40ème chronique en mode rapido, avec par ordre d’apparition : un classique du polar social, un « whodunit » aux nombreux rebondissements et un thriller en haute mer.
L’ÉTRANGLEUR DE BOSTON (1968) de Richard Fleischer
Au début des années 60 à Boston, une vague de crimes sordides s’abat sur la ville. Alors que les investigations du procureur Bottomly (Henry Fonda) et du détective DiNatale (George Kennedy) ne donnent aucun résultat, Albert DeSalvo (Tony Curtis), un modeste plombier, présente d’inquiétants signes de schizophrénie…
Devenu avec les années un classique du genre, L’ÉTRANGLEUR DE BOSTON a gardé ses aspects à la fois sociologique et terrifiant. Inspiré de personnages et de faits réels, le film de Richard Fleischer (20 000 LIEUES SOUS LES MERS, LES VIKINGS…) s’apparente par moments à un documentaire sans pour autant négliger les dimension cinématographique et anxiogène du récit.
Le metteur-en-scène évite toutefois les côtés trop sordides de l’affaire en s’abstenant d’illustrer dans le détail les crimes d’Albert DeSalvo. Mais la violence psychologique est bien là et présente toujours, plus de 50 ans plus tard, un réel côté dérangeant.
Si le malaise que procure le film est indéniable, L’ÉTRANGLEUR DE BOSTON n’en demeure pas moins un très bon suspense, prenant jusqu’à la fin. Typique du cinéma américain de l’époque et de l’avènement du thriller urbain, avec des œuvres comme BULLITT ou L’INSPECTEUR HARRY, le film bénéficie d’une mise-en-scène efficace – l’utilisation du split screen est un choix judicieux pour placer le spectateur au cœur des situations – tout en privilégiant une sobriété certaine.
Disposant d’un solide casting (Henry Fonda, Murray Hamilton, Sally Kellerman, George Kennedy…), L’ÉTRANGLEUR DE BOSTON est soutenu par la performance de Tony Curtis. Impressionnant dans ce rôle ambigu et repoussant d’un bon père de famille devenant un meurtrier sadique et méprisable, l’acteur offre ici l’une de ses meilleures interprétations, si ce n’est la plus marquantes.
Fleischer du l’imposer contre l’avis de la production, alors que Curtis enchaînait les comédies sentimentales à l’époque. Très loin du Danny Wilde d’AMICALEMENT VÔTRE qui l’a rendu très populaire en France, il donne ici toute la dimension de son talent dans un rôle très sombre, sans verser dans la caricature ni l’empathie forcée.
PIÈGE MORTEL (1982) de Sydney Lumet
Jadis auteur de pièces de théâtre à succès, Sidney Bruhl (Michael Caine) est en perte de vitesse. Il voit dans le brillant manuscrit de Clifford Anderson (Christopher Reeve), l’un de ses étudiants, l’occasion de renouer avec le succès. Mais pour s’octroyer le texte en question, il faut se débarrasser de son auteur…
À l’origine de cet excellent thriller psychologique, teinté d’humour (noir), il y a DEATHTRAP, une pièce de théâtre de 1978 écrite par Ira Levin, auteur principalement connu pour son roman fantastique ROSEMARY’S BABY, adapté au cinéma par Roman Polanski en 1968. D’autres écrits d’Ira Levin furent transposés au cinéma comme THE STEPFORD WIVES en 1975 ou SLIVER en 1993.
Avec PIÈGE MORTEL, Sidney Lumet (SERPICO, 12 HOMMES EN COLÈRE…) offre un véritable suspense que n’aurait pas renié Alfred Hitchcock. L’unité de lieu – un manoir cossu à la campagne – rappelle bien sûr que le scénario se base sur une pièce de théâtre. Mais l’excellence de la mise-en-scène et l’interprétation parfaite des acteurs donnent à l’ensemble un rythme indéniable.
Véritable jeu du chat et de la souris aux nombreux rebondissements et « twists » savoureux, PIÈGE MORTEL n’est pas sans rappeler LE LIMIER de Joseph L. Mankiewicz (L’AVENTURE DE MADAME MUIR, SOUDAIN L’ÉTÉ DERNIER…) dans lequel jouait déjà Michael Caine.
Duo pivot du film, Michael Caine et Christopher Reeve sont remarquables et en surprendront plus d’uns et plus d’unes, parmi ceux et celles qui ne connaissent pas PIÈGE MORTEL.
Pépite du polar psychologique, PIÈGE MORTEL se déguste tel un plat raffiné jusqu’à l’inattendu dénouement.
CALME BLANC (1989) de Philip Noyce
Après la disparition de leurs fils dans un tragique accident de voiture, John et Rae Ingram (Sam Neill et Nicole Kidman) partent en mer sur leur voilier pour tenter de se reconstruire. Ils croisent un jour le seul rescapé d’un bateau en perdition…
Sorti en France durant l’été 1989, CALME BLANC révéla le réalisateur australien Philip Noyce (JEUX DE GUERRE, SLIVER…) l’actrice Nicole Kidman (avant chirurgie plastique) et l’acteur Billy Zane, aperçu dans RETOUR VERS LE FUTUR mais dont la carrière suivante fut hélas remplie de DTV et autres films de secondes zones.
Véritable huis clos étouffant en pleine mer et sous le soleil, CALME BLANC n’a rien perdu de sa haute teneur anxiogène. Les premières minutes placent d’emblée les spectateurs dans l’atmosphère dramatique du film.
Au début sombre et tragique du récit viennent s’opposer les images lumineuses d’un voilier perdu dans l’océan. Comme pour mieux dissimuler la noirceur des évènements à venir…
Les solides interprétations du trio d’acteurs Sam Neill, Nicole Kidman et Billy Zane, ainsi que la réalisation soignée et sèche de Noyce sont les atouts majeurs du film. Dans un rôle en apparence fragile, Kidman impressionne par la force qu’elle dégage. Son personnage, meurtri par la vie et le danger brutal d’une situation inextricable, use toutes ses ressources pour survivre. Et l’actrice offre ici l’une de ses plus belles incarnations à l’écran.
À ses côtés, Sam Neill, en époux protecteur et pris au piège, est convaincant. Mais c’est certainement Billy Zane, et ses faux airs de Brando jeune, qui marque CALME BLANC de son jeu nerveux et imprévisible. Menace déstabilisante, faîte de séduction animale et de sadisme, il donne ici une image impressionnante du mal et de la folie.
Meilleur film de Philip Noyce, au récit simple en apparence mais d’une force indéniable, CALME BLANC se voit et se revoit sans modération. Sauf si vous avez l’intention de prendre la mer…