3 nombres dans le désordre, histoire de vous interpeller. Derrière ce curieux tiercé gagnant se cache le chef d’œuvre de Stanley Kubrick (à mes yeux), l’âge du film qui fête – tout comme moi – son demi-siècle et mon âge lorsque je l’ai découvert pour la première fois, à 10 ans donc.
Alors qu’une version restaurée tirée du négatif 70mm d’origine est diffusée actuellement dans quelques salles, je n’ai pas voulu aborder 2001 : L’ODYSSÉE DE L’ESPACE d’une façon classique mais par l’angle du souvenir. L’impact qu’il eut sur le (très) jeune cinéphile que j’étais et qu’il continue d’avoir.
Film fascinant pour les uns ou repoussant pour les autres. Mystère insondable, pépite inégalable et glaçante mais œuvre culte. Une ultime expérience qui ne laisse personne indifférent.
Frontière de l’infini
En 1978, LA GUERRE DES ÉTOILES (Star Wars episode IV pour les plus jeunes…) avait ramené le space-opera sur le devant de la scène et l’engouement pour la science-fiction repartait de plus belle. Une ressortie de 2001 : L’ODYSSÉE DE L’ESPACE de Stanley Kubrick, film dont je n’avais jamais entendu parler, était programmée dans une salle de cinéma de Lille. Et mon frère ainé proposa de m’y emmener.
Après le western, la SF était devenue mon nouveau genre de prédilection au cinéma. Je refaisais les scènes les plus mémorables du film de Tonton Lucas avec mes figurines Kenner. Et tout ce qui promettait des épopées intergalactiques avait ma bénédiction. Sans avoir conscience de l’impact que le film de Stanley Kubrick aurait sur moi, j’acceptais avec joie l’invitation de mon frère, m’imaginant en secret de nouvelles batailles intersidérales et duels au sabre-laser. Naïf que j’étais…

L’ultime expérience
La découverte de 2001 à 10 ans ne fut pourtant pas une déception, loin de là. Malgré mon jeune âge, je fus réellement transporté et subjugué par la beauté du film, par cette immersion totale, sonore et visuelle, que le film produit encore 50 ans après sa première sortie.
Trop vite étiqueté comme un film de science-fiction, 2001 : L’ODYSSÉE DE L’ESPACE est une œuvre métaphysique et philosophique, demandant à ceux qui la découvrent une constante et complète implication comme peu de films ont l’occasion de produire. Une ultime expérience comme l’annonçait la campagne publicitaire de l’époque.
D’ailleurs, j’ai eu l’occasion de découvrir, des années plus tard, que cette appellation fut prise au pied de la lettre par une partie du public adolescent de l’époque, s’installant confortablement face à l’écran, équipée en “Marie-Jeanne”, attendant que Dave Bowman franchisse le passage de la Porte des Étoiles en fin de film pour vivre de façon plus intense cette « ultime expérience » !

Questions sans réponses
L’une des grandes forces de 2001 : L’ODYSSÉE DE L’ESPACE est qu’il continue d’intriguer 5 décennies plus tard. Loin d’un certain cinéma actuel où tout doit être clair et accessible dès les premières minutes, pour ne perdre aucun spectateur, le film de Kubrick est une source intarissable de questions sans réponses.
Que représente le mystérieux monolithe noir ? Qui se cache derrière cette forme à la fois simple et complexe, opaque et fascinante ? Une intelligence extra-terrestre ? Dieu ?

