Pour cette 30ème poignée de films, je vous propose un polar en temps de guerre, un thriller de SF minimaliste et une virée en mer à bord de la Calypso. C’est-y pas beau ça ? Ben en fait, oui.
LA NUIT DES GÉNÉRAUX (1967) d’Anatole Litvak
Durant la Seconde Guerre Mondiale, à Varsovie puis à Paris, 2 prostituées sont sauvagement assassinées. En pleine occupation allemande, une enquête est menée par le major Grau (Omar Sharif) dont les soupçons se portent sur 3 généraux de la Wechmacht. Parmi eux, le général Tanz (Peter O’Toole), un favori d’Hitler aux inquiétantes pulsions…
Production franco-britannique devenue un classique avec le temps, LA NUIT DES GÉNÉRAUX est un cas rare d’enquête policière et de film de guerre. On pourrait même parler de film de « serial killer » (de tueurs en série) puisqu’une série de crimes atroces est commise par le même officier allemand.
Je me suis toujours promis de ne jamais céder aux spoilers et ça n’est pas aujourd’hui que je vais commencer. Mais il n’y a pas de réels secrets dans l’intrigue conçue par Litvak et son ami Joseph Kessel au scénario. Le récit, classique, demeure d’une grande qualité même si l’on devine facilement qui se dissimule derrière ces meurtres.
Accompagné par une bande originale signée Maurice Jarre, LA NUIT DES GÉNÉRAUX est composé d’une brillante distribution franco-anglaise pour l’essentiel : Donald Pleasance, Omar Shariff, Philippe Noiret, Tom Courtenay, Juliette Gréco, Charles Gray, Christopher Plummer…
En tête de ce casting impressionnant, Peter O’Toole fait une interprétation remarquable de cruauté glaçante. À 1000 lieues du solaire Lawrence d’Arabie, l’acteur britannique fait de son Général Tanz un monstre des plus inquiétant, maniaque et sadique n’hésitant pas à brûler des quartiers entiers par pur plaisir. Son personnage fait froid dans le dos tant O’Toole, sa blondeur arienne et son regard métallique lui donnent une véracité bluffante.
Un peu boudé par le public lors de sa sortie internationale bien qu’ayant eu du succès en France, LA NUIT DES GÉNÉRAUX mérite d’être (re)vu. Le film est assez souvent rediffusé sur l’une des chaînes classiques ou sur le câble pour s’offrir une petite séance de rattrapage…
TIME LAPSE (2014) de Bradley King
Aux États-Unis de nos jours, Callie (Danielle Panabaker), Finn (Matt O’leary) et Jasper (George Finn) sont 3 jeunes colocataires au sein d’un ensemble résidentiel sans histoires. Ils découvrent que leur voisin d’en face, obscur scientifique, a inventé une étrange machine capable de réaliser quotidiennement une photo prise 24h dans le futur…
Production indépendante passée inaperçue chez nous lors de sa sortie il y a 4 ans, TIME LAPSE – un procédé d’accélération en terme photographique – avait engrangé plusieurs distinctions lors de festivals indépendants outre-atlantique et outre-manche. Agrémenté d’une solide côte de recommandation sur la plateforme Netflix où il est disponible, cette petite production indépendante de SF m’intriguait déjà depuis quelques temps.
Comme souvent lorsque l’on attend trop d’une création cinématographique, la déception n’en est que plus grande. Partant d’une idée séduisante, digne d’un épisode de la Twilight Zone, TIME LAPSE s’essouffle rapidement. Face à la découverte du trio d’anti-héros en quête de réussite sociale, on se doute bien vite que cette projection dans l’avenir occasionnée par « l’appareil photo » de leur voisin scientifique n’apportera rien de bon.
Entre Finn l’artiste raté, Callie sa trop charmante petite amie et Jasper le parieur invétéré, cette fausse aubaine providentielle sera le début des ennuis, fausses interprétations et mises en abime à répétition à force de vouloir contrôler le futur. En ce sens, le postulat de TIME LAPSE, comme dans la série de Rod Serling, propose une fable non dénué de sens sur nos trop grandes tendances à ne pas profiter du présent.
Mais le réalisateur Bradley King fait l’erreur de vouloir étirer son récit sur une durée de plus d’1h30 là où The Twilight Zone allait à l’essentiel en 30 minutes. Souffrant régulièrement d’un manque de rythme du à son unité de lieu, TIME LAPSE commence sur un suspense intriguant pour se poursuivre sur des relations tendus jusqu’au drame trop évident.
On pense au film PETITS MEURTRES ENTRE AMIS mais King n’est ps Danny Boyle. Sans surprises véritables, on suit le récit avec ennui jusqu’au dénouement sans saveur. De quoi avoir envie d’effectuer une « avance rapide » pour ne pas perdre son temps…
L’ODYSSÉE (2016) de Jérôme Salle
Une évocation de Jacques-Yves Cousteau (Lambert Wilson), ses premières explorations martimes après son départ de la Marine et ses rapports faits d’amour et de compétition avec son fils Philippe (Pierre Ninney) qui le sensibilisera à l’écologie…
Il semblait difficile en un film d’un peu plus de 2h d’évoquer le parcours du Commandant Cousteau, entre l’image publique constituée de cette aura légendaire, aventurier ayant dévoué son existence aux océans, et l’homme véritable, égocentrique et mégalomane.
Pour beaucoup de gens de ma génération, Cousteau reste un mythe à qui l’on doit bon nombre d’inventions remarquables, ayant fait progresser l’exploration sous-marine, éternellement associé à de magnifiques reportages télévisés.
Derrière ces apparences, comme pour beaucoup d’icones contemporaines, la vérité n’était pas idyllique. Avec le recul, les documentaires – dont le fameux MONDE DU SILENCE co-réalisé avec Louis Malle – ont été vertement critiqués pour leurs « mise-en-scène » appuyées (Cousteau, bonnet rouge vissé sur le crâne, le bras tendu vers l’horizon…) et leurs manque réelle de considération vis-à-vis de l’environnement…
Si le film de Jérôme Salle (LARGO WINCH, ANTHONY ZIMMER…) évoque ces deux aspects indissociables du parcours de Cousteau, il se recentre sur les rapports du père exigeant et de l’un de ses fils, Philippe, qui disparut lors d’un vol d’avion.
Lambert Wilson et Pierre Ninney apportent tous deux la crédébilité nécessaire à leurs personnages, dépassant la ressemblance pour jouer sur les émotions ambigues d’un père et de son fils dans toutes leur complexité. Endossant la personnalité d’individus connus, ils pourraient très bien être des personnages lambdas. Ce qui donnent au film cette touche de sincérité et d’émotion indéniable.
Magnifié par une superbe photographie, L’ODYSSÉE est à voir comme une approche et non comme la vérité sur Cousteau, ne cherchant jamais à édulcorer l’individu sans sombrer dans le réglement de comptes déplacé. Une biographie attrayante doublée d’un beau film d’aventures aux images soignées.