L’occasion récente de revoir en vidéo les films ANTOINE ET COLLETTE et  BAISERS VOLÉS m’a donné envie de comprendre l’importance des ces deux segments dans la saga d’Antoine Doinel crée par François Truffaut…

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Après les 400 Coups…

Après le grand succès des 400 COUPS, François Truffaut n’a pas de projet de suite pour le personnage d’Antoine Doinel. À vrai dire, il reconnaîtra plus tard qu’il cherchait volontairement à s’éloigner de ce premier film à la fois intime et différend de sa propre vie. Agacé par la rumeur présentant LES 400 COUPS comme une autobiographie du jeune metteur-en-scène, le chef de fil de la Nouvelle Vague tourne TIREZ SUR LE PIANISTE d’après un polar de David Goodis en 1960 puis, 2 ans plus tard, retrouve le succès avec JULES ET JIM.

Cette même année 1962, le film à sketches L’AMOUR À 20 ANS regroupe plusieurs cinéastes de nationalités différentes, abordant chacun les désordres amoureux de la jeunesse à travers le monde. Truffaut est contacté pour y filmer le segment français. Il y voit l’occasion de revenir vers le personnage de Doinel à la croisée de l’adolescence et de l’âge adulte.

À travers ce court-métrage, la personnalité tourmentée et romantique d’Antoine Doinel prend ses marques. Mature – il est déjà autonome et indépendant – et immature – son déménagement pour se rapprocher de Colette – Doinel apparait comme un jeune homme en manque de repères affectifs, guidés par ses sentiments et éternel déçu.

Fragile et lunaire, c’est un personnage émouvant et maladroit auquel on s’identifie rapidement. Face à Colette qui se joue plus ou moins de lui, il semble accepter son sort d’amoureux éconduit, trouvant à travers cet amour à sens unique une famille de substitution avec les parents accueillants de la jeune femme.

Avec ce bref retour au personnage qui fit son succès, François Truffaut va réellement débuter une véritable saga unique en son genre, où le héros principal et fictif vieillit et évolue en même temps que le public.

Sur une chanson de Trenet

6 années après ANTOINE ET COLETTE, Truffaut revient à Doinel avec BAISERS VOLÉS et installe définitivement les bases du personnage et de son « univers ». On retrouve avec plaisir un être rêveur et insatiable insatisfait, véritable cœur d’artichaud cumulant les petits boulots pittoresques: gardien de nuit dans un hôtel, détective privé, réparateur de télévision…

Comme dans ANTOINE ET COLETTE, Doinel semble parfois plus attaché à la famille de sa fiancée Christine qu’à la jeune femme elle-même. Maladroit, goujat et brusquement entreprenant avec elle, il paraît bien plus à l’aise lorsqu’il partage un repas avec sa future belle-famille. Guidé et malmené par ses errances sentimentales, son coup de foudre pour l’irrésistible Fabienne Tabard (Delphine Seyrig, envoutante) l’amènera à quitter son emploi d’enquêteur et à s’interroger sur ses sentiments pour la jeune et (pas si) innocente Christine…

Pour BAISERS VOLÉS, François Truffaut s’inspirera du LYS DANS LA VALLÉE d’Honoré de Balzac, aidé au scénario par Claude de Givray et Bernard Revon. Sur cette base très construite, il laissera ses acteurs improviser pour la majorité des scènes, donnant à son film cette sensation de légèreté, de comédie et de naturel dans le drame et la mélancolie.

Il empruntera à Charles Trenet quelques paroles de la chanson « Que reste-t-il de nos amours? » pour le titre de son film, lui offrant la mélodie adéquate en évoquant avec tendresse et douceur la mélancolie des amours passés.

La défense d’Henri Langlois

Le tournage de Baisers Volés se déroulera parallèlement à ce qui deviendra « l’affaire Langlois ». En cette année 1968, le créateur et administrateur de la Cinémathèque Française Henri Langlois est limogé par André Malraux, le ministre de la Culture de l’époque, après 10 ans d’administration du lieu. Globalement, Malraux reproche à Langlois son manque de sérieux dans la gestion de la Cinémathèque malgré les donations de l’État.

François Truffaut prend alors la tête d’un comité de soutien en faveur de Langlois dès le mois de février 68. L’affaire fait grand bruit et plusieurs cinéastes internationaux d’envergure – Chaplin, Orson Welles… – rejoignent le mouvement, amenant Malraux à revenir sur sa décision en avril de la même année. Henri Langlois reprendra la direction de la Cinémathèque et suggérera à Truffaut de poursuivre les (més)aventures d’Antoine Doinel.

Le metteur-en-scène fera une évidente référence à cet évènement en démarrant BAISERS VOLÉS par un plan des portes fermées de la Cinémathèque, comme un ultime rappel du contexte du tournage.

Que reste-t-il d’Antoine Doinel ?

Truffaut suivra les conseils d’Henri Langlois et ajoutera 2 autres chapitres à sa saga Doinel, avec DOMICILE CONJUGAL en 1970 et L’AMOUR EN FUITE en 1978 qui restera l’ultime volet consacré à son personnage fétiche. Il enchaînera, entre ces deux opus, plusieurs films, dont LA NUIT AMÉRICAINE ou L’HOMME QUI AIMAIT LES FEMMES, rencontrant divers succès avant de connaître la consécration critique et publique avec LE DERNIER MÉTRO en 1980.

On ne peut résumer la filmographie de François Truffaut au parcours sentimental d’Antoine Doinel. Mais cette série attachante et si personnelle dans la vie du cinéaste, malgré ses dires, demeure encore aujourd’hui l’une de ses plus belles réussites. L’analyse si fine du tourbillon de la vie, cette manière à la fois distanciée et impliquée de suivre un personnage de fiction qui nous devient si familier, ce casting si évident… que reste-t-il aujourd’hui d’Antoine Doinel ?

4 films et un court-métrage plus tard, on peut se demander ce qu’est devenu ce double de Truffaut. S’est-il finalement remarié ? Qu’est devenu son fils Alphonse ? Est-il resté cet éternel amoureux insatisfait, semblant vivre une fuite perpétuelle ? Antoine Doinel vit peut-être près de chez vous sans que vous ne l’ayez remarqué. Si vous le croisez à l’occasion et entamez la conversation, ne lui offrez pas de Kleenex. Il ne se mouche jamais dans du papier !

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Extrait

Bonus

BAISERS VOLÉS en affiches, autour du monde…

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