2 incontournables sinon rien ! D’un côté, LA CHOSE D’UN AUTRE MONDE de Christian Nyby et Howard Hawks, classique de la SF des années 50, teinté d’épouvante et de Guerre Froide. De l’autre côté, THE THING de John Carpenter, film de SF et d’horreur traumatisant mais devenue culte depuis sa sortie au début des années 80.
Petit duel à l’amiable et l’occasion, pour votre aimable serviteur, de revenir sur ces deux classiques du cinéma, devenus depuis leurs sorties respectives de véritables films cultes.
Tout commence par une nouvelle…
Dans les années 30 aux États-Unis, le romancier de science-fiction John W. Campbell prend la direction de la revue ASTOUNDING STORIES. Il y publie en 1938 la nouvelle WHO GOES THERE ? (LA BÊTE D’UN AUTRE MONDE en VF).
Son récit – une station d’explorateurs polaires est envahie par une entité extra-terrestre – est publié au sein d’un recueil de plusieurs nouvelles sous le titre LE CIEL EST MORT, à la fin des années 40.
Au début des années 50, en pleine période « Atome et Guerre Froide », Hollywood adapte pour la première fois l’histoire de Campbell. Le cinéaste, scénariste et producteur Howard Hawks – à qui l’on doit des classiques comme L’IMPOSSIBLE MONSIEUR BÉBÉ, LE PORT DE L’ANGOISSE, RIO BRAVO ou HATARI! – se voit confier le projet.
Sortant de la production difficile de LA RIVIÈRE ROUGE sorti en 1948 avec John Wayne et Montgomery Clift, Hawks souhaite se remettre « à flots » avec un film de science-fiction à succès et grand public. Afin de garder le contrôle de LA CHOSE D’UN AUTRE MONDE, il en confie la mise-en-scène au monteur Christian Nyby.
L’ennemi qui venait du froid
Sur le tournage, Christian Nyby s’avère un piètre réalisateur. Howard Hawks reprend la direction du film, lui apportant entre autres son sens de la comédie et un personnage féminin fort dans un casting essentiellement masculin.
Époque et moyens obliges, LA CHOSE D’UN AUTRE MONDE s’éloigne de la nouvelle d’origine pour relater une « intrusion » extra-terrestre plus classique. La chose est ici une créature à l’apparence humaine mais d’origine végétale et attirée par la chair fraîche. Et la lutte entre la bête et le groupe d’humains est essentiellement frontale.
Si le film est à replacer dans le contexte de son époque « anti-communiste », il demeure un classique du genre, bénéficiant d’une superbe photographie noir et blanc et de séquences mémorables.
Probablement conscient de l’aspect « créature de Frankenstein » de sa Chose d’un autre monde (incarnée par l’acteur de grande taille James Arness, future vedette de la série tv GUNSMOKE), Hawks la filme souvent dans la pénombre, innovant sur certaines scènes comme celle principalement éclairée par un monstre traversant en flammes une salle dans l’obscurité.
Avec un regard actuel, LA CHOSE D’UN AUTRE MONDE a certes vieilli. Traité toutefois avec un certain sérieux, il est la représentation d’une période trouble de l’histoire de l’Amérique, mettant en valeur les militaires lorsque les scientifiques sont de doux rêveurs pronant la communication des espèces. On est loin du message d’ouverture du JOUR OÙ LA TERRE S’ARRÊTA de Robert Wise, sorti pourtant la même année…
Un remake fidèle au roman
Au début des années 80, John Carpenter s’est fait un nom dans le cinéma de genre avec des œvres cultes comme HALLOWEEN, FOG ou NEW YORK 1997. Fan d’Howard Hawks, son film ASSAUT, en 1976, était un remake à peine déguisé de RIO BRAVO.
Impressionné enfant par LA CHOSE D’UN AUTRE MONDE, il choisit d’en faire une nouvelle version, THE THING, plus fidèle au roman d’origine écrit par John W. Campbell. Là où Hawks avait créé une œuvre de propagande anti-communiste, Carpenter revient aux fondamentaux paranoïaques du récit de Campbell.
THE THING évoque ainsi une invasion extra-terrestre sournoise, venant de l’intérieur, la créature protéiforme s’emparant du corps de l’être qu’elle « investit » pour finalement se révéler en déchirant et déformant les corps.
Réalisé pour quelques extérieurs en Colombie-Britannique, THE THING est tourné pour l’essentielle en pleine canicule dans les décors réfrigérés des studios Universal. L’équipe du film passera la majorité de la production du tee-shirt à la parka polaire !
Nick Nolte (LES GRANDS FONDS, UNDER FIRE…) et Jeff Bridges (TRON, THE BIG LEBOWSKI, TRUE GRIT…) sont envisagés pour le personnage leader de MacReady. Mais le rôle est finalement confié à Kurt Russell, déjà complice de John Carpenter sur le mémorable NEW YORK 1997 un an plus tôt.
