Des espoirs et déceptions #20

20ème billet d’humeur du blog, en mode « je râle donc j’existe ». Alors que les premières images de IL ÉTAIT UNE FOIS À HOLLYWOOD, le prochain film de Quentin Tarantino, rendent hystériques les jeunes – et les moins jeunes – cinéphiles de la planète, que les journalistes des Inrocks et de Libé (entre deux harcèlements LOL et 3 articles pour défendre Bertrand Cantat) sont tremblants d’excitation à l’idée d’interviewer à Cannes leur maître à ne pas penser et que nos bobos nationaux s’excitent à l’idée d’acheter en pré-vente la BO du nouveau QT qu’ils pourront écouter dans leur SUV à crédit, pour tenter d’oublier la jaunisse dans laquelle s’enfonce notre riante contrée, j’essayais simplement de faire le point sur ce que représentait vraiment Quentin Tarantino dans le cinéma de ces 25 / 30 dernières années.

Cinéaste géniale, roublard répétitif, pilleurs de films obscurs, représentant en bérets Kangol ? Un peu de tout, à franchement parler.

J’ai mal à mon QT

En 1992, Quentin Tarantino a débarqué sans crier gare dans le paysage cinématographique mondiale avec un film à petit budget, bavard et sanglant, esthétique et soutenu par une bande (pas) originale de standards FM des années 60 et 70.

QT se la pète avec son béret Kangol.

Avec un casting regroupant de vieux briscards du 7ème art US indépendant (Harvey Keitel) et de jeunes acteurs talentueux encore inconnus (Tim Roth, Michael Madsen, Steve Buscemi…), le QT nous balançait son RESERVOIR DOGS à la tronche comme une paire de claques, sans ménagement mais avec une énergie nouvelle et intriguante.

La marche au ralenti, en costume cravate noir et lunettes de soleil assorties, la façon de tenir un (gros) flingue légèrement penché sur le côté ou de couper une oreille au canif, cette manière de filmer de longs dialogues sur le « Like A Virgin » de Madonna et de faire couler des hectolitres de sang brunâtre…. tous ces éléments allaient devenir la « marque de fabrique » du cinéaste gangster comme sa bouille de petite frappe frapadingue allait s’imposer auprès des jeunes cinéphages de toutes nationalités.

2 ans plus tard, une Palme d’Or contestée pour PULP FICTION au Festival de Cannes 1994 avait déjà fini d’installer l’ancien employé d’un vidéo club new-yorkais comme nouveau génie du cinéma américain. Le mec plus ultra qui avait réussi à réunir le polar craspec et brutal avec l’intention culturelle d’un 7ème art exigeant et flatteur pour des spectateurs bluffés par tant de culot et d’esbrouffe revendiqué.

Sur la promo de DJANGO UNCHAINED, QT affiche son nouveau béret Kangol.

Répondant aux sifflets de la salle par un doigt d’honneur rigolard, après l’annonce du palmarès du Festival, QT était devenu ce cinéaste rebelle, étalant sa pop-culture pour mieux épater la galerie, sponsorisé par les bérets hype de la marque Kangol que tous les bênets babas voulaient acquérir à leur tour pour faire comme leur idole et prendre un style indépendant… adopté par tout le monde !

Depuis 25 ans, d’autres films ont suivi. Toujours annoncés comme l’évènement le plus important depuis que l’Homme a marché sur la Lune. De nouvelles réunions de ses acteurs fétiches et de nouveaux arrivants autour de longs dialogues machos / viriles sur la nouvelle petite culotte de telle chanteuse, sur l’importance des oignons dans le double-cheeseburger aux Pays-Bas, et sur l’orchestration de tel morceau de rock vintage. Du Tarantino, quoi. Remixé, remâché, à peine modifié dans un décor de western spaghettis (LES 8 SALOPARDS) ou dans un Paris sous domination allemande, pendant la Seconde Guerre Mondiale, évoquant plus JULES ET JIM ou À BOUT DE SOUFFLE qu’un pays occupé en temps de guerre. Et tout le monde (ou presque) connaît l’orgasme, comme si le cinéma n’existait pas avant cela.

