Suite et fin de ces incontournables du Western (cliquez ici pour les Incontournables #1), à voir au moins une fois dans sa vie et, si possible, sur grand écran.
Encore une fois, la liste serait bien longue si il ne s’agissait avant tout d’une sélection non exhaustive. Comme pour la première partie, il a fallu faire des choix – mes choix – pour constituer ce qui semblait être le plus représentatif du genre et de son évolution.
Il apparaît qu’au delà des « déformations » du genre occasionnées par le Western Spaghettis, l’Ouest mythique des années 50/60 prend un virage plus sombre et sans concessions, proche des troubles traversés par l’Amérique en ce début des années 70 que d’une image rêvée de la Conquête de l’Ouest.
SOLDAT BLEU (1970) de Ralph Nelson
Vers la fin du XIXème siècle, un régiment de l’armée américaine est massacré par des Cheyennes. Seuls survivants, un jeune soldat inexpérimenté (Peter Strauss) et une femme (Candice Bergen), anciennement enlevée et rescapée des Cheyennes, vont devoir traverser des territoires hostiles pour survivre…
Poursuivant la démysthification du Far-West « romantique » entamée avec LITTLE BIG MAN la même année, SOLDAT BLEU – faisant autant référence à la couleur de la tunique du soldat en question qu’à son inexpérience – s’est forgé une réputation de western brutale mais réaliste.
Jouant dès le départ sur le cliché du mauvais indien pour mieux nous faire comprendre, jusqu’au final cauchemardesque, la cruauté et la bestialité des blancs, le film de Ralph Nelson fait un parallèle évident avec la Guerre du Vietnam dans laquelle s’enlisait à l’époque les États-Unis.
L’armée américaine y est présentée dans toute sa sauvagerie et son absurdité. Loin d’une attaque sans fondements, le récit de SOLDAT BLEU s’inspire hélas du véritable massacre de Sand Creek en 1864 où plusieurs centaines de soldats du Colorado déchainèrent leur violence sur une tribu indienne, femmes et enfants compris.
Remonté pour ne pas être classé X, le western de Ralph Nelson se vit octroyé d’une interdiction au moins de 13 ans en France. Malgré son âpreté, il reste un film nécessaire et une œuvre importante dans la défense de la cause amérindienne.
L’HOMME DES HAUTES PLAINES (1973) de Clint Eastwood
Comme venu de nulle part, un étranger (Clint Eastwood) débarque dans la ville de Lago. Se débarassant seul d’une bande de hors-la-loi qui le provoquaient, il impressionne les habitants de la petite communautée, terrorisés par l’arrivée prochaine de 3 repris de justice revenus pour se venger…
Premier western réalisé par Clint Eastwood, L’HOMME DES HAUTES PLAINES s’imprègne d’une tonalité étrange et fantastique dès son introduction. Creusant la notion d’ « homme de nulle part » entamée chez Sergio Leone pour la pousser jusqu’à l’extrême, l’acteur cinéaste incarne ici un véritable « ange » exterminateur et vengeur.
Évoluant progressivement dans un environnement évocateur – la ville repeinte en rouge et renommée « Hell » par exemple – L’HOMME DES HAUTES PLAINES s’impose certainement comme le 1er western fantastique du genre.
Petit conseil : si vous n’avez jamais vu le film ou si vous souhaitez le redécouvrir, optez sans hésiter pour la version originale. Ça n’a rien à voir avec une quelconque lubie intello… mais tout simplement parce que la version française est une véritable trahison !
Ne serait-ce que le titre d’origine, bien plus évocateur (HIGH PLAIN DRIFTER fait référence au « passeur » de l’au-delà…) que le titre français. Mais la bêtise se trouve dans la « réinterprétation » stupide des dialogues. Probablement déconcertés par l’ambiance et les références fantastiques du film, les auteurs de la VF ont complètement dénaturé l’œuvre originale.
Ainsi, dans la VF, lorsqu’un des protagonistes, se recueillant devant la tombe du shériff de Lago lynché des années auparavant sans aucune aide des habitants, s’adresse au personnage d’Eastwood pour lui demander : « Qui es-tu ? », celui-ci tourne la tête vers la sépulture et répond avec un mystérieux sourire : « C’était mon frère ».
Dans la VO, même sourire mystérieux d’Eastwood, même hochement de tête vers la tombe mais réponse nettement plus étrange : « Tu le sais bien… ». On s’en doutait un peu mais la réplique glaçante donne à réfléchir.