Des effets spéciaux éprouvants
À l’époque de la production du film, un jeune spécialiste des effets spéciaux, Rob Bottin, commence à se faire un nom à Hollywood. John Carpenter, impressionné par ses trucages réalistes sur HURLEMENTS / THE HOWLING de Joe Dante, décide dde l’engager pour THE THING.
Le cinéaste veut de « l’organique » et du jamais vu à l’écran. Bottin accepte le défi à la condition d’avoir une totale liberté sur ses créations. Évoquant les délires monstrueux de H.P. Lovecraft, les sfx de THE THING vont atteindre des sommets dans l’horreur qui, près de 40 plus tard, restent toujours aussi éprouvants à visionner.
Utilisant toutes les méthodes et matières possibles à sa disposition, passant de la mousse de latex au chewing-gum et aux sauces culinaires, Bottin créé des animatroniques et de l’animation image par image pour donner vie à des images monstrueuses des plus marquantes.
Atteignant pour ses effets spéciaux le budget record pour l’époque d’un million et demi de dollars, sans avoir recours à l’image de synthèse inconnue à l’époque, THE THING va épuiser physiquement et moralement Rob Bottin, l’amenant à se faire hospitaliser à la fin du tournage !
Échec commercial mais film culte
Sorti durant l’été 1982, THE THING se retrouve face à un « ennemi » inattendu : le E.T. de Steven Spielberg, dont les aspects pacifiques et positifs séduisent le public. À côté du raz de marée de spectateurs engendré par le gentil extra-terrestre, l’alien protéiforme et poisseux de John Carpenter boit la tasse et connaît un échec cuisant.
Outre ses déboires commerciaux, THE THING est descendu par la critique américaine. L’ensemble de la presse qualifie le film de « pornographie horrifique », visiblement traumatisée et dégoûtée par la vision cauchemardesque et oppressante d’une invasion venue des entrailles humaines. La fin ouverte du film, sans réel « happy end », n’arrange rien à l’affaire…
En France, THE THING est défendu par quelques irréductibles comme le mensuel L’ÉCRAN FANTASTIQUE. Mais il faudra attendre plusieurs années pour que l’œuvre de John Carpenter soit reconnue à sa juste valeur.
Devenu une référence – l’épisode PROJET ARCTIQUE de la saison 1 de la série X-FILES est un hommage à peine déguisé – le film connaîtra même en 2011 un maladroit et inutile reboot / prequel, sobrement intitulé… THE THING ! Cherchant stupidement à « raccrocher les wagons » en situant sa trame quelques jours avant les évènements du film de 1982, cette tentative ne fera aucune ombre sur le désormais classique de Carpenter.
2 versions, 2 réussites
LA CHOSE D’UN AUTRE MONDE et THE THING représentent un cas rare dans le 7ème art : 2 œuvres issues du même récit devenues cultes, reconnues chacune pour leurs qualités respectives.
Certes, l’aspect clairement anti-communiste de la version de Hawks et Nyby comme les orientations gore du remake de Carpenter sont à même de repousser plus d’un spectateur. Mais il faut savoir replacer LA CHOSE… dans son contexte comme il faut comprendre les sous-entendus parano-psychologiques de THE THING.
LA CHOSE D’UN AUTRE MONDE doit se (re)voir comme un grand classique de la SF d’épouvante, double genre qui ouvrit la voie à d’autres œuvres comme ALIEN. Quant à THE THING, sa représentation cauchemardesque d’une invasion venant « de l’intérieur » est une glaçante interprétation de la peur de l’autre, l’infection révélatrice d’un monde déshumanisé.
À 30 ans d’intervalle, le récit de Campbell a généré 2 réussites du cinéma de genre, preuve qu’une bonne histoire reste indémodable.
LA CHOSE D’UN AUTRE MONDE (1951) de Christian Nyby et Howard Hawks.
Avec Kenneth Tobey, Margaret Sheridan, James Arness, Douglas Spencer…
Scénario : Charles Lederer, Howard Hawks (non crédité) et Ben Hecht (non crédité) d’après l’œuvre de John W. Campbell (La Bête d’un autre monde).
Musique : Dimitri Tiomkin.
THE THING (1982) de John Carpenter.
Avec Kurt Russell, Wilford Brimley, Keith David, David Clennon, Donald Moffat…
Scénario : Bill Lancaster, d’après l’œuvre de John W. Campbell (Who Goes There ?)
Musique : Ennio Morricone. Musique additionnelle : John Carpenter et Alan Howarth.
The Thing… film totalement culte pour moi. Je l’ai vu des dizaines de fois et ne m’en lasse pas. Cet univers sombre et de neige, cette tension crescendo… et Kurt… L’un des plus grands films…
J’aimeAimé par 1 personne
Bien d’accord ! Du grand Carpenter et une véritable film culte.
J’aimeJ’aime
Deux très bons films en effet. Celui de Hawks annonce Alien c’est vrai, tandis que celui de Carpenter en est une réponse (rivalité avec son ex pote O’Bannon). A noter que big John est aussi un grand fan de Hawks et que La Chose apparaît dans Halloween
J’aimeAimé par 1 personne
C,est vrai merci pour ces précisions 😉
J’aimeAimé par 1 personne