Revoir L’INVASION DES PROFANATEURS

Avec pour thème “Les aliens sont parmi nous !”, le Ciné-Club du Bric-à-Brac de Potzina avait de quoi me satisfaire. Il restait à faire un choix… et comme d’habitude chez moi, le véritable problème (celui du choix) commençait ! Revu il y a peu de temps, L’INVASION DES PROFANATEURS de Philip Kaufman – remake du classique SF de Don Siegel des années 50 ou nouvelle adaptation du roman de Jack Finney – me semblait convenir, associant le thème judicieusement choisi (en ce qui me concerne) par Potzina, un genre que j’affectionne et un remake peu connu mais, une fois n’est pas coutume, fort réussi…

NB : Avant toutes choses, je tiens à préciser à certains internautes, mordus de ciné et blogueurs/blogueuses qu’il ne s’agit pas de la version de 1956, ni du remake d’Abel Ferrara de 1993, ni du récent film avec Daniel Craig et Nicole Kidman… et encore moins d’un film d’Ernst Lubitsch 😉

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Brooke Adams file un mauvais coton…

Plus qu’un remake, une nouvelle adaptation…

body_snatchers_bookEn 1955, l’auteur américain Jack Finney, spécialisé dans la science-fiction et le thriller, publie un roman de science-fiction, “Invasion of the body snatchers”. Récit paranoïaque d’une invasion indécelable à l’œil nu, l’œuvre de Finney s’adapte à l’air du temps. En pleine Guerre Froide où la peur des ”ennemis“ venant de l’Est fait partie du quotidien des États-Unis, les récits de SF – films, comics ou pulps – évoquant une invasion extra-terrestre plaisent à un public plus soucieux de se faire une douce frayeur que d’être politiquement sermonné. “Watch the skies !” était l’ultime réplique de THE THING FROM ANOTHER WORLD en 1951.

Un an après sa publication, le roman de Jack Finney est adapté au cinéma. Loin de l’invasion “classique” à l’aide de soucoupes volantes et de créatures caoutchouteuses, INVASION OF THE BODY SNATCHERS de Don Siegel (futur réalisateur de L’INSPECTEUR HARRY) nous présente une inquiétante trame, fidèle au roman, où les êtres humains sont remplacés par des “plantes” venant d’un autre monde. Seul l’aspect insensible de ces humains de substitution permet de les différencier des vrais humains. Et le film de se terminer sur l’image glaçante du héros (Kevin McCarthy), seul dans un monde déshumanisé, essayant de convaincre “un monde incrédule que le cauchemar a déjà commencé”… Les plus âgés parmi vous se souviennent peut-être de cette réplique terrifiante de la série tv des années 60, THE INVADERS / LES ENVAHISSEURS, où le héros David Vincent luttait contre une invasion identique d’extra-terrestres ayant pris forme humaine, mais totalement dénués de la moindre émotion. Le film de Don Siegel avait lancé à lui seul un genre dans le genre : une intrusion plus qu’une invasion.

En 1956, le cauchemar a déjà commencé !

Une histoire intemporelle

Finney n’imaginait probablement pas la dimension intemporelle de ce roman. Comme toute œuvre de Science-Fiction, il s’agissait d’abord d’évoquer un contexte social en devenir et d’alerter le public par le biais de la fiction et de l’imaginaire. “1984” de George Orwell ou “Le meilleur des mondes” d’Aldous Huxley étaient devenus des classiques du genre. Leurs sujets nous parlent encore aujourd’hui…

Quel que soit l’époque, les lecteurs sont libres d’interpréter le roman d’origine comme ils le souhaitent. Cette manière d’évoquer un monde déshumanisé à l’extrême, où la pensée est unique et l’émotion exclue, nous parle encore. Par notre capacité à raisonner, nous nous sommes persuadés de notre suprématie sur les autres espèces vivantes, oubliant notre instinct animal, méprisant ces émotions qui font de l’être humain un individu à la fois unique et semblable à tous les autres.

Spock, Casanova et La Mouche en pleine invasion…

Scénariste de JOSEY WALES HORS-LA-LOI et des AVENTURIERS DE L’ARCHE PERDUE, réalisateur de L’ÉTOFFE DES HÉROS et de L’INSOUTENABLE LÉGÈRETÉ DE L’ÊTRE, Philip Kaufman s’attelle à une nouvelle adaptation cinématographique du roman, 20 après celle de Don Siegel.

