Pour une poignée de films… #19

Au menu de cette 19ème poignée de films : un classique du polar français des années 60, un thriller horrifique qui révéla Brian De Palma et le duel Sherlock Holmes vs Jack l’éventreur !


COMPARTIMENTS TUEURS (1965) de Costa-Gavras

Dans les années 60, dans un train de nuit entre Marseille et Paris, une femme est retrouvée morte. Alors que la police enquête, les passagers qui partageaient son compartiment sont assassinés les uns après les autres…

La récente rediffusion de COMPARTIMENTS TUEURS sur Arte m’a donné l’occasion de revoir – et redécouvrir – ce désormais classique du polar français. Première réalisation de Costa-Gavras (L’AVEU, Z, MISSING, MUSIC BOX…) tirée d’un roman de Sébastien Japrisot (L’ÉTÉ MEURTRIER, LA DAME DANS L’AUTO AVEC DES LUNETTES ET UN FUSIL…), le film s’est bonifié avec le temps, bel équilibre entre innovation dans le traitement graphique et classicisme du récit.

Baignant dans un élégant noir et blanc signé Jean Tournier et accompagné de la musique virevoltante de Michel Magne, COMPARTIMENTS TUEURS impressionne encore aujourd’hui pour sa saisissante distribution mêlant stars, acteurs réputés et débutants (pour l’époque) sans aucune erreur de casting: Yves Montand, Simone Signoret, Jean-Louis Trintignant, Jacques Perrin, Catherine Allegret, Michel Piccoli, Charles Denner… Le 1er film de Costa-Gavras offre un superbe panel d’acteurs qui contribueront à la qualité du cinéma hexagonal des années 60 et 70.

COMPARTIMENTS TUEURS offrait pour l’époque une vision rafraîchissante du « whodunit » si cher au roman policier. Le titre même du roman de Japrisot induit que chaque passager du compartiment où s’est déroulé le meurtre est un suspect en puissance, comme dans toute histoire policière se situant en un lieu confiné. À la manière d’une partie de Cluedo où l’on cherche à savoir si le Colonel Moutarde a commis le crime dans le petit salon avec le chandelier, on suit l’intrigue du film tel un détective flairant plusieurs pistes.

Chaque voyageur du train donne ainsi l’occasion d’aborder un genre particulier selon le ou les personnages traités: la comédie romantique avec Jacques Perrin et Catherine Allégret, le thriller psychologique avec le personnage de Michel Piccoli… Gros succès à sa sortie, COMPARTIMENTS TUEURS permit à Costa-Gavras, déjà assistant réalisateur pour des cinéastes comme Jacques Demy ou Henri Verneuil, de démarrer sa propre carrière de réalisateur. Le film reste toujours très agréable à revoir et sa patine vintage y contribue grandement.


SŒURS DE SANG (SISTERS-1973) de Brian de Palma

Début des années 70, à New York. Danielle Breton (Margot Kidder) et Phillip Woode (Lisle Wilson) se rencontrent sur le plateau d’un jeu télévisé. Ils passent la soirée et la nuit ensemble. Au matin, Danielle apprend à Phillip qu’elle a une sœur jumelle, Dominique…

C’est toujours gênant de découvrir, sur le tard, un film dont on vous a souvent vanté les mérites… et qui vous déçoit énormément. Fan de Brian de Palma, de CARRIE aux INCORRUPTIBLES en passant par BLOW OUT et PULSIONS, je n’avais jamais eu l’occasion de voir SISTERS (SŒURS DE SANG en VF), film devenu rare en salles et inexistant à la télé, même sur le câble et ses chaînes thématiques. Quelques photos, une vague idée du synopsis – 2 sœurs jumelles, nées sous le signe de l’horreur – et quelques rapides extraits à la volée ne me suffisaient pas pour satisfaire ma curiosité.

Ma déception fut à la hauteur de mon attente: SISTERS accuse cruellement ses 44 ans. Après un générique angoissant au son de la BO de Bernard Herrmann, on pense avoir affaire à une bonne dose de frayeur à la sauce Hitchcockienne. Mais comme un plat démoulé trop chaud, l’intérêt pour le film retombe rapidement.

