Film noir cynique, sensuel et nonchalant, HOT SPOT est la 6ème réalisation de l’acteur Dennis Hopper, révélé en 1969 par EASY RIDER. Sorti en France au début de l’année 1991, ce polar, aux contours classiques, sort pourtant des sentiers battus tout en rendant un bel hommage aux œuvres les plus célèbres du genre.
Voilà déjà 5 bonnes raisons, parmi d’autres, de voir ou revoir HOT SPOT.
POUR SON SCÉNARIO À LA FOIS CLASSIQUE ET SURPRENANT
HOT SPOT – ou THE HOT SPOT en VO, littéralement LE POINT CHAUD et tout ce que cela peut suggérer… – se déroule dans une petite ville du Texas, écrasée par le soleil, à une époque indéterminée. Un étranger, Harry Madox (Don Johnson), débarque d’on ne sait où et se fait engager comme vendeur d’un concessionnaire de voitures d’occasions.
Calme et sûr de lui, Madox a des vues sur la banque du coin, réserve de richesse assurée pour individus sans scrupules, véritable porte ouverte pour qui souhaite se servir sans trop se salir les mains.
Viril et mystérieux, Harry Madox attire rapidement l’attention de 2 femmes : la blonde et sulfureuse Dolly Harshaw (Virginia Madsen), l’épouse nymphomane de son patron, et la belle brune et ingénue Gloria Harper (Jennifer Connelly) dont il tombe sincèrement amoureux. Mais dans cette atmosphère moite et trouble, Harry sera amené à faire des choix pour ne pas y laisser sa peau…
Tiré d’un roman de l’écrivain Charles Williams, auteur de polars publiés initialement dans la collection « Série Noire », HOT SPOT est l’ultime adaptation de ce romancier au cinéma. Ses œuvres littéraires ont inspiré Claude Sautet (L’ARME À GAUCHE), François Truffaut (VIVEMENT DIMANCHE !) ou Philip Noyce (CALME BLANC).
Inspiré du roman de Williams « Hell Hath No Fury » (« Je t’attends au tournant » en VF), HOT SPOT est typique du « film noir » comme Hollywood en produisait dans les années 40/50, la couleur en plus. Traitement visuel auquel on peut aussi ajouter une illustration plus « frontale » des rapports humains… Si le scénario du film reste classique dans ses grandes lignes, le traitement surprenant de certaines séquences et les dialogues corrosifs en font une œuvre moderne dans le fond et dans le forme.
Pour ses actrices
Si le héros du film est un homme, HOT SPOT ne serait rien sans ses deux actrices principales. D’un côté, la blonde Virginia Madsen, sœur de Michael Madsen (RESERVOIR DOGS, KILL BILL, MEURS UN AUTRE JOUR…) et révélée au début des années 80 dans le sympathique ELECTRIC DREAMS,
Virginia Madsen est plus connue aujourd’hui pour ses participations au DUNE de David Lynch et, surtout, à CANDYMAN de Bernard Rose. Dans HOT SPOT, elle incarne, avec un plaisir évident, une garce nymphomane, perverse et manipulatrice, qui jette ses « filets » sur Madox / Don Johnson.
Jennifer « rhaaaaaaa » Connelly interprète quant à elle la brune et candide Gloria Harper. Si son troublant personnage contient volontairement quelques zones d’ombre – Gloria Harper est-elle si innocente que cela ? – elle représente pourtant le seul être « pur » du récit, attirée par Harry Madox, en qui elle voit sûrement une chance d’échapper à sa petite vie provinciale.
Révélée à 14 ans dans IL ÉTAIT UNE FOIS EN AMÉRIQUE, Jennifer Connelly a depuis réalisé une brillante carrière entre films indépendants (POLLOCK, REQUIEM FOR A DREAM…) et gros budgets (LES AVENTURES DE ROCKETEER, UN HOMME D’EXCEPTION, BLOOD DIAMOND, ALITA…).
Jouant sur deux partitions opposées mais complémentaires, ces deux actrices donnent à HOT SPOT son côté hautement épicé, avec beaucoup de sensualité et de charme. Même si, à notre époque souvent excessive dans l’intolérance, leurs rôles seraient vivement critiqués…
Pour ses acteurs
Point de machisme dans mes propos mais une simple évidence : HOT SPOT est d’abord une histoire d’hommes. Et d’un homme en particulier. Harry Madox, au centre du récit, est interprété avec charisme et décontraction par Don Johnson.
Cela fera peut-être sourire certains d’entre vous mais Johnson incarne ici son meilleur rôle. D’accord, l’acteur, révélé dans les années 70 avec le film de SF culte APOCALYPSE 2024 (A BOY AND HIS DOG), n’a pas mené une carrière cinématographique idéale. C’est bien évidemment son rôle de Sonny Crockett dans la série tv MIAMI VICE qui fit de lui une star des années 80.