Nous sommes en 1978 et la décennie des années 70, marquée par une période de crises et de remises en question de la société, oriente le cinéma américain vers une direction plus réaliste et sombre. Kaufman développe alors une trame teintée d’écologie, de paranoïa et de totalitarisme, s’inspirant des bouleversements de son époque. Sans s’en apercevoir peut-être, le cinéaste vient de démontrer l’intemporalité du roman de Jack Finney.

Cosses et chrysalides

Délaissant les voyages intersidéraux de soucoupes volantes démesurées, L’INVASION DES PROFANATEURS démarre sur le long périple à travers l’espace de particules, s’échouant sur Terre et donnant naissance à une fleur étrange. Intriguée, Elizabeth (Brooke Adams) amène la plante chez elle et, devant le peu d’intérêt de son compagnon pour sa découverte, se confie à Matthew Bennell (Donald Sutherland) un collègue du ministère de la santé… L’invasion des spores belliqueuses a déjà commencé !

Curieux, Elizabeth et Matthew appellent Jardiland…

Cette introduction inattendue donne le ton du film. Au delà de son postulat fantastique, la version de Philip Kaufman joue la carte du réalisme et de l’insidieux. Une invasion comme une revanche de Dame Nature sur le genre humain…

Les personnages principaux – interprétés avec justesse par une distribution 5 étoiles : Donald Sutherland, Leonard Nimoy, Brooke Adams, Jeff Goldblum, Veronica Cartwright… – ne sont pas des héros, des militaires traumatisés par le Vietnam ou des agents spéciaux qui n’ont pas pu sauver Kennedy. Ce sont des individus comme vous et moi, dont les fonctions les amènent toutefois au cœur du problème mais qui n’ont ni les moyens ni le pouvoir d’intervention pour sauver le monde.

Face à cette “intrusion substituante”, cette “incarnation” débutant par de terrifiantes chrysalides pour évoluer vers des cosses géantes et aboutir aux clones dénués de toute émotion, la solution passe inévitablement par la peur de l’autre. Qui est cet homme qui n’est plus mon mari ? Qui est cet individu qui se prétend être mon ami ? Dans ce cauchemar à l’ambiance nocturne, l’unique parade serait de se fondre dans la masse. Une armée de végétaux extra-terrestres dont l’un des chefs dit : « Rejoignez-nous dans un monde sans amour et sans haine. » Amen.

Héros du film de Don Siegel, Kevin McCarthy replonge ici en plein cauchemar…

Dénué d’effets spéciaux inutiles, L’INVASION DES PROFANATEURS est, avec la version de Don Siegel, la meilleure adaptation du roman de Jack Finney. Récit toujours d’actualité, le film de Philip Kaufman est un chef d’œuvre d’angoisse et de réflexion. Une vision pas si déformante de notre société.


L’INVASION DES PROFANATEURS (1978) de Philip Kaufman.
Avec Donald Sutherland, Brooke Adams, Leonard Nimoy, Jeff Goldblum, Veronica Cartwright, Kevin McCarthy, Robert Duvall…
Scénario : W.D. Richter d’après le roman L’Invasion des profanateurs (The Body Snatchers) de Jack Finney.
Musique : Denny Zeitlin.

Crédits photos : © United Artists.


BANDE-ANNONCE

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4 commentaires Ajoutez le vôtre

  1. potzina dit :

    « Curieux, Elizabeth et Matthew appellent Jardiland » 😀 😀 😀
    Figure-toi que je n’ai vu ni l’original ni ce remake et que je n’ai pas non plus lu le bouquin. C’est la loose 😉 J’en entends dire du bien mais je n’ai jamais pris le temps de les voir.
    Quoiqu’il en soit, merci pour ce billet aussi instructif que drôle !

    Aimé par 1 personne

    1. Ben non Potzi, c’est pas la loose roooooo 😉
      Cette version, comme l’original, devrait te plaire…
      J’ai ponctué l’article de petites touches humoristiques, histoire de ne pas (trop) tomber dans le blues intersidéral.

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  2. Je ne connaissais que la version de 1956. Mais là, tu vends du rêve avec un tel casting!
    Je vais me jeter dessus.
    Et comme toujours, merci pour toutes ces anecdotes croustillantes

    Aimé par 1 personne

    1. De rien Girlie ! Tu peux te jeter sur cette version 70’s du film. C’est, à mon avis, la meilleure avec celle de 1956, bien sûr… Et le casting vaut le détour, en effet !

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