spielberg prend le contre-courant de la mode. Et s’il injecte une grande dose efficace de suspense dans CE3K, comme évoqué plus haut, il donne à son film un véritable message d’espoir comme on n’en n’avait jamais vraiment vu jusqu’alors. Loin des monstres belliqueux suceurs de cerveaux, ses « petits gris » veulent juste communiquer et échanger avec nous, sans une once d’agressivité.

Toute l’inquiétude ressentie au début du film vient simplement d’un manque de compréhension entre les 2 espèces, humains et aliens. La musique viendra à bout du problème au cours d’un magnifique « spectacle son & lumière » que le Stade de France ne pourrait reproduire. Et si tout cela peut sembler d’une grande naïveté à notre époque, la simplicité et la force du récit nous donne envie d’y croire, ne serait-ce que le temps d’un film.

Steven Spielberg s’intéressera à nouveau aux extra-terrestres. Le plus célèbre d’entre eux cherchera à téléphoner chez lui, 5 ans plus tard. D’autres joueront les « special guest stars » dans A.I. ou dans LE ROYAUME DU CRÂNE DE CRISTAL. Mais passé les premières années du 21ème siècle, Spielberg prendra une autre direction pour évoquer le phénomène OVNI, avec entre autres la mini-série DISPARITION à la télévision. Le cinéaste reconnaîtra qu’après les attentats du 11 septembre 2001, il ne pouvait plus faire une œuvre comme CE3K. Viendra alors une autre vision du 1er contact entre aliens et humains au cinéma, d’une noirceur compréhensible et effrayante avec l’adaptation de LA GUERRE DES MONDES en 2005 et d’après H. G. Welles.

PARCE QUE LE FILM EST DEVENU UNE RÉFÉRENCE

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En terme d’OVNI dans l’imagerie populaire, il y a un avant et un après CE3K. Qu’il s’agisse de représenter des lumières dans le ciel, des lueurs étranges cachées par les arbres, un véhicule pris dans un halo mystérieux ou des individus à la fois fascinés et paniqués devant l’inexplicable, le film de Steven Spielberg a posé un ensemble de références visuelles encore d’actualité aujourd’hui.

La publicité va très vite s’emparer des codes visuels du film pour les détourner de façon humoristique. Puis des séries tv comme X-FILES s’inspireront fortement des lumières aveuglantes de CE3K pour prouver que « la vérité est ailleurs ». PIXAR fera de « l’invasion dans la maison » un court-métrage désopilant et muet. Quand aux soucoupes gigantesques d’INDEPENDANCE DAY, elles diront merci au camouflage dans les nuages, largement inspiré par CE3K.

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Terminée l’image de la soucoupe volante planant dans le ciel en plein jour, croisant quelques avions de ligne pour atterrir en plein désert ou en plein centre-ville devant un public incrédule. Reprenant quelque peu le principe de JAWS avec son requin que l’on devine grâce à la caméra suggestive ou à la musique, puis que l’on découvre avec stupeur, Spielberg suggère la présence d’extra-terrestres à travers diffèrents phénomènes incompréhensibles – les avions de la 2ème GM dans le désert, les points figurants les OVNIS dans le centre de contrôle aérien… – puis nous les faits découvrir progressivement par le biais de lueurs insaisissables ou d’ombres gigantesques avant d’aboutir à la révélation finale en forme d’apothéose.

L’habillage visuel du film est incontestablement devenu un maître-étalon dans la façon d’évoquer les phénomènes inexpliqués que sont les apparitions d’OVNI et ces fameuses rencontres du 3ème type dans la culture populaire. Même lors de reportages plus ou moins sincères et crédibles les « reconstitutions » de témoignages emprunteront au film de Spielberg !

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Enfin, CE3K marque une nouvelle collaboration Steven Spielberg / John Williams. Impossible d’évoquer le film sans penser aux 5 notes de la BO, figurant un langage codé destiné à communiquer avec les extra-terrestres. Là aussi, CE3K est une référence mais cette fois d’un point de vue sonore.

Williams créé, outre ce thème minimaliste inoubliable, une bande originale riche en émotions, donnant souvent l’impression de s’accorder au récit comme un élément essentiel au film. La réalité veut que Steven Spielberg effectuera le montage du film après que la musique de John Williams fut achevée et enregistrée ! Cette manière inhabituelle de travailler la musique et l’image devint elle aussi une référence pour d’autres œuvres cinématographiques à venir.

