En ce début des années 80, 2 jeunes cinéastes, « petits frères délurés » des golden boys que sont devenus Steven Spielberg et George Lucas, vont imposer leurs styles, marquant le cinéma de genre et le fantastique sur grand écran.
Renouvelant la légende du loup-garou, mythifiée par les studios Universal puis par la Hammer, Joe Dante, avec HURLEMENTS, et John Landis, avec LE LOUP-GAROU DE LONDRES, vont marquer une jeune génération de cinéphiles à travers le monde.
Récit d’une « bataille » qui n’en n’est pas une et d’une année 1981 frappée par les coups de crocs d’une créature de légende, tout à la fois repoussante et fascinante.

QUAND JOE DANTE HURLE AU LOUP…
Vers la fin des années 70, le réalisateur Joe Dante vient de « l’écurie » Roger Corman, la New World Pictures, dont le principe, en tant que cinéaste et producteur, est de tourner vite et pas cher. Pour Corman, Dante réalise PIRANHAS en 1978, petit budget horrifique surfant sur le succès 3 ans plus tôt des DENTS DE LA MER. Succès commercial, PIRANHAS permet à Dante de se faire remarquer par Steven Spielberg qui pensera à lui, quelques années plus tard, pour la réalisation de GREMLINS…
Mais pour le moment, Joe Dante quitte la New World pour se consacrer à un projet qu’il développe depuis 1979 : l’adaptation de THE HOWLING, un roman d’horreur de l’écrivain Gary Brandner.

Élevé aux classiques de la Universal et des films Hammer qu’il a vu dans sa jeunesse, tout comme son confrère John Landis, Dante trouve dans le roman de Brandner l’occasion de rendre hommage aux récits de loups-garous tout en les actualisant.
Teinté de quelques touches d’humour noir et d’érotisme – le loup-garou reprenant les connotations appuyées des contes de l’enfance comme « Le Petit Chaperon Rouge », par exemple… – THE HOWLING / HURLEMENTS voit ainsi Karen White (Dee Wallace, la mère d’Elliott dans E.T.), une journaliste perturbée après un affrontement avec un effrayant tueur en série, partir se ressourcer auprès d’une communauté dirigée par le Dr Waggner (Patrick Macnee), un thérapeute dont la méthode est basée sur un retour à la nature. Karen découvre bientôt que le groupe est constitué de loup-garous très affamés, capables de se transformer quand ils le souhaitent…

SUCCÈS, RÉCOMPENSES ET RÉFÉRENCES
Porté par le succès surprise de PIRANHAS, Joe Dante enchaînera avec une autre réussite commerciale en réalisant HURLEMENTS. Pour un budget modeste d’1 million de dollars, le film en rapportera plus de 17 millions, confirmant l’efficacité de Joe Dante. Le film reçu le Prix de la Critique au Festival d’Avoriaz en 1981, ainsi que le Prix du Meilleur Film d’Horreur par l’Académie des Films de Science-Fiction, Fantastique et Horreur la même année.
Renouvelant la thématique du loup-garou en présentant, entre autres, des créatures pouvant se transformer à volonté de jour comme de nuit, sans le passage obligé des nuits de pleine lune, HURLEMENTS nous présente une confrérie de loups-garous digne d’une secte. Des êtres aimant la chair sous toutes ses formes, loin des préoccupations vegan de notre époque et d’autres œuvres du même genre montrant la lycanthropie comme une malédiction.

Dante multiplia les références et autres clins d’œil aux films fantastiques en donnant à ses personnages les noms de cinéastes spécialistes du genre (Terence Fisher, Freddie Francis…). Il composa son casting avec des visages connus des amateurs de fantastique comme Kevin McCarthy (L’INVASION DES PROFANATEURS DE SÉPULTURES) ou John Carradine (L’HOMME INVISIBLE, LA FIANCÉE DE FRANKENSTEIN…). Il offrit même un petit rôle à Roger Corman, son ancien patron !
DES SFX SIGNÉS RICK BAKER ET ROB BOTTIN
Près de 40 ans après sa sortie, le film de Joe Dante reste marquant pour ses effets spéciaux. Premier film à présenter une transformation dans le détail (visages gonflés par la transformation, gros plan sur les parties du corps en pleine mutation…), le film étonna plus d’un jeune spectateur des années 80 dont votre humble serviteur !
Dans un premier temps, on doit ces prouesses au talentueux Rick Baker, spécialiste des maquillages fantastiques et d’épouvantes (KING KONG 1976, LA GUERRE DES ÉTOILES, VIDÉODROME, GREYSTOKE, MEN IN BLACK, X-MEN…).