MON NOM EST PERSONNE (1973) de Tonino Valerii
L’année 1899 marque la fin de la Conquête de l’Ouest et la retraite du pistolero Jack Beauregard (Henry Fonda). Véritable légende vivante, Beauregard n’aspire qu’à se retirer en Europe après avoir venger son frère. Mais un jeune as de la gâchette du nom de « Personne » (Terence Hill), fasciné par le vieux cow-boy, veut le voir partir en beauté…
Entamée avec POUR UNE POIGNÉE DE DOLLARS de Sergio Leone en 1964, la vague triomphale venant d’Italie a bouleversé les codes établis du Western. Devenu « Spaghettis » quand il vient de Cineccita, « Choucroute » pour les productions allemandes comme la série des WINNETOU d’après Karl May, « Paëlla » quand il vient d’Espagne ou même « Camembert » lorsqu’il s’agit d’une production hexagonale (UNE CORDE, UN COLT de Robert Hossein, par exemple…), le Western, en perte de vitesse à Hollywood, rebondit en Europe avec plus ou moins de bonheur.
Lorsqu’il n’offre pas des chefs d’œuvre comme IL ÉTAIT UNE FOIS DANS L’OUEST, le Western Spaghettis prend une tonalité hautement parodique, pour ne pas dire burlesque. Représentants cultes de cette orientation, le duo Terence Hill / Bud Spencer enchaîne les succès commerciaux et les baffes sonores dans des productions potaches, destinées à des fans peu exigeants mais nombreux.
MON NOM EST PERSONNE sort de ce contexte pour s’imposer, avec le recul, comme le carrefour du Western traditionnel, du Western Spaghettis et de sa veine humoristique. Une sorte d’hommage ultime à un genre, toutes tendances confondues, que certains jugent à tort dépassé.
Le film est donc l’occasion d’un face-à-face symbolique et d’anthologique entre la « vieille garde », représentée par la légende Henry Fonda, et la « relève » incarnée par le chien fou Terence Hill. Mais au delà de l’aspect comique et de son ambiance digne d’un album de Lucky Luke, MON NOM EST PERSONNE a tout d’un western ambitieux, magnifiquement filmé, bénéficiant de superbes décors et d’une belle reconstitution d’époque.
Drôle et spectaculaire, soutenu par une BO étonnante d’Ennio Morricone entre auto-parodie et lyrisme, le film de Tonino Valerii (aidé secrètement par son producteur Sergio Leone) dégage aussi une grande bouffée de nostalgie et d’émotion que l’on découvre avec le recul des années. Une œuvre à part mais essentielle dans l’histoire du western.
LE DERNIER DES GÉANTS (1976) de Don Siegel
J.B. Books (John Wayne), une légende du Far-West, découvre qu’il est atteint d’un mal incurable. Contre les recommandations d’un ami médecin (James Stewart), il choisit de finir ses jours l’arme à la main…
Véritable chant du cygne au propre comme au figuré, LE DERNIER DES GÉANTS (THE SHOOTIST en VO, soit LE TIREUR / LE FLINGUEUR) est l’ultime film de John Wayne. Déjà rongé par le cancer, l’acteur s’offrait un dernier galop avec cet émouvant western signé Don Siegel (L’INSPECTEUR HARRY, LES PROIES…).
Revenant volontairement à un traitement classique et s’éloignant du western spaghettis, LE DERNIER DES GÉANTS n’a pourtant rien à voir avec les films manichéens des années 50/60. On ne parlait pas encore d’œuvres crépusculaires à cette époque, comme on l’évoquera plus tard avec IMPITOYABLE de Clint Eastwood. Et pourtant, ce western a tout d’un film « testament ».
Quelques années auparavant, dans LES COW-BOYS de Mark Rydell, John Wayne n’hésitait pas à prendre des risques – en termes d’image, bien sûr – en incarnant un vieux propriétaire terrien abattu dans le dos avant la fin du film, comme une façon de jouer avec ce qu’il représenta au cinéma durant toute sa carrière.
Autour du « Duke » (le surnom donné à John Wayne), LE DERNIER DES GÉANTS est l’occasion d’apprécier un très beau casting : Lauren Bacall, James Stewart (qui avait déjà partagé l’affiche avec Wayne dans L’HOMME QUI TUA LIBERTY VALENCE) et le tout jeune Ron Howard, sorti des succès de HAPPY DAYS à la télé et d’AMERICAN GRAFFITI au cinéma et bien avant sa carrière de réalisateur.
Avec les années, ce western de Don Siegel est devenu un « classique » un peu malgré lui. Mais très certainement un bel adieu pour une icônr du western.
LA PORTE DU PARADIS (1980) de Michael Cimino
Entre les années 1870 et 1900, le destin deplusieurs personnages dont deux amis issus d’Harvard, James Averill (Kris Kristofferson) et William Irvine (John Hurt), et l’évocation d’une page sombre de la conquêtede l’Ouest : la guerre du Comté de Johnson, conflit brutal entre riches proprétaires terriens et pauvres éleveurs venus d’Europe de l’Est…
Plus qu’un western, LA PORTE DU PARADIS est une fresque considérée 38 ans après sa sortie comme l’un des plus grands chefs d’œuvres du cinéma… et comme l’un des échecs les plus cuisants du 7ème art, marquant la ruine des studios United Artists, la fin de carrière de Michael Cimino et l’effondrement du Nouvel Hollywood.
