Coup de cœur pour MIDNIGHT SPECIAL

L’histoire

De nos jours aux États-Unis, Roy (Michael Shannon) a enlevé son fils Alton (Jaeden Lieberher) des griffes d’une secte avec l’aide de son ami d’enfance Lucas (Joel Edgerton). Les 2 hommes et l’enfant sont également pourchassés par le FBI et la NSA, cette dernière ayant envoyé le spécialiste scientifique Paul Sevier (Adam Driver) pour retrouver Alton. Car le petit garçon n’est pas vraiment comme les autres. Doté de pouvoirs incroyables, il est un messie pour les fanatiques de la secte et une potentielle menace pour le gouvernement…

MIDNIGHT SPECIAL

L’enfant des étoiles

En pleine nuit, 2 hommes et un enfant quittent avec précipitation un petit motel alors que la radio parle du rapt d’un petit garçon. Une fois à bord de leur voiture, ils abandonnent les grands axes et s’engagent tous feux éteints vers une route secondaire, s’enfonçant dans la nuit… En 5 premières minutes avant le générique, une quasi absence de dialogues et une précision des plans allant à l’essentiel, Jeff Nichols nous plonge au cœur du sujet pour ne plus lâcher notre attention.

MIDNIGHT SPECIAL est un film fantastique… sans en être totalement un ! Du moins, comme on évoque aujourd’hui le cinéma fantastique et de science-fiction. Ça n’est pas une adaptation de comics, ni même une franchise ou un reboot. Le récit est simple et rappelle immanquablement des classiques du genre, de RENCONTRES DU 3ème TYPE à STARMAN. Mais ce qu’en fait Jeff Nichols, en alternant avec une déconcertante (et apparente) facilité l’intime, le spectaculaire, l’angoisse et le merveilleux, débouche sur une brillante variation du genre SF.

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C’est toujours facile d’user de comparaisons pour définir une œuvre que l’on vient de découvrir. Après avoir été comparé à Terence Malick pour l’importance que prend la nature dans ses films (et c’est encore le cas ici), Nichols semble se mesurer à Spielberg avec cette incursion dans la SF à dimension humaine. Il y a pire comme “système de mesure”. Mais le cinéaste de MUD ne cherche pas la compétition.

On pense bien évidemment au papa d’E.T. en voyant MIDNIGHT SPECIAL mais c’est essentiellement pour cette belle faculté de privilégier ses personnages par rapport aux effets spéciaux, de ne pas oublier de filmer à hauteur d’hommes et de nous parler de gens ordinaires confrontés à l’impensable.

Les protagonistes de MIDNIGHT SPECIAL se trouvent plongés au cœur d’une aventure qui les dépasse. Ils se trouvent engagés dans une voie apparemment sans issue, obligés d’agir contre leur nature pour défendre un enfant pas comme les autres. Ou pour le retrouver à tous prix. Car c’est aussi l’une des forces du film, de flouter la ligne qui sépare les bons des méchants. Pas de véritables héros dans le récit, si ce n’est des héros malgré eux qui n’oublient jamais leur part d’humanité.

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Quant à la “menace” présente dans le film, elle provient surtout des hommes. Menace représentée par cette secte, comme ils en pullulent aux États-Unis, et pour qui le jeune Alton (impressionnant Jaeden Lieberher) s’apparente au prophète ultime. Mais aussi, et bien sûr, menace représentée par le gouvernement et ses hommes de l’ombre, aux yeux de qui l’enfant est un danger, voire une arme qu’il devient urgent de contrôler.

Au delà de ses extraordinaires pouvoirs, Alton reste une enfant. Un petit garçon qui se passionne pour Superman et demande ce qu’est la kryptonite. Un enfant aux yeux de ses parents, résignés à laisser leurs fils accomplir son destin mais prêts à tout pour le protéger.

Dans les rôles de la mère et du père d’Alton, si Kirsten Dunst apporte avec talent la délicatesse et la sensibilité nécessaire au personnage, Michael Shannon impressionne par la justesse de son jeu, mélange poignant de détermination, de force et de fragilité. Sa performance contribue à faire du film une très belle histoire d’amour paternel. Face à l’évidence, Roy place son rôle de protecteur par dessus tout. Il y a ainsi cette émouvante scène où, devant son père accablé par la situation, Alton tente de le rassurer :
– “Ça va aller papa”, lui dit-il, inversant les rôles, “ne te fais pas de soucis pour moi”.
– “Mais j’aime me faire du soucis pour toi” lui répond Roy/Shannon d’un sourire tendre et désenchanté.

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MIDNIGHT SPECIAL prend alors les chemins du road-movie initiatique et du drame intimiste, rendant encore plus spectaculaire et poétique ses incursions dans l’étrange. Il y a, par exemple, cette “pluie” de satellite sur une station service, au beau milieu de la nuit, effrayante et fascinante à la fois. Et bien sûr, le final du film, qui nous place dans le même état d’émerveillement que les principaux protagonistes.

Jeff Nichols n’en oublie pas pour autant de glisser ici et là quelques observations grinçantes sur son pays. Ainsi, les excès d’une Amérique borderline, toujours prête à se réfugier dans une dévotion malsaine ou une violence insensée, sont évoqués dans toute leur brutalité. Dans un monde où une situation peut encore se résoudre une arme à la main ou en invoquant Dieu, l’Homme ne peut que perdre la raison.

Devenant un  “guide” malgré lui, le jeune Alton en arrive à se comporter d’une manière plus responsable que tous les adultes qui l’entourent, amenant une douce ironie dans des séquences où l’enfant apparaît comme le plus mature des personnages du film.

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Envoutant et prenant, intimiste et spectaculaire, MIDNIGHT SPECIAL prouve à nouveau le talent et la singularité de Jeff Nichols. Poursuivant une œuvre inscrite dans un humanisme sincère et rafraîchissant en cette époque troublée, le cinéaste nous offre l’un des plus beaux films de ce Printemps. À consommer sans modération, la tête et le cœur dans les étoiles.


MIDNIGHT SPECIAL (2016) de Jeff Nichols.
Avec Michael Shannon, Joel Edgerton, Kirsten Dunst, Adam Driver, Jaeden Lieberher, Sam Shepard…
Scénario : Jeff Nichols. Musique : David Wingo.

Crédits photos : © Warner Bros Pictures.

À découvrir la superbe bande originale minimaliste signée David Wingo.


BANDE-ANNONCE

3 commentaires Ajoutez le vôtre

  1. Raté en salles, j’ai comme l’impression qu’il va vraiment falloir que je me rattrape!

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    1. Hello Girlie. Il n’est pas resté longtemps à l’affiche et n’a pas beaucoup marché en salles. Mais c’est pourtant un grand et beau film fantastique et atypique ! Après, à toi de te faire ton idée mais si tu peux te faire une séance de rattrapage, je te le recommande vivement 😉

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