Mais alors que la production d’HURLEMENTS était bien entamée, Baker fut débauché sur la production du LOUP-GAROU DE LONDRES, disposant d’un bien plus confortable budget. Le maquilleur laissa son travail inachevé aux bons soins de son assistant, Rob Bottin, permettant à ce dernier de se faire un nom dans le métier.
Bottin se vit ainsi confier les impressionnants sfx de THE THING de John Carpenter en 1982. Puis, il retravailla pour Joe Dante sur LA 4ème DIMENSION, EXPLORERS et L’AVENTURE INTÉRIEURE, ainsi que pour Paul Verhoeven avec ROBOCOP, TOTAL RECALL et BASIC INSTINCT. Il fut engagé par David Fincher sur SE7EN et FIGHT CLUB et œuvra sur la série GAME OF THRONES.

Des origines yougoslaves
Sorti cette même année 1981, LE LOUP-GAROU DE LONDRES puise ses origines dans une idée développée par le cinéaste John Landis en 1969. À cette époque, jeune assistant de production en Yougoslavie sur le film KELLY’S HEROES / DE L’OR POUR LES BRAVES de Brian G. Hutton, Landis est le témoin d’un étrange rituel funéraire par les habitants de la région : l’enterrement d’un gitan en position verticale !
Intrigué par cette scène à la fois macabre et incongrue, Landis appris que cette procédure faisait partie de certaines coutumes gitanes pour empêcher le défunt de revenir hanter les vivants. De quoi attiser sa curiosité et lui donner quelques idées de films, lui qui a été bercé aux films d’épouvante de la Universal et de la Hammer, comme le fut Joe Dante.

L’intrigue du LOUP-GAROU DE LONDRES voit ainsi 2 jeunes étudiants américains (David Naughton et Griffin Dunne) être attaqués par une créature féroce par une nuit de pleine lune, dans la lande anglaise. Un seul survit à l’attaque et s’attache à l’infirmière (Jenny Agutter, découverte dans L’ÂGE DE CRISTAL) qui prend soin de lui. Mais il découvre bientôt que la malédiction du loup-garou s’est abattu sur lui…
Production chaotique
Au début des années 80, après le triomphe des BLUES BROTHERS, le jeune réalisateur revient sur son idée de « mort-vivant ». Son concept a évolué : il n’est plus question de zombie mais de loup-garou.
Landis voit son projet financé par les 2 nababs hollywoodiens des années 80 que sont Jon Peters et Peter Guber, producteurs entre autres des deux BATMAN de Tim Burton. Mais le « partenariat » tourne au conflit : parmi les caprices de Peters et Guber, John Belushi et Dan Aykroyd sont imposés pour « rebondir » sur le carton des BLUES BROTHERS !

Refus de Landis qui, tout en souhaitant mélanger comédie et horreur, veut engager des inconnus pour les premiers rôles. Il finira par obtenir gain de cause mais connaîtra d’autres pressions des 2 moguls. Ainsi, Guber et Peters, après une 1ère projection du film fraîchement monté, n’aiment pas ses effets gore. Ils exigent un nouveau montage de John Landis qui leur demande quelques jours pour s’en occuper. À la deuxième vision du film, les producteurs valident le montage… alors que le cinéaste n’a absolument rien changé ! Ça se passe comme ça à Hollywood.
Mémorable métamorphose
Tourné essentiellement en Grande-Bretagne, LE LOUP-GAROU DE LONDRES est pourvu d’un plus confortable budget – 10 millions de dollars – que le film de Joe Dante. Les studios anglais, moins onéreux que ceux d’Hollywood, et le casting quasi inconnu permettent à Landis de financer des effets spéciaux mécaniques jamais vus à l’époque.

Débauchant Rick Baker du tournage de HURLEMENTS (voir plus haut), Landis va relevé un double défi en présentant une mémorable métamorphose sans coupures ni fondus enchaînés, comme c’était de coutume pour d’autres films, et dans la pleine lumière d’un appartement ! Contrairement à Joe Dante pour HURLEMENTS, le réalisateur du LOUP-GAROU DE LONDRES veut une créature plus bestiale, se déplaçant à 4 pattes.
Près de 40 plus tard, la transformation du pauvre David en monstre reste toujours un choc : le corps est recouvert de poils; les bras, mains et jambes s’allongent et se déforment dans des craquements d’os et de muscles; le visage humain s’allonge pour devenir celui d’un loup… fortement inspiré par le propre chien de Rick Baker !