Sauf que si, justement. Avant Tarantino, il y a des centaines d’extraits de films d’arts martiaux venus de Hong-Kong, de films d’actions de série Z italiens, de westerns paëlla filmés à Almeria, de petits polars signés John Woo, eux-même inspirés des chef d’œuvres de Jean-Pierre Melville…

QT, caméra en pogne, est colère : son béret Kangol s’est tiré avec un Fedora.

Tous ces films ingurgités, digérés et refourgués comme autant d’idées novatrices par le sieur Tarantino, face à un public majoritairement novice, plus soucieux de comptabiliser ses followers sur les réseaux sociaux et de voir le dernier QT avant tout le monde parce que les bobos des Inrocks gazouillent du slip devant le « génie orgasmique inclassable » du cinéaste roublard.

C’est pourtant vrai, Tarantino ne s’est jamais caché de ses multiples emprunts. Il les revendique, évoquant encore toutes ces annés à manger de la pelloche VHS dans son petit vidéo-club de quartier, son apprentissage en « assimilant » les plus grands du métier et les obscurs que le grand public ignore.

Avec le recul, je reconnais volontiers avoir fait partie du club, avoir trop vite crié au génie à chaque nouveau film du maître es-emprunt. Je me suis précipité sur ses films comme un type affamé se jette sur un énorme sandwich rempli de sauce… pour mieux connaître le sens du mot indigestion quelques temps plus tard.

Pour étouffer son chagrin après la perte de son béret Kangol, QT se bourre de burgers.

Les films de Tarantino me font toujours cet effet. Je les avale avec gourmandise quand je les découvre pour la première fois. Puis vient la sieste d’après bouffe. Et le nouveau visionnage qui me laisse de marbre. Où sont passé les moments d’excitations ressentis la première fois ? L’effet de surprise s’est envolé, me direz vous. Et c’est bien normal, comme pour bon nombres d’autres films.

Mais au delà de cette impression de déception quand je revois les films du représentant Kangol, il y a ce sentiment de m’être fait couillonner. De voir un grand fourre-tout, parfois trop long et indigeste. De ne pas subir l’effet Messmer que tous ou presque semble connaître sans s’en faire.

Sans son béret Kangol, QT peut compter sur ses doigts.

RESERVOIR DOGS m’a profondément ennuyé. Certaines séquences de PULP FICTION ou d’INGLORIOUS BASTERDS (titre entièrement repris d’une série Z transalpine des annes 70) m’ont plus donné la nausée que du plaisir. Et les (interminables) séquences de dialogues sur tout et sur rien me font l’impression d’un remplissage vide de sens, malgré le talent indéniable de certains acteurs.

Seul peut-être JACKIE BROWN parvient à me toucher à chaque vision. Parce que, s’éloignant de ses tics de langage cinématographique, Tarantino y attache pour la seule fois une véritable profondeur aux personnages principaux. Parce qu’une émouvante nostalgie y tient plus de place que les explosions de crane à coups de batte de baseball ou de flingue automatique. Petite nature ? Allez savoir…

Sur le tournage d JACKIE BROWN avec Pam Grier, QT est tout joyeux : son béret Kangol a fait des petits !

C’est probable, je vais certainement m’attirer les foudres de plusieurs lecteurs en publiant cet article. Mais à mes yeux, Quentin Tarantino n’est pas un grand cinéaste. Et encore moins un génie. C’est un roublard doué, d’un égocentrisme démesuré (comme beaucoup de réalisateurs j’imagine…) et persuadé de son immense talent quand ses principales facultés se bornent à réinterpréter ce qu’il a vu et revu.