Au cinéma, seuls peut-être DEAD BANG de John Frankenheimer, TIN CUP avec Kevin Costner ou DJANGO UNCHAINED de Quentin Tarantino restent des œuvres intéressantes. Mais HOT SPOT donne réellement l’occasion à Don Johnson d’un rôle plus profond qu’il n’y paraît, un personnage au passé trouble venant de nulle part, incapable de résister à ses pulsions mais cherchant sincèrement à leur échapper.
Autour de Johnson, le reste du casting masculin est constitué de seconds rôles convaincants : Charles Martin Smith (la « grenouille » dans AMERICAN GRAFFITI, STARMAN, LES INCORRUPTIBLES…), Jerry Hardin (« Gorge Profonde » dans la série X-FILES), Barry Corbin (WAR GAMES, NO COUNTRY FOR OLD MEN…) ou bien encore William Sadler (58 MINUTES POUR VIVRE, LA LIGNE VERTE, IRON MAN 3…).
Des « gueules de cinéma » comme on le dit encore mais surtout des acteurs solides et marquants.
Pour sa bande originale
HOT SPOT est à marquer d’une pierre blanche pour sa bande originale. Mêlant jazz et blues, elle donne l’occasion de la première – et dernière – réunion des grands artistes que sont John Lee Hooker, Miles Davis, Taj Mahal, Tim Drummond et Roy Rogers. De grands noms de la musique dont le talent et la notoriété ont fait le tour du monde depuis bien longtemps.
Mais au delà de l’évènement que représente leur rencontre, la bande originale de HOT SPOT est d’une grande pertinence tant elle illustre à merveille la moiteur et la langueur du film.
Cette musique s’écoute et se savoure en dehors du film de Dennis Hopper avec autant de plaisir. Et comme sa (re)découverte se passe de longs discours, je vous invite à cliquer sans plus attendre sur le lien ci-dessous.
Bande originale du film HOT SPOT
Pour la réalisation soignée de Dennis Hopper
Disparu en 2010 et essentiellement connu en tant qu’acteur et cinéaste, Dennis Hopper était aussi un passionné d’art, engouement qu’il traduisit en exposant avec succès ses œuvres de peintre et de photographe. Son grand sens artistique transparaît dans le soin apporté à HOT SPOT.
Le film prouve à nouveau combien Hopper était un enfant du 7ème art. Démarrant sa carrière cinématographique comme acteur aux côtés de James Dean dans LA FUREUR DE VIVRE de Nicholas Ray, son caractère rebelle, ainsi que ses grandes dépendances à l’alcool et à la drogue l’éloignèrent souvent des plateaux hollywoodiens, malgré des participations remarqués dans des classiques comme GÉANT ou LUKE LA MAIN FROIDE.
Après avoir marqué l’histoire du cinéma – et participé au « Nouvel Hollywood » – avec EASY RIDER, Hopper connaîtra une traversée du désert dont il sortira avec son rôle « halluciné » dans BLUE VELVET de David Lynch en 1986. Sorti de ses « penchants destructeurs » à la même époque, il sera souvent abonné aux personnages malfaisants et hauts en couleur jusqu’à sa disparition, rôles qu’il jouera avec une démesure gourmande comme dans SPEED ou WATERWORLD.
Si HOT SPOT doit bien sûr ses qualités visuelles au directeur de la photographie Ueli Steiger, les qualités artistiques d’Hopper y ont grandement contribué. Tout comme ce mélange de classicisme et de non-conformisme en mettant en scène une histoire et des personnages dénués de toute morale.
Hopper choisit volontairement de ne pas placer son film dans une direction artistique trop évidente quant à une certaine temporalité. Les décors, véhicules et costumes du film pourraient très bien appartenir aux années 50/6O. L’idée est sans doute de lier un peu plus le film à l’époque du roman dont il s’inspire et de rendre hommages aux films noirs d’Hollywood…
L’acteur issu de l’Actors Studio réalisa, avec HOT SPOT, une œuvre fondamentalement noire tout en étant visuellement chaude et lumineuse. Un vrai polar jouissif et généreux envers le public qu’il est encore bon de découvrir ou de redécouvrir.
HOT SPOT (1990) de Dennis Hopper.
Avec Don Johnson, Jennifer Connelly, Virginia Madsen, William Sadler, Charles Martin Smith…
Scénario : Nona Tyson et Charles Williams, d’après le roman HELL HATH NO FURY de Charles Williams.
Musique : Jack Nitzsche avec John Lee Hooker, Miles Davis, Taj Mahal, Tim Drummond et Roy Rogers.
Crédits photos : © Orion Pictures