Séries TV : WESTWORLD / JETT / WATCHMEN

Alors que le cinéma se perd parfois dans une certaine médiocrité routinière, les séries télé démontrent, depuis plusieurs années, une réelle recherche de la qualité, tant visuelle que scénaristique.

Décryptage de 3 productions télévisuelles parmi les plus intéressantes du moment. Et parmi les plus cinématographiques.

 

WESTWORLD

Dans un futur proche,  Westworld est un immense « parc d’attractions » destiné aux adultes fortunés. Peuplé d’androïdes évoluant dans un décor isolé et recréant la conquête de l’Ouest à la fin du XIXème siècle, le lieu conjugue cinéma et jeu vidéo pour un public en manque de sensations. Mais tout ne se passe pas comme prévu et certains robots, reprogrammés, gardent en eux des souvenirs de leurs anciennes existences…

L’origine de WESTWORLD remonte au début des années 70. L’écrivain, cinéaste et scénariste Michael Crichton (JURASSIC PARK, URGENCES, CONGO, HARCÈLEMENT…) met en scène un film reprenant le même canevas, avec Yul Brynner dans le rôle d’un cow-boy tueur, tout de noir vêtu et lointain parent du Terminator.

Sorti en 1973, le film va marquer le public puis connaîtra, 3 ans plus tard, une suite dispensable (LES RESCAPÉS DU FUTUR) et une tentative d’adaptation en série tv au début des années 80 qui fut abandonnée.

Il faut attendre les années 2010 pour qu’un nouveau projet de série tv voit le jour. Créé par Jonathan Nolan – frère de Christopher Nolan et scénariste, entre autres, sur la trilogie Dark Knight – et sa femme Lisa Joy, la série est produite par JJ Abrams, Bryan Burk et Jerry Weintraub. Quant au casting, il est digne d’une production cinématographique : Anthony Hopkins, Ed Harris, Thandie Newton, Jeffrey Wright,  Evan Rachel Wood, James Marsden…

Suivant quelque peu la trame du film d’origine, sur une dizaine d’épisodes pour chacune des deux premières saisons,  WESTWORLD se démarque par sa manière d’aborder le sujet de l’Intelligence Artificielle dans un monde futur. Les personnages centraux se situent cette fois parmi les androïdes sophistiqués du parc, miroirs de nos propres existences.

En prenant « conscience » de leurs statuts d’être artificiels, reprogrammés après chaque cycle proposé pour les nouveaux visiteurs, les robots de Westworld réalisent combien leurs vies sont futiles. Véritable quantité négligeable aux yeux de créateurs se comportant tels des dieux, ces machines, programmés pour les instincts les plus bas de l’humanité, vont chercher un sens à leur existence.

Mise en abîme de notre propre condition, WESTWORLD est une série soignée dans son traitement visuel, très violente tout en privilégiant une profonde et passionnante réflexion.

Malgré ses indéniables qualités et ses rebondissements, la trame connaît aussi des longueurs, principalement lors des affrontements psychologiques des créateurs du parc qui, loin d’être inutiles, donne parfois l’impression de diluer le récit pour tenir sur 10 épisodes.

On a ainsi droit aux longues séquences d’affrontement psychologiques entre deux protagonistes, avec alternance de gros plans et de travellings latéraux dans des décors néo futuristes et cette désagréable sensation de revoir une scène que l’on a déjà vu dans l’épisode précédent.

Diffusée sur HBO depuis 2016, la série connaît un véritable succès critique et public, amenant la production d’une 3ème saison prévue pour mars 2020.

Création : Jonathan Nolan et Lisa Joy pour HBO.
Avec Anthony Hopkins, Evan Rachel Wood, Thandie Newton, Jeffrey Wright, James Marsden, Ed Harris…

 

JETT

Daisy Kowalski (Carla Gugino) , alias « Jett », est une cambrioleuse de haut vol dont la réputation d’excellence n’est plus à faire dans le milieu. À peine sortie de prison, elle souhaite tirer un trait sur son passé et s’occuper de sa petite fille. Mais le truand Charlie Baudelaire (Giancarlo Esposito) l’oblige à participer au vol d’un bijou…

JETT est un cas à part dans la tendance des séries actuelles. Si l’intrigue est tortueuse et nécessite une attention soutenue dès le 1er épisode, l’atmosphère qui s’en dégage relève plus du polar vintage des années 70 que du concept high-tech. L’intrigue reste classique – l’héroïne cherche en vain à tirer un trait sur son passé trouble – mais l’attention soutenue quant aux personnages et au design se rapproche d’un traitement cinématographique.

Certes, cette recherche de l’esthétique est commune à de nombreuses productions télévisuelles actuelles. Mais JETT ne ressemble à aucune autre série, dans le fond comme dans la forme.