Lorsque la production du film démarre à la fin des années 70, Cimino sort à peine du triomphe critique et commercial de VOYAGE AU BOUT DE L’ENFER, son deuxième long-métrage après LE CANARDEUR avec Clint Eastwood et son travail de scénariste sur SILENT RUNNING de Douglas Trumbull et MAGNUM FORCE de Ted Post.
Les studios United Artists ont alors pleine confiance en Michael Cimino. Ils lui donnent carte blanche et le dotent d’une phénoménale distribution : Kris Kristofferson, Isabelle Huppert, Christopher Walkn, John Hurt, Jeff Bridges, Brad Dourif, Sam Waterston, Joseph Cotten… Méticuleux à l’extrême, le cinéaste ne tourne que quelques minutes par jour, entraînant le budget prévisionnel de 7 millions de dollars vers un coût total de 44 millions de dollars !
À sa sortie fin 1980, le film de plus de 3h n’attire pas les foules. La distribution est annulée et Cimino se voit octroyer le droit d’en réaliser un nouveau montage de 2h30 pour une version internationale. Mais la critique est assassine vis-à-vis du film et le public ne suit toujours pas, malgré d’autres montages effectuées et une présentation au Festival de Cannes en 1981. Doit-on en conclure que l’Amérique rejette cette époque peu glorieuse de son passé ? C’est bien possible…
Mis sur la touche, Cimino devra attendre 5 ans avant de revenir sur le devant de la scène avec L’ANNÉE DU DRAGON. Mais le mal est fait. L’échec de LA PORTE DU PARADIS entraînera une véritable méfiance vis-à-vis du genre western et la fin du Nouvel Hollywood, donnant les pleins pouvoirs aux réalisateurs, pour un retour des studios tout puissants. Entretemps, le film a été réévalué. Une version Director’s Cut sera proposée en 2012, 4 ans avant la disparition du cinéaste.
SILVERADO (1985) de Lawrence Kasdan
À la fin du XIXème siècle dans la ville de Silverado, 4 hommes venus d’horizons divers (Scott Glenn, Kevin Kline, Danny Glover et Kevin Costner) s’unissent contre un riche propriétaire terrien et un shérif véreux (Brian Dennehy)…
Scénariste réputé (L’EMPIRE CONTRE-ATTAQUE, LES AVENTURIERS DE L’ARCHE PERDUE…), Lawrence Kasdan est aussi un cinéphile nostalgique d’un cinéma disparu. En 1981, il passe à la réalisation avec le film noir LA FIÈVRE AU CORPS et enchaîne 2 ans plus tard avec le film culte LES COPAINS D’ABORD / THE BIG CHILL à la distribution prestigieuse.
Au milieu des années 80, alors que plus personne ne veut entendre parler du western après l’échec de LA PORTE DU PARADIS, Kasdan entame le tournage de SILVERADO qu’il voit comme un retour aux classiques des années 50/60 avec une tonalité moderne. Le nom même du film se veut un clin d’œil aux œuvres phares du genre (RIO BRAVO, EL DORADO…).
À nouveau, le réalisateur soigne la distribution de son film, reprenant plusieurs de ses acteurs fétiches : Scott Glenn (L’ÉTOFFE DES HÉROS, LA FORTERESSE NOIRE…), Kevin Kline, Danny Glover, Kevin Costner dans un de ses premiers rôles marquants, Rosanna Arquette, Linda Hunt, Brian Dennehy, Jeff Goldblum, John Cleese…
L’histoire du film se veut volontairement classique et SILVERADO enchaîne les moments clés du western jusqu’au duel final dans la grande allée principale. Mais le public ne suit pas vraiment, permettant au film de rentrer à peine dans ses frais. Avec le recul, SILVERADO a pris une belle patine, devenant lui-même un classique et une belle déclaration d’amour au western.
DANSE AVEC LES LOUPS (1990) de Kevin Costner
Rescapé de la Guerre de Sécession, le Major Dunbar (Kevin Costner) demande à être muté sur la Frontière, près de terres appartenants aux Indiens. Il rencontre le peuple Sioux avec il qui il fraternise au point d’adopterleur mode de vie…
À l’origine de DANSE AVEC LES LOUPS, il y a un scénario écrit au début des années 80 par l’auteur américain Michael Blake, publié sous la forme d’un roman en 1988. L’acteur Kevin Costner est encore au début de sa carrière lorsqu’il achète les droits d’adaptation du livre au cinéma et se lance dans sa première réalisation.