S’adaptant merveilleusement aux intentions de son cinéaste fétiche, Williams proposera l’une de ses plus belles partitions, mariant avec une facilité déconcertante thèmes inquiétants et dissonants, plutôt rares et osés pour un blockbuster, avec des titres féériques sans oublier l’ultime touche de merveilleux en réarrangeant le « If You Wish Upon A Star » du PINOCCHIO de Walt Disney.

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Depuis bientôt 40 ans, CE3K s’est ainsi imposé comme une œuvre référence en terme de fantastique, de supense et de merveilleux pour de nombreux films qui ont suivi mais aussi dans la culture populaire mondiale. Film spectaculaire et fascinant, teintée de drame sociale, de thriller conspirationniste et de science-fiction, il reste une étape marquante dans la carrière de Steven Spielberg mais aussi dans le monde du 7ème art, prouvant qu’un film destiné au grand public pouvait aussi cacher une œuvre intimiste et personnel, sincère et magique.


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Vilmos Zsigmond, Douglas Trumbull et Steven Spielberg.

Le hasard veut qu’au moment de publier cette chronique j’apprenne la disparition de Vilmos Zsigmond, chef opérateur sur RENCONTRES DU 3ème TYPE, film pour lequel il reçu un Oscar, mais aussi sur SUGARLAND EXPRESS, DELIVERANCE de John Boorman, THE ROSE de Mark Rydell, ou bien encore OBSESSION et BLOW OUT de Brian De Palma… Brillant artiste et artisan, il a sublimé nombre de chefs d’œuvre du cinéma comme personne. À l’occasion de la ressortie en salles d’une version restaurée de THE ROSE à la rentrée 2015, le magazine CINEMATEASER l’avait interviewé.


RENCONTRES DU 3ème TYPE (1977) de Steven Spielberg.
Avec Richard Dreyfuss, François Truffaut, Melinda Dillon, Bob Balaban, Terri Garr…
Scénario : Steven Speilberg, Paul Schrader, Jerry Belson et Matthew Robbins. Musique : John Williams.

Crédits photos : © Columbia Pictures.

Pour rappel, le film existe en 3 versions distinctes :
– celle sortie au cinéma en 1977;
– une « édition spéciale » sortie en 1980, comprenant une fin voulue par la Columbia et pésentant  l’intérieur du vaisseau alien;
– une version définitive « director’s cut » en 1998, remaniée selon le souhait initial de Steven Spielberg.

BANDE-ANNONCE

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4 commentaires Ajoutez le vôtre

  1. potzina dit :

    Bravo pour ce magnifique billet très inspiré 🙂 C’est vrai que lorsque je parle de Speilberg, je ne pense pas tout de suite à ce film alors que je l’adore. C’est peut-être parce qu’il est un peu à part dans sa filmo.
    Je me souviens parfaitement de toutes les émotions ressenties la première fois que je l’ai vu et de ne pas avoir arrêté d’en parler avec ma sœur les jours qui ont suivi. Chaque fois que ma mère faisait de la purée, on faisait une « montagne » dans notre assiette en référence 😉 Ma mère n’était pas super ravie mais elle ne pouvait rien dire parce que mon père en faisait autant 😀

    Aimé par 1 personne

    1. Adorable ! Merci pour tes compliments et cette belle anecdote ma Potzi 😀 J’aime beaucoup ce film, il a vraiment une place à part dans mes films de chevet. Je me le revoie une fois par an au moins… Je l’ai découvert tout gamin au ciné et j’y suis retourné pour l’édition spéciale. Puis quand j’ai acheté mes premiers dvd, il a fait parti de ma tête de liste 😉 La BO est l’une des plus belles de John Williams. J’ai eu l’opportunité de la voir interpréter en direct par l’orchestre National de Lille au cours d’une soirée spéciale. Et c’était très émouvant !

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  2. manU dit :

    Toujours un plaisir de lire tes billets passionnés et passionnants !

    Aimé par 1 personne

    1. Grand merci Manu ! Ça fait chaud au cœur 😉

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