Redites, lieux communs, déjà-vu… donnez-leur le nom que vous voulez, vous n’empêcherez pas les clichés de proliférer sur l’écran. Largement diffusés par le cinéma occidental – Hollywood en tête – ces idées toutes faîtes sur nos comportements et habitudes sont devenues avec le temps des illustrations faciles pour scénaristes et cinéastes trop pressés ou en manque d’idées neuves.
Flingues auto-rechargeables, voitures qu’on ne ferme jamais à clé, lumières bleutées et saxo de rigueur pour les scènes d’amour… Si certains clichés au cinéma ont progressivement disparu avec le temps, d’autres sont apparus, confirmant leur ténacité. Petit panorama non exhaustif des stéréotypes du 7ème art.
Un dernier mot avant de mourir
S’il est un cliché qui n’est pas prêt de disparaître, c’est bien celui des « dernières paroles avant de rendre l’âme ». Mais si voyons, vous savez bien, ce poncif qui consiste à faire parler un(e) mourant(e) juste avant qu’il ou elle ne trépasse. Un couteau dans le ventre, une balle près du cœur, une poutrelle d’acier au milieu de la tronche n’empêcheront jamais cette victime de dire au héros ou à l’héroïne qu’il ou elle l’aimait, qu’il ou elle ne l’oubliera jamais et que le gaz est resté allumé dans la cuisine de l’appartement.
Le filet de sang au coin de la bouche, la respiration entrecoupée de hockeys, c’est une scène poignante et tire-larmes qui, au mieux, peut émouvoir comme elle peut irriter si elle est mal interprétée. Demandez donc à Marion Cotillard ce qu’elle en pense…
Jambes épilées, dents éclatantes et muscles d’acier
Bien sûr, le cinéma, ça n’est pas la réalité. C’est une évidence mais il est quand même bon de rappeler que le 7ème art est un divertissement avant tout et, qu’entre deux films dépressifs des frères Dardenne et une prise de choux de Michael Hanneke, il n’y a pas de mal à s’évader en allant au ciné. Ainsi, sur grand écran, les hommes ont des abdos en béton, les femmes sont fraîchement épilées et les dents blanches sont de rigueur
Pas très glamour il est vrai de nous présenter des héroïnes aux pattes de mygales, des héros au ventre flasque comme de la gelée et des sourires moisis par des feuilles de salade disgracieuses. Mais il faut bien reconnaître que l’on s’éloigne tout de même de la réalité. Vous aurez beau prendre soin de vous, vous inscrire à la salle de sport la plus proche, courir chaque matin en faisant dégouliner la bouteille d’eau de votre bouche pour avoir l’air plus sexy et vous faire des bains de bouche au white spirit, les alléas du quotidien vous rattraperont au détour d’une rue, un jour ou l’autre. Le « zéro défaut », c’est un cliché de cinéma, qu’on se le dise…

Tirez, chargez, jetez !
Longtemps sur grand écran, les échanges de coups de feu ont paru éternels. Entre cow-boys et indiens, flics et gangsters ou voisins vénères, l’arme automatique qui « se recharge toute seule comme une grande » fut un cliché qui ne dérangea personne avant que la brutalité réelle des informations et des riantes nouvelles du monde ne rendent ces séquences irréalistes.
Aujourd’hui, au cinéma, on se tire dessus sans oublier de recharger son flingue, si possible dans le feu de l’action pour se donner un genre, histoire d’apporter un minimum de crédibilité, tout en effectuant un triple salto arrière au ralenti !
Mais ce que je ne m’explique toujours pas, c’est le jeter d’arme à la face de l’ennemi quand il n’y a plus de munitions. Dans un moment de surprise et de déception mêlé, le héros ou l’héroïne découvre qu’il est désarmé. Et dans un mouvement de colère, il ou elle jette son arme en direction de l’ennemi. Qu’est-ce que ce geste inutile, mais encore de rigueur, est censé lui apporter ? Est-ce une façon de s’alléger avant d’entamer un sprint salvateur ? Une manière de viser la tête de l’adversaire pour tenter de l’assommer ? Tout au plus, il ou elle parviendra à faire comprendre à l’autre qu’il ou elle est désarmé(e). Ce qui s’avère plutôt fâcheux. Et franchement ridicule. Mais toujours en usage dans les films d’action.
Le bon copain, la bonne copine (Faire-valoir: part 1)
Au cinéma, quel que soit le film, il est nécessaire d’attribuer un ou une faire-valoir au héros ou à l’héroïne. Qu’il s’agisse d’un détective privé, d’un écrivain en panne d’inspiration, d’une jeune mère célibataire en mal d’amour ou d’un soldat plongé dans l’enfer de la guerre, le bon copain ou la bonne copine est toujours là pour jouer les faire-valoirs de service.
Souvent pénalisé(e) par un esprit bas de plafond et un physique ingrat, bon copain ou bonne copine, frère ou sœur ou collègue de bureau collant(e), il ou elle sera toujours là pour réconforter le héros ou l’héroïne de ses idées fortes sur le sens de la vie et sur la manière de pêcho en boite de nuit. Certains acteurs et actrices sont abonnés à vie à ce genre de rôles. Délit de sale gueule ou manque d’originalité des directeurs/trices de casting, on est sûr à 99% de les retrouver en faire-valoirs attitrés de service. Audrey Lamy par exemple, fille naturelle de Marie-Anne Chazel et d’un perroquet hystérique, en est l’exemple type.

