Retour sur un classique du polar, à la fois thriller psychologique et saisissant film d’action : HEAT de Michael Mann, devenu une référence en la matière, alliant film d’auteur et blockbuster.
Michael Mann, le perfectionniste
Scénariste et réalisateur de HEAT, Michael Mann est né en 1943 à Chicago. Son parcours démarre dans les années 70 en tant que scénariste sur des séries tv policières comme STARSKY & HUTCH ou VEGAS.
Il se tourne vers la mise-en-scène en 1980 avec le téléfilm COMME UN HOMME LIBRE, distribué en salles en Europe. Puis, vient le polar LE SOLITAIRE avec James Caan, présenté au Festival de Cannes en 1981.

2 ans plus tard, le tournage mouvementée du film fantastique LA FORTERESSE NOIRE freine sa carrière cinématographique. Mann renoue avec le succès en créant la série tv « clipesque » MIAMI VICE / DEUX FLICS À MIAMI.
Offrant une esthétique inédite à la télévision, accompagnée des tubes musicaux de l’époque, MIAMI VICE va marquer son temps et offrira une certaine autonomie financière à son créateur. Celui-ci revient alors au cinéma avec LE SIXIÈME SENS / MANHUNTER (à ne pas confondre avec le film fantastique avec Bruce Willis), tiré du roman DRAGON ROUGE de Thomas Harris et première apparition d’Hannibal Lecter avant LE SILENCE DES AGNEAUX.
Le film est boudé par le public malgré ses évidentes qualités mais deviendra culte avec le temps. Dans les années 90, Michael Mann réalisera LE DERNIER DES MOHICANS, HEAT et RÉVÉLATIONS qui rencontreront tous les 3 un succès critique et commercial.
En 2004, COLLATERAL, avec Tom Cruise et Jamie Fox, deviendra son plus grand succès cinématographique et lui permettra d’innover sa mise-en-scène, sur le plan technique, en tournant plusieurs séquences à l’aide d’une caméra vidéo HD.
Des origines télévisuelles et criminelles
À l’origine, HEAT est le remake cinématographique du téléfilm L.A. TAKEDOWN que réalisa Michael Mann et qui fut diffusé sur la chaîne NBC en 1989.
Uniquement distribué en vidéo en France, L,A. TAKEDOWN – également nommé MADE IN L.A. ou CRIMEWAVE – relate à quelques détails près là même histoire que HEAT. Soit un récit lui-même inspiré d’une affaire criminelle ayant eu lieu à Chicago, au début des années 60.
Probablement frustré par les moyens limités que lui permettaient une production télévisuelle, Mann choisit d’adapter son propre téléfilm pour une production d’envergure et une distribution 5 étoiles.
Duel à L.A.
L’action de HEAT se déroule à Los Angeles, alors que Neil McCauley (Robert De Niro), à la tête d’un gang de truands, organise et exécute le braquage d’un fourgon blindé. Mais l’engagement d’un nouveau membre, violent et imprévisible, provoque plusieurs morts durant l’attaque.
Vincent Hanna (Al Pacino), un flic de la police criminelle, est mis sur l’enquête. Les vies privées et « professionnelles » de McCauley et Hanna sont alors mises en parallèle, dévoilant les antagonismes et similitudes des deux hommes.
Le polar devient alors un véritable duel entre les deux hommes, prenant des allures de western urbain fataliste, alors qu’un respect réciproque se mêle à leur affrontement.
Pacino vs de niro
Plusieurs acteurs seront envisagés dans un premier temps pour incarner Vincent Hanna et Neil McCauley : Nick Nolte et Jeff Bridges, Mel Gibson et Kevin Costner… Les deux rôles principaux furent finalement tenus respectivement par Al Pacino et Robert De Niro, ancrant un peu plus le film dans les années 70.

HEAT donna ainsi l’occasion de réunir à nouveau les deux célèbres acteurs après LE PARRAIN II de Francis Ford Coppola en 1974, film dans lequel ils jouèrent… sans jamais avoir de scènes en commun !
Une belle distribution d’acteurs fut mise en place autour du duo vedette : Val Kilmer (THE DOORS, BATMAN FOREVER, L’OMBRE ET LA PROIE…), Tom Sizemore (TRUE ROMANCE, IL FAUT SAUVER LE SOLDAT RYAN…), Wes Studi (LE DERNIER DES MOHICANS, DANSE AVEC LES LOUPS…), Ted Levine (LE SILENCE DES AGNEAUX, SHUTTER ISLAND…), Jon Voigt (MACADAM COW-BOY, DÉLIVRANCE, MISSION : IMPOSSIBLE…)…