S’impliquant entièrement dans ce projet risqué, Costner ira jusqu’à payer de sa poche pour que le film se monte. Il faut préciser que, face à ses exigences, les studios se montrent frileux. L’acteur-réalisateur exige que DANSE AVEC LES LOUPS soit en majeur partie parlé en Lakota, la langue des Sioux, et soit interprété par de véritables Amérindiens. Pour lui, le film doit rendre hommage au véritable peuple d’Amérique.
Tourné dans les décors naturels du Dakota du Sud et du Wyoming, DANSE AVEC LES LOUPS revient aux fondamentaux du western ample, tout à la fois spectaculaire et intimiste. Très respectueux du peuple Amérindien qu’il magnifie face aux blancs présentés dans leur globalité comme des rustres violents, le film va connaître,contre toute attente, un accueil public triomphale aux États-Unis comme partout dans le monde.
Sublimé par la superbe BO de John Barry, DANSE AVEC LES LOUPS récoltera 7 Oscars, 3 Golden Globes et un Ours d’Argent amplement mérités. Si la critique lui reproche quelque peu son manichéisme, le film de Kevin Costner délivre un message humaniste et écologique qui touchera tous les publics, amoureux du westen ou non.
Marquant une nouvelle étape du western et son retour en grâce après une décennie frileuse à son égard, DANSE AVEC LES LOUPS lancera pleinement la carrière de Kevin Costner et lui permettra ensuite de financer 500 NATIONS, une série tv documentaire revenant en détails sur les peuples Amérindiens.
IMPITOYABLE (1992) de Clint Eastwood
Après que l’une d’entre elles ait été sauvagement agressée et défigurée par un de ses clients, les prostituées d’une petite bourgade de l’Ouest décident de se venger et offrent une récompensent pour abattre le coupable. Retiré de son passé de tueur implacable mais endetté, William Munny (Clint Eastwood) va reprendre les armes…
16 ans après le superbe JOSEY WALES HORS-LA-LOIS et 7 ans après PALE RIDER, beau western teinté de fantastique, Clint Eastwood revient au genre qui le révéla avec IMPITOYABLE (UNFORGIVEN / IMPARDONNABLE en VO), œuvre crépusculaire que certains n’hésitèrent pas à qualifier d’ultime western.
Chef d’œuvre sombre et aride, IMPITOYABLE est basé sur un scénario de David Webb Peoples, auteur entre autres des récits de BLADE RUNNER et L’ARMÉE DES 12 SINGES. Loin des images d’Épinale et du mythe des grands espaces de l’Ouest, IMPITOYABLE propose une vision réaliste et violente du passé de l’Amérique.
Ici, le shérif raciste ne vaut pas mieux que les malfrats qu’il abat dans le dos, les crimes contre les femmes sont à peine punis et les « légendes » de l’Ouest sont avant tout des monstres cruels. Eastwood semble régler ses comptes avec la vision idyllique du western et avec sa propre image de « gâchette » inflexible du cinéma.
Son personnage est un vieil homme fatigué, grippé au moindre coup de froid et incapable de subvenir aux besoins de ses enfants après la mort de sa femme. Loin du tueur légendaire que tout le monde imagine, Munny est un alcoolique par nécessité, la bouteille lui donnant le courage d’affronter ses ennemis et ses démons intérieurs.
À sa sortie, IMPITOYABLE va connaître un véritable triomphe critique et commercial, récoltant, entre autres, 4 Oscars en 1993 et se plaçant rapidement parmi les plus grands westerns de l’histoire du 7ème art. En hommage à ses mentors, Eastwood dédicacera son film « à Sergio (Leone) et Don (Siegel) ».
L’année 1992 ne marqua pas la fin du western et, à la suite d’IMPITOYABLE, d’autres œuvres plus ou moins marquantes continuèrent d’alimenter le genre : MORT OU VIF, YOUNG GUNS, WYATT EARP, TRUE GRIT, APALOOSA, BLACKTHORNE, THE HOMESMAN ou le récent HOSTILES…
S’adaptant aux époques qu’il traverse et les reflétant, le Western se présente comme un véritable miroir de notre société actuelle, au delà du souffle épique et du dépaysement proposés.
Lié au cinéma depuis ses origines, il continue de nous émerveiller, de nous horrifier et de nous offrir une fenêtre grande ouverte sur l’évasion et la réflexion.
J’aime bien les films Westerns et j’en recherchais à visionner, quand je suis tombée sur cet article. J’ai déjà regardé certains qui se trouvent sur ta liste, mais pour la plupart, ce n’est pas le cas.
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Ça n’est qu’une liste non exhaustive. Il y a matière à faire un blog entièrement consacré aux westerns tant le 7ème art regorge de pépites 😉
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