Le geek à tout-faire (Faire-valoir: part 2)
Avec l’intrusion de l’ordinateur domestique dans les années 80 puis d’internet dans les années 2000, le geek est devenu l’un des nouveaux héros du monde moderne. Effleurant son clavier à la vitesse de l’éclair, il ou elle est aujourd’hui le lieu commun évident du scénariste fatigué qui ne sait plus comment faire avancer une enquête policière ou une recherche historique dans le cadre de fouilles archéologiques, ou de dégotter LA rencontre idéale dans le parcours mouvementé d’un(e) célibataire en manque de plan-cul.
Notre monde merveilleux biberonné à Facebook, Twitter et Instagram ne saurait faire sans cet(te) indispensable faire-valoir qui, en quelques clics, trouve tout et n’importe quoi du moment qu’il ou elle tape sur son clavier et devient le numéro 1 car, dans son île, on est fou comme on est informaticien. D’ailleurs, vous n’avez jamais remarqué qu’il ou elle est souvent filmé(e) de face quand il part en recherche sur la toile ou qu’il ou elle créée une formule express pour sauver le monde. Ben oui, filmé de dos, en principe, son écran afficherait « dazyergao!zrfyagozeyf ». Sans espace ni ponctuation.

Vous aimez les chiens ?
Dans la vie, plus on connait l’espèce humaine, plus on lui préfère l’espèce animale. Évidence un peu trop facile, je vous l’avoue, cette constatation est pourtant confirmée par un cliché tenace au cinéma : dans un film, si on peut « éliminer » des centaines de personnes, il ne faut pas toucher aux chiens ! Prenez le délicat INDEPENDANCE DAY de Roland Emmerich, par exemple.
Lorsque les immenses soucoupes extraterrestres s’attaquent à la Terre à coup de rayons cosmiques ravageurs, un brave toutou réussit in extremis à se sortir d’un tunnel en feu… parce que les scénaristes l’ont voulu ainsi ! Imaginez, ne serait-ce qu’une minute, le chien balayé par la pulvérisation destructrice des méchants aliens et ça aurait été toutes les ligues de défense des canidés du monde qui se seraient acharnées contre la production du film. Même dans MAN OF STEEL, le père adoptif de Clark Kent se sacrifie pour sauver son chien, menacé par une violente tornade. C’est ainsi et ça n’est pas près de changer. Au cinéma, quel que soit le danger, les chiens s’en sortent toujours parce que personne ne veut les voir disparaître. Pour les humains, en fait, on s’en fout un peu.

Un petit « jump scare » pour la route
Qu’il s’agisse de rire, pleurer ou réfléchir, un film réussi doit, en principe, vous procurer des émotions inattendus (ou presque). Vous plonger dans un récit au point d’en oublier vos problèmes personnels et la grisaille du quotidien. Comme certains d’entre nous aiment ces immenses attractions de foire qui les font hurler de terreur en les secouant dans tous les sens, il y a un public pour la peur au cinéma.
Mais à côté de l’angoisse qui se distille tel un goutte-à-goutte, ces petits sursauts nommés « jump scare » vont procurer une réaction subite et efficace à l’aide de procédés pourtant éculés : chat qui sort brusquement d’une cachette, sonnerie de téléphone qui brise le silence, porte qui claque sans crier gare, ennemi du héros que l’on croyait mort mais qui n’était que blessé et qui surgit comme un diable monté sur ressorts… les « jump scare », usés jusqu’à la corde, ont encore de beaux jours devant eux. Et rien de tel que des méthodes extrêmes pour les provoquer : sur le tournage de L’EXORCISTE, le réalisateur William Friedkin s’amusait à tirer des coups de feu pour provoquer, chez les acteurs, les plus réalistes des « jump scare » !
Attention, la vidéo ci-dessous n’est pas conseillée aux âmes sensibles !!
Le flingue dans le froc
Ultime extension de la bistouquette du mec qui en a dans le slip, le flingue coincé dans le pantalon fait partie intégrante du film d’action virile. L’image du héros « p’tite tronche, gros bras » qui range tranquillement son Beretta ou son Colt 45 dans son froc, sans avoir peur que le coup ne parte tout seul et le transforme en castra moderne semble attachée aux années 80.
Sans avoir vérifier s’il existait des antécédents dans l’histoire du cinéma, on peut sans peine imaginer que nombre de cow-boys solitaires portaient leurs six-coups, à la sauvage dans des westerns des années 50 et 60. Mais les films d’action des 80’s ont engendré des héros décomplexés et fiers de porter leurs armes comme s’ils exhibaient leurs parties génitales. Comme une façon délicate de toiser le public en disant : « T’as vu, j’ai un gros flingue… ». De quoi distiller un parfum d’angoisse bien compréhensible, surtout si la sécurité de l’arme n’est pas ajustée. C’est vrai quoi, les héros ne sont pas à l’abris d’un coup trop vite tiré…

