Pour une poignée de films… #17

Au programme de cette chronique rapido n°17 : un OFNI avec Burt Lancaster, le 3ème volet du reboot Star Trek au cinéma et un polar vénéneux signé Michel Deville.


LE PLONGEON / THE SWIMMER (1968) de Frank Perry et Sydney Pollack

À la fin des années 60, dans un quartier aisé du Connecticut, Ned Merrill (Burt Lancaster) se met au défi de rentrer chez lui en passant par chaque piscine appartenant aux propriétés qu’il traverse. L’occasion pour lui de croiser de vieilles connaissances et de faire le bilan de sa vie…

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THE SWIMMER – maladroitement renommé LE PLONGEON en VF – est un véritable Objet Filmique Non Identifié. Film d’auteur porté par une star de l’âge d’or d’Hollywood, critique désespérée de la vanité des nantis et du système américain prônant la réussite sociale au dessus de tout, cette œuvre longtemps oubliée fit un come-back remarqué des cinéphiles en 2010, lors d’une nouvelle sortie en copies restaurées au cinéma.

Initialement tourné par Frank Perry (principalement connu pour son biopic sur Joanne Crawford, MAMAN TRÈS CHÈRE, avec Faye Dunaway) dès l’année 1966, THE SWIMMER subit de nombreux problèmes, dus à la mésentente entre le cinéaste et Lancaster. Viré par la production, Perry fut remplacé par le jeune Sydney Pollack, proche de Lancaster, qui termina le film et permit sa diffusion en 1968, grâce entre autres à l’apport financier personnel de Lancaster.

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En athlète et acteur confirmé, Burt Lancaster porte brillamment le film sur ses épaules, passant l’intégralité du récit en maillot de bain et armé de son « sourire-banane ». Ce qui amusera probablement les adeptes de LA CLASSE AMÉRICAINE… THE SWIMMER est pourtant très loin d’une comédie. Cocktail étonnant entre le classicisme en Technicolor du vieil Hollywood, qui vivait à l’époque ses dernières heures, et l’étrangeté psychédélique de cette fin des années 60, usant d’expérimentations visuelles aujourd’hui désuètes, THE SWIMMER est un drame qui démarre en douceur pour sombrer dans une profonde mélancolie.

Lancaster incarne une idée du rêve américain basé sur de fragiles édifices. Sa force physique apparente, progressivement atténuée par l’effort, ne cache plus vraiment les failles de son parcours d’homme à mesure que le récit avance. Une vie égratignée par les mensonges, les erreurs et la lâcheté et que son personnage tente de reconquérir au prix d’un curieux défi.

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À la fois déroutant venant d’une production américaine des années 60 et prenant, bien que teinté d’effets kitschs, THE SWIMMER évoque L’ARRANGEMENT avec Kirk Douglas, tourné un an plus tard par Elia Kazan. Une remise en question douloureuse des apparences en société, dont le fond reste toujours d’actualité.


STAR TREK: SANS LIMITES (2016) de Justin Lin

Au XXIII ème siècle, l’Enterprise et son équipage font halte dans l’impressionnante station Yorktown lorsque la survivante d’un vaisseau spatiale leur demande de l’aide pour secourir les siens, prisonniers sur une planète cachée dans une nébuleuse inexplorée…

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Comme on peut être fans des Beatles tout en étant fans des Stones, on peut très bien être fan de Star Wars tout en appréciant Star Trek. Lorsque les aventures de Kirk, Spock, McCoy, Uhura et des autres membres de l’Enterprise furent « rebootés » en 2009 au cinéma sous la direction de JJ Abrams, je trouvais l’idée plutôt bonne et réussie, suffisamment respectueuse du matériau de base tout en se conformant à notre temps malgré la déception de certains fans hardcore.

Après un STAR TREK: INTO DARKNESS solide bien qu’un peu trop axé sur l’action non-stop, comment allait se présenter ce 3ème volet de la nouvelle franchise ? Entretemps, JJ Abrams avait quitté le navire pour débarquer dans une galaxie lointaine, très lointaine. Et l’arrivée de Justin Lin, metteur en scène des derniers opus de FAST & FURIOUS, n’avait pas de quoi rassurer les Trekkies / Trekkers, fidèles depuis la série tv d’origine, il y a 50 ans cette année.

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STAR TREK: SANS LIMITES s’avère un agréable divertissement de SF, visuellement très impressionnant avec de superbes concepts comme la station orbitale Yorktown où l’attaque de vaisseaux insectes… tout en étant une déception scénaristique. À bien y regarder de près, les récits des 3 épisodes que forment ce reboot étalé entre 2009 et 2016 proposent le même canevas à quelques détails près. Soit l’affrontement de la Fédération des Planètes Unies contre un ennemi redoutable, passé du côté obscur parce qu’il a une vengeance personnelle contre cette même Fédération. Un simple « copié-collé » paresseux et sans fondement lorsque l’on pense au nombre d’histoires différentes que la saga Star Trek a abordé depuis toutes ces années à la télévision.