Comme de nombreux artistes probablement ? Sans doute. L’art est un éternel recommencement, plus ou moins volontaire., au cinéma comme ailleurs. Le talent chez QT est de nous faire prendre comme une idée magistrale une veste en cuir vintage portée par Leonardo DiCaprio ou un sosie de Bruce Lee comme une idée de génie. Pour le reste, on verra quand le film sera sorti.

 

Nota Bene : Malgré les apparences, cet article n’a pas été sponsorisé par une marque de bérets vachement tendance. Merci de votre compréhension.

7 commentaires Ajoutez le vôtre

  1. princecranoir dit :

    J’aime ce coup de gueule à contre-pied ! Il y a de toutes façons de bonnes raisons de détester Tarantino comme il y a de très bonnes raisons de l’aimer aussi, quoi qu’en pensent Libé ou les Inrocks d’ailleurs (qui ne sont pas les seuls à encenser les films de Tarantino). Ce que tu reproches à Tarantino peut être appliqué à tous ces cinéastes dits « post modernes » (terme journaleux dont je ai d’ailleurs pas encore tout à fait saisi le sens), tous ceux qui suscitent momentanément une hype suspecte dans le pré carré du cinéma d’auteur. On a pu le dire aussi de Nicolas Winding Refn, de Christopher Nolan, de David Fincher mais autrefois on a conspué pour des raisons assez voisines Hitchcock, Spielberg, Orson Welles (j’ai en mémoire un article de Lourcelles qui reprend notamment ton argument qui rappelle qu’il y avait un cinéma avant Citizen Kane). On peut se dire en effet que tous ces films sont vides alors que j’y vois tellement de choses, et à chaque nouvelle vision, notamment dans the Hatefull Eight qui est peut être son chef d’œuvre à mes yeux (là aussi, je sais que j’en fais bondir plus d’un). 😉

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    1. Je n’irais pas jusqu’à comparer QT à Hitchcock… Mais comme je sens que tu es fan du bonhomme, je peux comprendre ton emballement. Après… je n’ai pas accroché à ses films récents. J’aime beaucoup Jackie Brown et j’avais bien aimé Kill Bill 1 et 2. Mais voilà, tout ce snobisme autour du bonhomme me laisse de glace. C’est juste une question de goût, d’engouement… J’ai simplement voulu m’exprimer, avec un peu d’humour, pour ne pas heurter la sensibilité des fans 😉 Je me doutais que j’allais faire réagir donc c’est un peu voulu tout ça aussi 😄
      Mais je suis sincère, je pense ce que je dis : si tous les cinéastes ont été eux aussi critiqués, Tarantino emprunte et réarrange – avec une certaine habileté – ce qu’il a ingurgité. Je n’apprécie ni le type, ni la majorité de ses films.

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      1. princecranoir dit :

        Fan n’est pas le mot, mais je lui reconnaît du talent, et surtout une patte d’auteur doublée d’un discours passionnant sur la la langue et les langages. J’aime c’est vrai sa manière de proposer un alliage cinématographique à priori improbable, sa faculté à marier Godard à Fulci, Hawks à Leone, bref la culture du bis et une forme plus intellectuellement respectée du septième art. L’emballement et le snobisme autour de son oeuvre m’intéressent assez peu. On a voulu largement faire de son style une marque declinable à d’autres réalisateurs, comme s’il suffisait de mettre des références au cinéma de genre dans un film pour « faire du Tarantino ». Quand on rapproche le travail de Guy Ritchie à celui de Tarantino cela me hérisse le poil par exemple) mais aucun ne parvient réellement à exprimer cette synthèse des genres sans sombrer dans la caricature. C’est pour moi la preuve d’un talent singulier, qui n’est pas sans aspérités il faut le reconnaître.

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  2. Oui, ton point de vue se défend. Après, comme je t’ai dit, c’est une question de goût. Pour moi, depuis quelques films, Tarantino fait du Tarantino, parce que c’est aussi ce qu’on attend de lui quand même. Il ne se renouvelle pas ou si peu. J’ai décroché pour ma part depuis plusieurs années et je n’arrive plus à reprendre le train en marche.

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