De Palma y développe déjà ses thèmes de prédilection: le double maléfique, le sexe et la mort… Son admiration pour Alfred Hitchcock et sa manière d’amener lentement le spectateur à l’horreur la plus brutale sont déjà bien présentes. PSYCHOSE apparaît comme la référence première du cinéaste, avec son intrigue prenant une direction que le début ne laissait pas présager, et jusque dans un copié-collé évident d’un plan entier du film d’Hitchcock.

Mais sa singulière maîtrise et manipulation de l’image fait ici cruellement défaut. On a plus souvent le sentiment d’un film de fin d’études d’un jeune étudiant en cinéma, hésitant et mal interprété. On pourra bien sûr trouver des excuses à De Palma, au début de sa carrière à l’époque et disposant d’un petit budget. Pourtant, à cette même période, Steven Spielberg réalisait déjà, et avec peu de moyens, l’excellent DUEL… Décevant et accusant lourdement le poids des années, SISTERS peut se voir comme une curiosité, à peine rehaussée par quelques scènes chocs et des références au cinéma d’Alfred Hitchcock.


MEURTRE PAR DÉCRET (1979) de Bob Clark

À Londres vers la fin du XIXème siècle, des crimes atroces sont commis dans les rues de l’East End. Curieusement écartés de l’enquête par les hauts responsables de Scotland Yard, Sherlock Holmes (Christopher Plummer) et le Dr Watson (James Mason) sont engagés par un groupe de commerçants pour arrêter l’insaisissable Jack l’Éventreur…

MEURTRE PAR DÉCRET n’est pas le premier – ni le dernier – film proposant un duel imaginaire entre Sherlock Holmes et Jack l’Éventreur. D’un côté, le plus célèbre des détectives privés né sous la plume de Conan Doyle. De l’autre, l’une des affaires criminelles les plus effroyables et intrigantes de l’Histoire et à ce jour encore jamais résolue. Évoluant à la même époque, ces deux personnages devaient se rencontrer par le biais de la fiction.

Le film ne s’inspire pourtant pas d’un récit de Conan Doyle. En 1965, le film de James Hill A STUDY IN TERROR (SHERLOCK HOLMES CONTRE JACK L’ÉVENTREUR en VF) abordait déjà ce thème. 14 ans plus tard, le film de Bob Clark reprend ce sujet d’une façon plus « réaliste » et en y insérant l’une des théories les plus glaçantes et répandues concernant l’identité de Jack l’Éventreur.

Quelques années avant le roman graphique FROM HELL, et son adaptation cinématographique par les frères Hughes avec Johnny Depp, MEURTRE PAR DÉCRET  se base sur l’idée d’une série de meurtres commandités par le gouvernement de l’époque pour « masquer » une affaire de mœurs impliquant la famille royale ! Aucune preuve réelle n’est jamais venu entériner cette version des faits, aussi épouvantable qu’attirante. Mais face au mystère de Jack l’Éventreur, la notion de crimes d’état en série apparait encore comme l’une des plus plausibles…

Reposant sur une belle reconstitution d’époque – incluant des codes désormais classiques telles que les rues sombres et sinistres de Whitechapel dans les années 1880 – et une distribution impressionnante et solide avec, autour de James Mason et Christopher Plummer, Donald Sutherland, David Hemmings, Franck Finlay, Geneviève Bujold… MEURTRE PAR DÉCRET s’avère l’une des adaptations des aventures de Holmes les plus réussies au cinéma. Son scénario pourra prêter à débat mais il demeure encore aujourd’hui l’une des plus passionnantes approches du mythe de Jack l’Éventreur.

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5 commentaires Ajoutez le vôtre

  1. rp1989 dit :

    Le polar français et le dernier sur Sherlock Holmes me tentent bien.
    Merci beaucoup pour cette chronique!

    Aimé par 1 personne

    1. De rien Rose ! Compartiments tueurs est devenu un classique avec le temps. Quant à Meurtre par Décret, c’est l’une des meilleures transpositions de Sherlock Holmes au cinéma, à mon avis…

      Aimé par 1 personne

  2. le Bison dit :

    J’aimerais bien voir quand même Sisters. Pour son coté kitsch, ses 44 ans et De Palma…

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    1. Rien ne t’empêche ! Je ne fais que donner mon ressenti. J’en attendais sans doute trop mais ce qui est sûr, c’est que c’est très loin d’être le meilleur De Palma…

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