Les actrices ne furent pas oubliées pour autant : le casting réunit Diane Venora (WOLFEN, COTTON CLUB, BIRD…), Ashley Judd (SMOKE, LE COLLECTIONNEUR, DIVERGENTE…), Amy Brenneman (BYE BYE LOVE, DAYLIGHT, 88 MINUTES…) et Natalie Portman, tout juste révélée par LÉON de Luc Besson.
Rencontre au sommet
HEAT compte de nombreuses séquences impressionnantes. Mais la scène mythique, que le public attend depuis longtemps, est bien évidemment la rencontre des deux personnages principaux – Hanna / Pacino et McCauley / De Niro – dans un bar.
Ce moment survient après plus d’une heure de film, alors qu’Hanna propose à McCauley une trêve dans leur incessante lutte. Les deux antagonistes se retrouvent donc dans un bar, la nuit, autour d’un café, échangeant sur leurs vies respectives, leurs échecs et ce qui les attend au bout de leur affrontement.
Contre toute attente, Michael Mann choisit de ne pas cadrer ses deux stars dans le même plan. Il va utiliser deux caméras, dans le principe du champ / contre-champ, faisant apparaître De Niro ou Pacino l’un après l’autre à l’écran.
Cette scène est devenu depuis l’une des plus mythiques du 7ème art, de par son côté culte (la première rencontre Pacino / De Niro à l’écran) et la tension sous-jacente derrière une apparente tranquillité.
Michael Mann a joué habilement avec l’attente du public pour finalement l’inclure dans la trame du film. On lui reprochera à tort de ne pas avoir filmer les deux acteurs dans le même plan. Il argumentera la notion de « rivalité » des personnages, précisant que ce choix artistique induit l’idée que ces deux hommes sont à la fois égaux et différents.
Certains éléments de dialogue permettent aussi d’en déduire la fin du film.
Champ de guerre en plein l.a.
L’un des morceaux de bravoure de HEAT reste l’attaque de la banque de jour dans Los Angeles. D’une frénésie et d’une maestria digne d’une chorégraphie réglée au millimètre près, cette séquence nécessita un tournage étalé sur une dizaine de jours.
Il n’était pas question, en effet, de bloquer les voies principales de la grande cité durant plusieurs jours. Le tournage eut donc lieu aux petites heures du matin, sur 5 week-ends, afin de profiter d’une moindre circulation afin d’éviter une trop grande gêne.
Chaque acteur bénéficia pour l’occasion d’un entraînement spécial au maniement des armes, tout en se déplaçant rapidement. Un spécialiste et vétéran de la Guerre du Golfe, Andy McNab, assista Mann pour instruire le casting et superviser la séquence.
LE HIT DE HEAT
HEAT va connaître un succès critique et commercial, devenant une référence du polar et un autre succès personnel pour Michael Mann au cours des années 90 après LE DERNIER DES MOHICANS (1992) et avant RÉVÉLATIONS (1999).
Partant d’une trame classique – l’affrontement d’un flic et d’un truand – le film se démarque par son traitement visuel, son montage, ses séquences devenues cultes et son casting parfait.

Se rapprochant d’un traitement proche d’un Jean-Pierre Melville, HEAT dépasse les invraisemblances, malgré sa démesure, et parvient à maintenir l’attention sans s’encombrer de scènes inutiles.
Ses personnages principaux, comme secondaires, sont écrits et interprétés avec véracité. Et comme toujours chez Michael Mann, l’environnement est sublimé par un soin de l’image et de son traitement.
Film prenant et indémodable près de 25 ans après sa sortie, HEAT est incontournable du cinéma, bien au delà de son statut de polar classique.
HEAT (1995) de Michael Mann.
Avec Robert De Niro, Al Pacino, Val Kilmer, Tom Sizemore, Dianne Venora, Amy Brenneman, Natalie Portman, Wes Studi, Ted Levine, Tom Noonan, John Voigt…
Scénario : Michael Mann. Musique : Michael Brook, Brian Eno, Elliot Goldenthal, Moby et Terje Rypdal.
Crédits photos : © Warner Bros
Oui là on touche au chef d’œuvre c’est certain, avec un film imprégné d’une mélancolie sourde. Le flic comme le truand ont des vies personnelles dévastés, ils sont littéralement piégés dans leur condition et contraints à la dualité et à l’affrontement. C’est vraiment très beau, et en effet ça n’a pas pris une ride.
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