Une « spéciale romantisme » pour cette 28ème chronique en mode expresso avec un navet hysterico-musicale, une romance touchante injustement boudée et une comédie sentimentale française réussie !
MAMMA MIA ! (2008) de Phyllida Lloyd
Donna (Meryl Streep) tient un hôtel sur une île greque paradisiaque. Sa fille Sophie (Amanda Seyfried) doit se marier et souhaiterait la présence de son père qu’elle ne connaît pas…
Il est des mystères insondables que la plus implacable des logiques ne peut résoudre. Prenez les ABBA par exemple (le groupe disco kitsch, pas les pièces de boucherie-charcuterie). Groupe 70’s aux compositions rythmées et efficacement écrites, leur succès, mérité sans doute, m’a toujours surpris, même si on a fait bien pire dans le genre.
Mais de là à en faire une comédie musicale sur les planches… et un film !? Michel Audiard disait, par le biais de Lino Ventura dans LES TONTONS FLINGUEURS : « Les cons, ça ose tout ». Et il avait raison, le bougre !
Mais dans le cas des producteurs de cette bouse colorée, ultra kitsch et hysterico-gnangnante, il faudrait plutôt évoquer l’appât évident du gain. MAMMA MIA ! est, à la base, un spectacle musical inspiré des hits du groupe ABBA. créé à la fin des années 90. Énorme succès international, il semblait évident – mais pas nécessaire – qu’une adaptation cinématographique débarque un jour au cinéma…
Bonbon ultra sucré, le film de Phyllida Lloyd est une insulte au bon goût dans lequel une belle brochette d’acteurs est venue s’engouffrer en toute connaissance de cause. Cherchant probablement à « étoffer sa palette de jeu » en abordant une comédie populaire, éloignée de l’étiquette intello-sérieuse qu’elle traîne depuis trop longtemps, Meryl Streep se trémousse dans une salopette en jeans tout en braillant toutes les 3 minutes pour clamer 1) sa joie 2) sa douleur 3) ses émotions 4) sa prochaine liste de courses.
Secondée dans ses efforts inutiles par une distribution d’acteurs compétents (Colin Firth, Pierce Brosnan, Stellan Skarsgärd…) mais venus payer leurs arriérés, l’actrice multi-oscarisée remue de la tête et des bras, cherchant surement à nous faire partager sa joie mais relançant le débat sur les méfaits des herbes de provence frelatés à haute dose.
Bordélique, hystérique et très rapidement insupportable, MAMMA MIA ! fait saigner des oreilles et des yeux pour qui a la nostalgie de SINGIN’ IN THE RAIN. Plus qu’un nanar, un navet qui a pourtant accouché d’une suite sortie cette année ! Les cons, ça ose vraiment tout.
DÉCALAGE HORAIRE (2002) de Danièle Thompson
Bloqués dans un aéroport à cause des grèves, Rose (Juliette Binoche), une esthéticienne chaleureuse et bavarde, et Félix (Jean Reno), chef cuisinier et homme d’affaires distant, sont forcés de cohabiter…
Certains échecs cinématographiques méritent parois une seconde chance. Mal accueilli par la critique et le public à sa sortie en sales, DÉCALAGE HORAIRE fait partie de ces œuvres injustement boudées malgré de belles intentions.
Avec en tête de distribution un duo d’acteurs inattendu – Juliette Binoche et Jean Reno – DÉCALAGE HORAIRE renoue avec l’improbable couple que tout oppose mais que tout va rapprocher. Elle, petite esthéticienne maquillée comme une voiture volée mais généreuse. Lui, cachant mal sa pudeur derrière un ton faussement méprisant.
Juliette Binoche est parfaite dans un rôle évoquant parfois la Holly Golightly de DIAMANTS SUR CANAPÉ. Jeune femme cachant sa solitude et son manque de chance derrière un débit de paroles ininterrompu et des éclats de rires désanchantés, l’actrice s’implique totalement dans son personnage.
Méconnaissable sous ses cheveux longs, amaigri et rajeuni, Jean Reno peine à convaincre dès ses premières scènes. Mais il parvient tout de même à rendre crédible son personnage de chef cuisinier devenu distant à force de ne plus profiter de la vie et de ses petits plaisirs.
Les deux acteurs sont la grande force de ce DÉCALAGE HORAIRE, classique mais attachant. L’étonnant couple qu’ils forment à l’écran nous donne envie de croire que les plus belles rencontres viennent des plus improbables situations.
PRÊTE-MOI TA MAIN (2006) d’Éric Lartiguau
Seul homme d’une famille comprenant sa mère Geneviève (Bernadette Laffont) et ses 5 sœurs, Luis Costa (Alain Chabat) est nez chez un grand parfumeur. Quadra célibataire et heureux de l’être, il ne supporte plus le harcèlement régulier de ses proches qui le poussent à se marier. La rencontre avec la sœur désargentée d’un collègue, Emma (Charlotte Gainsbourg), lui donne une idée pour avoir la paix…
Si le cinéma hollywoodien est devenu, depuis longtemps, le spécialiste de la « screwball comedy », PRÊTE-MOI TA MAIN est l’exception française qui confirme la règle. Dans ce genre où deux êtres que tout oppose finissent par s’attacher l’un à l’autre, le film d’Éric Lartiguau est une belle réussite.
Le soucis principal d’une comédie roamtique est de ne pas tomber dans un excès de sentimentalisme. L’autre piège est de faire porter le film par un couple mal assorti. PRÊTE-MOI TA MAIN évite tout cela avec un humour décalé et référencé dès les premières minutes.
La tonalité romantique ne verse jamais dans le trop sucré et « l’eau de rose ». Charlotte Gainsbourg et Alain Chabat y sont pour beaucoup, offrant à leurs rôles la crédibilité et la drôlerie nécessaire.
Leur duo fonctionne à merveille et témoigne d’une véritable complicité. Loin d’être mis de côté, les multiples personnages qui les entourent sont tous soignés et leurs acteurs attitrés apportent une belle densité au déroulement du récit, de Bernadette Laffont en mère-poule organisée à Grégoire Oestermann en collègue rêveur et radin.
Comédie sentimentale réussie, touchante et pleine d’humour, décalée et actuelle, PRÊTE-MOI TA MAIN se savoure sans modération.