JOKER de Todd Phillips

l’histoire

Au début des années 80, Arthur Fleck (Joaquin Phoenix) est un comédien raté, vivotant entre un petit job ingrat de clown publicitaire et une mère mourante. Rêvant de participer au show télévisé de Murray Franklin (Robert De Niro), présentateur vedette qu’il admire, il sombre progressivement dans la folie…

rire qui tue

À nouveau, après AD ASTRA, une petite mise au point s’impose, comme le chantait Jackie Quartz.

Non, JOKER n’est pas un film de super-héros, comme l’imaginaient sans doute des cinéphages contestataires ou autres gardiens du temple et accrocs de comics, soucieux de se démarquer sur la toile en témoignant leur grand mécontentement après les nombreuses louanges – et prix – collectées par le film depuis ses premières diffusions auprès de la presse et du public.

Inspiré bien sûr de multiples comics et graphic novels publiés par DC Comics depuis des décennies, et mettant en vedette le psychopathe grimaçant Joker, ennemi n°1 de Batman, le film de Todd Phillips est une interprétation des origines du personnage, et non une énième version de héros en costume spandex comme Marvel nous en abreuvent depuis une dizaine d’années.

Version « réaliste » du démoniaque personnage, à la manière dont Christopher Nolan avait proposé sa vision du Caped Crusader avec la trilogie DARK KNIGHT, JOKER trouve plus ses inspirations dans les meilleurs films américains des années 70, comme TAXI DRIVER et LA VALSE DES PANTINS de Martin Scorsese, ou SERPICO et NETWORK de Sydney Lumet, que dans SPIDER-MAN ou AVENGERS.

Difficile donc de ne pas rire aux éclats devant les atermoiements de geeks pleurnichards, se lamentant de ne pas voir leur bad guy favori en pleine action, à grand coup de costumes colorés et de maquillage inquiétant, si ce n’est en fin de film…

JOKER ne laisse pas indifférent, s’adressant à un bien plus large public que ses origines graphiques ne laisseraient imaginer. Œuvre (très) sombre, cette histoire raconte la descente aux enfers d’un homme (très) abimé par une vie faîte de drames, de désespoir et d’injustice.

Bien sûr, les fans apprécieront les multiples allusions et éléments du récit, directement liés à l’univers de Batman. Ce qui n’empêchera pas les néophytes d’être captivés par le film et l’impressionnante performance de Joaquin Phoenix.

En effet, on pensait à tort qu’après l’extraordinaire version d’Heath Ledger le Joker ne pourrait trouver une aussi redoutable incarnation. Sans pour autant faire oublier celle de l’acteur tragiquement disparu, l’interprétation de Phoenix  offre au Joker une nouvelle et bouleversante vision, plus proche d’une certaine véracité.

La brillante incarnation de Joaquin Phœnix, bluffant d’implication, aboutit à un personnage d’une grande complexité. Tour à tour bouleversant, attachant et terriblement inquiétant, « son » Joker est impressionnant et ne peut laisser indifférent.

Ancré dans des années 70 / 80 grises, synonymes d’une réalité sociale sans espoir, et, paradoxalement, reflets à peine déformés de notre triste époque, JOKER est aussi le constat amer d’une société où les démunis et autres laissés-pour-compte de la société n’ont pas droit à la parole.

Malgré ce qui a déjà été affirmé, le film de Todd Phillips n’est pas une façon d’expliquer – et d’excuser – les actes d’un individu basculant dans une folie sans espoir de rédemption. Le personnage d’Arthur Fleck a, hélas, des prédispositions qui l’amèneront à devenir le Joker.

Comme le démontrait brillamment le comics THE KILLING JOKE, nous vivons tous en équilibre au bord du vide. Personne n’est à l’abris  d’un drame ou d’une série d’évènements provoquant sa chute. Mais chaque individu n’en tirera pas la même interprétation ni ne réagira de la même manière.

JOKER ne prétend nullement donner de leçons sur l’existence mais offre la vision d’une descente aux enfers irreversible.

Impliquant les spectateurs dès les premières scènes, nous plaçant parfois à la place de son anti-héros tragique ou dans la position du voyeur passif, le film est un éprouvant parcours, provoquant l’empathie et le malaise.

Pour ma part, je suis sortie épuisé de cette séance, comme vidé par la tension nerveuse que JOKER provoque. Loin des adaptations de comics légères auxquelles Hollywood nous a trop souvent habitué, le film de Todd Phillips  est une œuvre forte et éprouvante, prenant d’étranges raisonnances avec notre société et l’actualité récente.

Noir et profond, JOKER mérite amplement ses prix et son succès international. Mais il n’en demeure pas moins un film dont on ne ressort pas indemne.

 

JOKER (2019) de Todd Phillips.
Avec Joaquin Phœnix, Robert De Niro, Zazie Beetz, Frances Conroy…
Scénario : Todd Phillips et Scott Silver, d’après le personnage du Joker créé par Bill Finger, Bob Kane et Jerry Robinsonm.
Musique : Hildur Guðnadóttir.

Crédits photos : © Warner Bros

 

BANDE-ANNONCE

3 commentaires Ajoutez le vôtre

  1. princecranoir dit :

    Je souscris pleinement à cette conclusion.

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  2. rp 1989 dit :

    Je ne l’ai pas vu mais je pense le voir à tête reposée en dvd, quand la hype sera retombée. Merci pour ton avis :)!

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    1. Oui, je comprends. Mais sincèrement, cela vaut bien plus qu’un simple effet de mode. Phœnix y est très impressionnant… Mais encore une fois, le film retourne le cœur et l’esprit…

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