La réussite de 2001 : L’ODYSSÉE DE L’ESPACE n’est pas dans ses réponses mais dans les interprétations qu’il suscite. Chacun peut y aller de son propre avis, de ce qu’il perçoit selon ses croyances et sa sensibilité. De ce qu’il voit avec ses yeux, son cœur ou sa pensée.
Stanley Kubrick, en maître es cinéma, nous impose une vision… sans nous astreindre à aucune théorie ou aucune certitude. Libre à chaque spectateur de croire qu’il a saisi ce que le film lui offre. Et si, après tout, le film ne comportait aucun message mais tout simplement un voyage d’une infinie et contemplative beauté ?
Valse dans les étoiles
Impossible d’évoquer 2001 sans aborder sa bande originale, constituée d’extraits de musiques classiques. Une compilation indémodable et prenante, si pertinente que l’on pourrait croire que chaque morceau a été composé pour le film… alors que Kubrick a volontairement rythmé le montage de son œuvre en fonction des titres qu’il avait choisi !
À travers la musique, le cinéaste nous fait découvrir les premiers pas de l’Humanité, nous invite à une valse dans les étoiles entre un vaisseau de croisière et une station à la rondeur maternelle, et nous fait partager la solitude infinie des astronautes dans leur quête intersidérale.

Humain après tout
2001 : L’ODYSSÉE DE L’ESPACE est une façon d’aborder la place de l’Homme dans l’Univers. Qu’en serait-il de cette “humanité” qui nous caractérise, nous rend attachant et monstrueux à la fois, nous fait faire des erreurs et de grandes prouesses ?
À travers les personnages froids et impliqués de Franck Poole et Dave Bowman, les astronautes du vaisseau Discovery, Stanley Kubrick et Arthur C. Clarke – co-scénariste du film avec Kubrick et auteur du roman qu’il écrivit parallèlement – semblent nous dire que l’avenir de l’Homme passe immanquablement par une perte de toute émotion afin de rester en vie dans le vide de l’espace.

Paradoxalement à cette “déshumanisation volontaire”, Kubrick et Clarke font de HAL, le super ordinateur du Discovery, une créature inquiète, paranoïaque et fragile, dont l’instinct de survie poussera au crime. Le plus humain des trois pilotes du vaisseau n’est pas celui qu’on croit.
HAL, magnifiquement incarné par les voix de Douglas Rain pour la VO et François Chaumette pour la VF, devient probablement le personnage le plus “attachant” du récit puisque le plus “imparfait” malgré ce qu’il représente comme merveille technologique. Trop humain après tout…

…et au delà
2001 se conclut par une succession d’images fortes, amenant à bien d’autres questions. À travers le voyage de Dave Bowman à travers le monolithe noir, Kubrick nous offre une interprétation de l’ultime évolution de l’Homme, guidée par une intelligence supérieure jusqu’à une nouvelle étape de son parcours dans l’Univers.
Je me revois encore, à 10 ans, subjugué par le déluge d’images marquantes de la fin du film… mais réellement pris par un puissant mal de tête ! Impossible de retranscrire ce que je ressentais auprès de mon frère. J’étais marqué comme au fer rouge, fasciné et retourné.

Devenu l’un de mes films fétiches, un de mes films de chevet, 2001 : L’ODYSSÉE DE L’ESPACE est à mes yeux une énigme fascinante, ne nécessitant aucune explication mais amenant toujours, vision après vision, à de nouvelles questions.
Voyage hypnotique, le film de Stanley Kubrick est aussi un voyage personnel pour chaque spectateur qui le découvre ou le revoit régulièrement. Un chef d’œuvre intemporel, exigeant et mystérieux que l’on peut apprécier et appréhender à tout âge, pour ceux et celles que la beauté du parcours fascine plus que la destination.
2001 : L’ODYSSÉE DE L’ESPACE (1968) de Stanley Kubrick.
Avec Keir Dullea, Gary Lockwood, William Sylvester, Douglas Rain (voix de HAll 9000), Daniel Richter…
Scénario : Arthur C. Clarke et Stanley Kubrick. Et les extraits musicaux de Richard Strauss, Johann Strauss fils, György Ligeti et Aram Khatchaturian.
Crédits photos : © Metro-Goldwyn-Mayer, Warner Bros. et Turner Entertainment
Un film vraiment marquant :)!
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