Transformant en moins de 10 ans la célèbre série en machine bruyante, principalement tournée vers le blockbuster d’action pour séduire un public juvénile, les nouveaux créateurs de Star Trek n’ont plus cherché à respecter l’univers d’origine, malgré des hommages un peu poussifs tout au long de ce nouveau film, à Spock entre autre après la disparition récente de Leonard Nimoy. La psychologie des personnages principaux est survolée à la vitesse de la lumière lorsqu’elle faisait la consistance des récits d’origine. Certaines nouvelles idées – les liens sentimentaux entre Spock et Uhura, l’évocation de l’homosexualité de Sulu, les questionnements de Kirk… – n’ont pas grande consistance et semblent avoir été posé ça et là pour remplir un cahier des charges.

Reste un divertissement réussi à défaut d’être passionnant (l’impression de « déjà-vu » comme je vous le disais plus haut…), un Idris Elba toujours impeccable (bien que méconnaissable) dans le rôle du grand méchant de service et des effets spéciaux magnifiques. Certes, ça n’est pas si mal pour un film de ce genre. Mais on pouvait largement en attendre beaucoup mieux…


EAUX PROFONDES (1981) de Michel Deville

Sur l’île de Jersey, Vic (Jean-Louis Trintignant) et Mélanie Allen (Isabelle Huppert) forment un couple atypique. Au delà de la différence d’âge, leurs liens sont tissés d’ambiguité et de perversité, malgré la présence de leur petite fille Marion (Sandrine Klajic). Devant l’impassibilité apparente de son mari et aux yeux de tous, Mélanie multiplie les amants. Mais au cours d’une soirée, l’un d’entre eux est retrouvé mort…

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EAUX PROFONDES est tiré d’un roman de Patricia Highsmith, romancière souvent adaptée au cinéma avec des classiques comme PLEIN SOLEIL, L’AMI AMÉRICAIN ou L’INCONNU DU NORD-EXPRESS. Le cinéaste Michel Deville avait tenté de porter son roman DEEP WATER à l’écran au début des années 70 avant d’y renoncer puis de s’y atteler à nouveau 10 ans plus tard.

Quittant quelque peu son univers teinté d’une certaine légèreté, le metteur-en-scène nous plonge cette fois dans un film d’atmosphère, stylisé et sombre, tout en conservant l’habileté du montage et les touches d’humour qui caractérise la majorité de ses films. Ici, les codes trop classiques du thriller psychologique et le réalisme du polar sont mis de côté au profit d’un trouble jeu du chat et de la souris entre Trintignant et Huppert.

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Si l’actrice semble n’avoir aucun mal à jouer les garces, Jean-Louis Trintignant est remarquable d’aisance et de finesse dans un rôle à première vue ingrat. Dans le rôle du mari aimant et protecteur d’une femme-enfant perverse, il donne à son jeu une subtilité tranquille qui le rend à la fois attachant et inquiétant, suscitant le frisson au détour d’un silence ou d’un sourire. Ça n’est certes pas une découverte tant l’acteur avait déjà de nombreux rôles marquants à son actif au moment de tourner dans EAUX PROFONDES. Mais son jeu minimaliste et magnétique tire le film vers les sommets.

Enfin à noter cette singularité dans la manière qu’à Deville d’évoquer les rapports du trio familiale. À de multiples occasions, touchantes ou humoristiques, le cinéaste nous présente Marion, la petite fille, comme l’unique véritable « adulte » de la famille Allen. Inversant – sans équivoques bien sûr – les rapports mari / épouse et père /fille pour nous offrir un jeu de 3 détonant et attachant, il renforce la fragilité du père face à sa petite fille protectrice et l’immaturité de la mère devant le regard clairvoyant de l’enfant.

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Brillant thriller psychologique, stylisé comme toujours chez Michel Deville, bénéficiant de la beauté des paysages de Jersey et de la musique envoutante et inquiétante du compositeur classique Manuel de Falla, EAUX PROFONDES est à (re)découvrir d’urgence.

8 commentaires Ajoutez le vôtre

  1. Cela fait très longtemps que je louche sur le plongeon et Burt Lancaster en petite tenue durant tout un film, il faut décidément que je voies que film!

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    1. Ah ah la coquine !! Tu es une fan du redoutable Capitaine Flirt, donc…

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      1. Il porte quand même vachement mieux les collants à rayures que Depardieu 😀

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  2. rp1989 dit :

    Il faut que je voie un film de Sydney Pollack et Michel Deville est un réalisateur que j’apprécie. J’ai pas trop accroché à ce Star Trek par contre.
    Bisous à toi et à plus sur nos blogs respectifs!

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    1. Pour ce qui est de Sydney Pollack, je peux te recommander On achève bien les chevaux et Les 3 jours du Condor. Sinon, il y a le beau Out Of Africa et la comédie Tootsie avec Dustin Hoffman…

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      1. rp1989 dit :

        Merci pour toutes ces recommandations avisées :). Gros bisous!

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  3. manU dit :

    Je n’ai vu aucun des 3 mais je compte bien y remédier à l’occasion. Le Star Trek est celui qui me tente le moins même si j’ai beaucoup aimé le premier.

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    1. Oui, le 1er reboot Star Trek de JJ Abrams était très réussi. Après, ça s’est dégradé même si cela reste de bons divertissements… Je te recommande EAUX PROFONDES, ça devrait te plaire je pense (comme le roman de Patricia Highsmith…)

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