L’ordi-miracle
Lié au faire-valoir geek (voir plus haut), l’ordi-miracle est devenu, depuis une vingtaine d’années, l’outil indispensable pour faire avancer une enquête policière en quelques minutes, voire quelques secondes. Générant de nombreuses séries télé ou des bandes d’experts, venus de tous les horizons, résolvent des enquêtes complexes en 45 minutes chrono (sans les coupures pubs), l’usage du computer avec écrans géant – histoire que tout le monde suive bien le déroulement de l’intrigue – s’est également imposé comme un élément indispensable du thriller moderne au cinéma.
Bienvenue dans l’air Wikipedia ! Quand le héros piétine dans sa recherche ou dans son enquête, quelques clics-miracles lui permettent de retrouver le médaillon perdue, de décrypter des textes anciens, de résoudre un crime ou de commander une pizza sans anchois. Il faut vivre avec son temps, me direz-vous. En attendant, l’ordinateur au cinéma, grand sauveur de notre époque connectée, doit faire sourire ou rire jaune plus d’un informaticien.

Sexisme tenace
Le cinéma d’aujourd’hui est-il encore sexiste ? Bien sûr que oui. En 2017, la femme reste un objet de plaisir (des yeux) régulièrement exploitée dans des scènes purement gratuites. Le cinéma hexagonal, par exemple, souvent considéré dans le monde comme l’un des plus exigeants en terme de créations artistiques, n’est pas le dernier à faire défiler nues ses jeunes actrices en quête de reconnaissance.
Pas de bigotterie ou d’hypocrisie dans mes propos, je vous l’assure. Une simple constatation. Combien de jeunes héroïnes de films en sont encore réduites à faire au moins une scène de « full frontal » pour aller chercher un fruit dans le bas du frigo ? Bien qu’il y ait de plus en plus de rôles forts pour les femmes, tant en France qu’ailleurs, le cinéma ne s’est pas débarrassé d’une forte dose de sexisme rance et souvent inutile. Quand le cliché est tenace et puérile…

Paris sera toujours Paris
Voir danser Gene Kelly dans UN AMÉRICAIN À PARIS, c’est faire un bon dans le temps au grès d’une comédie musicale fantaisiste. Le réalisme n’était pas de mise et l’idée, à l’époque, consistait avant tout à faire voyager le public. Pourtant, aujourd’hui encore, les clichés concernant la capitale de notre riante contrée sont toujours de mise dans le cinéma hollywoodien.
Des films comme FRANTIC ont fait évoluer cette image kitsch et glamour d’un Paris capitale des bouquinistes, du romantisme et des amoureux. Mais des cinéastes, comme Woody Allen dans MINUIT À PARIS ou Jonathan Demme avec LA VÉRITÉ SUR CHARLIE, véhiculent toujours cette vision désuète d’une capitale française irrésistible. Certes, le but n’est pas d’offrir aux spectateurs un énième reportage cru et réaliste digne d' »Enquêtes Exclusives ». Mais cette manière dépassée de présenter Paris, capitale du bon-vivre, de la baguette-pinard-calendos et de l’amour peut aussi provoquer une véritable lassitude, voire un agacement certain.

Attention ! Y’a du danger !!
Je pourrais encore énumérer de nombreux clichés. Mais puisqu’il faut bien clore cette petite liste non exhaustive, voici l’un des clichés les plus usités du 7ème art en terme d’illustration sonore : la BO « Attention! Y’a du danger!! ».
Je suis persuadé que vous voyez ce que je veux dire. Cette musique de film tendue comme une corde à linge, à la fois stressante mais idéale pour soutenir une course-poursuite, le compteur d’une bombe que le héros ou l’héroïne tente de désamorcer, un avion que les personnages principaux essaient désespérément de faire atterrir ou ces plongeurs encerclés par des requins voraces qui ont regardé JAWS en boucle histoire de se faire les crocs.
Si cette interprétation musicale de ce qui se passe à l’écran est parfois redondante, elle ajoute pourtant une dose supplémentaire non négligeable d’adrénaline. Certains compositeurs sont passés maître dans l’art de la musique « Attention! Y’a du danger!! » comme le regretté James Horner. Un exemple ? Sa BO pour le ALIENS de James Cameron est devenue, depuis 30 ans, une véritable référence en matière de musique de film idéale pour vous secouer le palpitant dans tous les sens. Souvent copiée – et utilisée depuis dans de nombreuses bandes-annonces – mais jamais égalée.
j’aime me promener sur votre blog. un bel univers. intéressant. vous pouvez visiter mon blog (cliquez sur pseudo) à bientôt.
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hi hi pour le cliché physiques de rêve et jump scare on n’en a jamais assez, on va au cinéma pour rêver et sortir de la réalité !
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Bien sûr ! Après, l’idée est ici de s’amuser de tous ces clichés., rien de plus 😉
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Le premier paragraphe n’est même pas encore fini, que déjà, je suis me suis abonné 🙂 Très belle plume et beau résumé des GROS clichés du cinéma.
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Merci beaucoup !
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