On pense ainsi au Tarantino de JACKIE BROWN, violent mais profond, et à l’univers de l’écrivain Elmore Leonard (dont JACKIE BROWN est inspiré). De plus, le personnage principal offre un superbe rôle à l’actrice Carla Gugino. Très crédible dans son personnage de « reine du cambriolage » cherchant à prendre une autre direction dans sa vie, elle apporte tout à la fois la profondeur et le sex-appeal nécessaires à Daisy Kowalski.

Si les mauvaises langues diront que l’après MeToo se ressent encore ici, force est de reconnaître que ce rôle « badass » aurait été attribué à un homme il y a encore peu de temps, bien que des femmes à poigne telles Sarah Connor ou Ripley ont changé la donne depuis longtemps.

Attribuer le personnage de Jett à une femme relève de la pertinence : à 40 ans, cette héroïne a le profond désir d’apaiser son existence mouvementée et de prendre soin d’une petite fille que la prison a déjà trop éloigné.

Attention, l’idée n’est pas de rentrer dans les clichés sexistes par trop évidents ! Jett est une femme indépendante, de caractère, consciente des risques que représentent son activité et ses relations. Mais les flashbacks de la série nous permettent de comprendre son envie d’autre chose et de sérénité.

Jett est ainsi une héroïne plus complexe qu’on ne pourrait le croire en premier lieu. Et le second intérêt de la série, après celui d’attribuer le personnage principal à une femme, est de nous présenter un portrait riche et complexe, ni totalement bon ni totalement mauvais.

Création : Sebastian Gutierrez pour Cinemax.
Avec Carla Gugino, Giancarlo Esposito, Elena Anaya, Michael Aronov…

 

WATCHMEN

Dans un présent et une réalité alternative où les États-Unis ont Robert Redford pour président, la communauté noire semble parfaitement intégrée à la société. Mais derrière des apparences idylliques, un mystérieux groupuscule multiplie les actions racistes. Quelques « vigilantes » prennent exemple sur les Minutemen des années 40 et sur les Watchmen des années 70/80 pour combattre le crime. Mais certains ex Watchmen refont surface…

Tenter de résumer la série WATCHMEN en quelques lignes n’est pas une mince affaire. De la même façon qu’il est pratiquement impossible de résumer le comics WATCHMEN en quelques mots.

Œuvre phare des comics – ou romans graphiques – publiée à ´origine dans les années 80, le chef d’œuvre d’Alan Moore et Dave Gibbons connut une adaptation cinématographique par Zack Snyder en 2009. Rejetée par les fans malgré une grande fidélité visuelle, WATCHMEN version ciné reste, à mon humble avis, un film qui peut désarçonner sans pour autant être ratée…

Toujours est-il que l’incontournable matériau d’origine – le comics, donc – demeure un grand moment dans l’histoire de la bande dessinée mondiale. Une date qui a énormément influencé le 9ème art dans les années qui suivirent. Et l’influence encore aujourd’hui.

Avec cette adaptation en série tv d’une dizaine d’épisodes, se voulant plus une suite du récit d’origine située 35 ans plus tard, les auteurs ont préféré développer la dystopie proposée dans le comics WATCHMEN que de réadapter le postulat de Moore et Gibbons.

Il n’est donc pas obligé de connaître le WATCHMEN d’origine pour apprécier la série… mais cela reste, à mes yeux, vivement conseillé ! En effet, les personnages et autres évènements ramenant au comics sont présents dans cette nouvelle histoire très (trop ?) complexe. Savoir « qui est qui » ou « qui a fait quoi dans le passé » pourra vous aider à suivre de façon plus linéaire les tortueuses ramifications de l’intrigue et ses multiples flashbacks.

S’il est vrai que les films ont une facheuse tendance à trop vouloir tout expliquer dans le détail de nos jours, la série WATCHMEN semble se complaire dans l’intriguant et l’obscure. Il vous faudra être (très) attentif à l’intrigue et ne perdre aucune miette du récit pour saisir enfin ce qui vous est proposé.

D’un soin esthétique et d’une maturité indéniable, la série WATCHMEN peut également rebuter à trop jouer l’étiquette élitiste auprès du public. Reste un casting et une interprétation impeccable, et un scénario qui nécessite peut-être une seconde lecture (au moins) pour l’apprécier pleinement. Si le plaisir n’est pas vraiment au rendez-vous, le récit fait réfléchir et la série se démarque par sa recherche de qualité.

Création : Damon Lindelof pour HBO.
Avec Don Johnson, Regina King, Jeremy Irons, Tim Blake Nelson, Lou Gosset Jr…

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