Les sfx du film lui vaudront un Oscar du meilleur maquillage, le tout premier de cette catégorie.
HORREUR ET COMÉDIE
Sorti à la fin de l’été 1981, LE LOUP-GAROU DE LONDRES est un succès commercial et mondial. Mais ses allers-retours réguliers entre horreur, comédie et gore divisent la critique et le public. Sans me ranger du côté des producteurs Peters et Guber, je reconnais volontiers que ce mélange n’est pas toujours facile à digérer.
Distribué à sa sortie comme « le nouveau film du réalisateur des BLUES BROTHERS » ou comme une comédie d’épouvante, le film peut réellement décontenancer des spectateurs s’attendant à rire aux éclats. Il n’est d’ailleurs pas conseillé aux âmes sensibles.

Certes, entre sa célèbre scène de transformation et d’autres moments « saignants » – le rêve des soldats SS loup-garous, par exemple, façon pour Landis de comparer l’horreur de la Seconde Guerre Mondiale à la sauvagerie du monstre des légendes… – LE LOUP-GAROU DE LONDRES ne manque pas d’humour (noir), jusque dans sa bande originale composé essentiellement de titres comprenant le mot « moon ».
Ce mélange entre épouvante, humour et références multiples à la pop culture deviendra une véritable référence pour de nombreux films de genre (CREEPSHOW, EVIL DEAD, BAD TASTE…). Mais il continue aujourd’hui de susciter les débats et de partager les spectateurs.
2 films marquants
Si LE LOUP-GAROU DE LONDRES s’est imposé comme un modèle du genre – et du film de genre – HURLEMENTS n’est pas à oublier pour autant. Renouvelant chacun la légende du loup-garou sur grand écran, les films de Joe Dante et John Landis sont devenus des œuvres cultes pour de nombreux cinéphiles et ont marqué les esprits pour leurs innovations.

Curieusement, ces films ont révélé les deux cinéastes tout en connaissant plusieurs similarités troublantes quant à la suite des évènements. Si Joe Dante enchaîna avec le triomphe de GREMLINS, ses films suivants ne furent jamais de grands succès malgré de beaux projets plus personnels comme EXPLORERS ou PANIQUE SUR FLORIDA BEACH (MATINEE en VO). Reconnu récemment comme un véritable auteur, Dante eut de plus en plus de mal à concrétiser de nouveaux projets cinématographiques.
Quant à John Landis, le drame sur le tournage de LA QUATRIÈME DIMENSION – LE FILM (un accident d’hélicoptère provoquant la mort de l’acteur Vic Morrow et de deux enfants figurants) le mit sur la touche durant de nombreuses années, l’empêchant de retrouver le succès critique et commercial de ses premiers films malgré quelques œuvres réussies.

Comme il se doit après son succès, HURLEMENTS engendra une série de suites au rabais, distribués en DTV ou sous formes de téléfilms de seconde zone. Quant au LOUP-GAROU DE LONDRES, une coproduction franco-américano-britannico-néerlando-luxembourgeoise intitulée LE LOUP-GAROU DE PARIS (en attendant LE LOU-GAROU DE SAINT-TROPEZ, sans doute…) fut réalisée en 1997, incluant des acteurs français comme Julie Delpy, Thierry Lhermitte ou Pierre Cosso (le fiancé de Sophie Marceau dans LA BOUM 2) ! Facilement oubliable et pas indispensable.
Si depuis quelques temps des rumeurs de remakes du LOUP-GAROU DE LONDRES et de HURLEMENTS circulent, les versions originales restent irremplaçables. Les films de John Landis et de Joe Dante sont devenus des références cultes que les images de synthèse actuelles, trop parfaites, ne parviendront jamais à égaler.
Des œuvres clés qui vous feront craindre les nuits de pleine lune.
Bande-ANNONCE HURLEMENTS
Deux films cultes ! Et ces séquences de transformations… Brrrr….
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Oui Manu, 2 films qui font date. Le hasard (est-ce vraiment un hasard à Hollywood ?) veut qu’ils soient tous deux sortis en 1981 ! Ils m’avaient terrorisé quand je les ai vu 😳😄
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Très bel article qui m’en apprend sur les débuts de Landis et cette anecdote yougoslave. Merci.
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De rien 😉 J’ai moi aussi découvert cette anecdote en faisant des recherches sur le film.
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