US de Jordan Peele

L’histoire

Adelaide Wilson (Lupita Nyong’o) prend quelques jours de vacances avec son mari Gabe (Winston Duke) et leurs deux enfants Zora et Jason (Shahadi Wright-Joseph et Evan Alex) dans la maison familiale en bord de mer, où la jeune femme venait enfant avec ses parents. Elle tente de surmonter les souvenirs d’un traumatisme qu’elle a vécu petite fille, dans ce même lieu. Mais au cours d’une nuit cauchemardesque, Adelaide et les siens sont agressés par d’étranges individus…

L’enfer, c’est nous

Connue de tous, la phrase « l’enfer, c’est les autres », issue du HUIS-CLOS de Jean-Paul Sartre, ne s’applique pas au nouveau thriller terrifiant de Jordan Peele. Comme l’indique le titre court de son film, US (« NOUS », voire « United States » si l’on veut pousser l’allusion un peu plus loin…), il est ici question de chacun d’entre nous, par le biais de cette famille tranquille et idéale en apparence.

Comme le réalisateur avait déjà abordé les aspects les plus inquiétants de notre société, où l’absence de scrupules et le statut social entraînent les plus basses dérives, dans son marquant GET OUT il y a 2 ans, il aborde à nouveau la fable sociétale à travers un angoissant récit de doppelgänger, nom donné à un double maléfique dans la mythologie germanique et nordique.

Déjà abordée dans certains épisodes de la mythique anthologie TWILIGHT ZONE de Rod Serling, cette troublante légende du double néfaste, prenant progressivement la place du héros ou de l’héroïne, n’a pas souvent été traité sur grand écran, si ce n’est en 1970 dans le troublant LA SECONDE MORT D’HAROLD PELHAM de Basil Dearden avec Roger Moore, ou, plus récemment, dans THE BROKEN de Sean Ellis avec Lena Headey et sorti en 2008.

Dans US, Jordan Peele aborde les thèmes de la famille et de la réussite sociale pour montrer du doigt les imperfections d’une société américaine (ou, plus généralement, de notre société) semblant inévitables bien qu’intolérables, pronant la réussite des uns quand les autres sont condamnés à une « existence souterraine », abandonnés de tous.

Ça n’est certes guère subtile dans le traitement mais c’est d’une redoutable efficacité, à déconseiller pour les petites natures et les âmes trop sensibles, bien que l’humour ne soit jamais absent et offre quelques moments plus tranquilles.

En tête d’un très bon et crédible casting, la belle et talentueuse Lupita Nyong’o s’impose avec une énergie renversante dans un double rôle éprouvant, pour elle sans doute comme pour les spectateurs.

Parvenant à nous faire croire à l’incroyable avec quelques effets de maquillage et des regards tantôt inquiétants tantôt rassurants, l’actrice donne de sa personne et porte le film à bouts de bras, aidée par les belles interprétations des jeunes Evan Alex et Shahadi Wright-Joseph.

Quelques regrets avec des longueurs dans la dernière partie de US, venant parfois atténuer « l’angoisse du quotidien » brillament distillée tout au long du film. Un côté peut-être trop explicatif, comme il est devenu coutumier dans le cinéma d’aujourd’hui, affaiblit un peu l’histoire, même si certaines zones du récit demeurent dans l’ombre, fort heureusement.

Mais un terrible twist final – non, je ne dirais rien – vient redresser la barre et laisse une profonde sensation de vertige lorsque le générique de fin défile à l’écran.

Réussi dans son traitement de l’horreur infiltrée dans notre quotidien, parsemé de références à la culture populaire fantastique, US, sans avoir l’impact de GET OUT, parvient toutefois à procurer de grandes frayeurs tout en donnant à réfléchir.

 

US (2019) de Jordan Peele.
Avec Lupita Nyong’o, Winston Duke, Elisabeth Moss, Tim Heidecker, Shahadi Wright-Joseph, Evan Alex, Calibet Noelle Sheldon…
Scénario : Jordan Peele. Musique : Michael Abels.

Crédits photos : © Blumhouse Productions / Universal Pictures

 

Bande-annonce

5 commentaires Ajoutez le vôtre

  1. manU dit :

    Tout ça me tente bien !

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    1. Oui, je te le recommande Manu ! Éprouvant pour les nerfs mais efficace 👍

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  2. princecranoir dit :

    Décidément, Jordan Peele confirme son talent à marier horreur tradi et sujet de société. La question du double le travaille d’ailleurs depuis longtemps, et cette question du « remplacement » renvoie en particulier à la chasse aux sorcières et à ses invasions de profanateurs. La référence au show de Rod Serling (notamment à l’effrayant episode « mirror image » signé John Brahm) est particulièrement bienvenue puisque Peele a accepté d’enfiler le costume de l’énigmatique narrateur dans la nouvelle version.
    Enfin, la figure du double dans le cinéma d’épouvante à en effet davantage été traité par le prisme du paradoxe temporel, de « l’armée des douze singes » à « Los chronocrimenes » en passant par le très surestimé « looper » de Johnson.
    Peele choisit plutôt de jouer des masques, avec malice et intelligence. Face Off comme dirait un Hong-kongais bien connu. 😉
    Très chouette article as usual.

    Aimé par 1 personne

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