Nouveau billet d’humeur où les festivités cinématographiques françaises prennent une direction pitoyable.
Polémique victoires
Il y a bien longtemps que je n’ai pas regardé la cérémonie des Césars. Je l’ai déjà évoqué sur ce blog. S’il m’est arrivé de la suivre à ses débuts, cette triste auto-congratulation d’un cinéma français qui ne m’intéresse plus – ou presque – depuis longtemps m’indiffère au plus haut point.
Comme certains et certaines d’entre vous je pense, je m’informe des résultats, satisfait si un film, un acteur ou une actrice que j’apprécie a obtenu un ou plusieurs prix pour son talent ou ses qualités. J’ai l’air de me contredire devant vous, je sais bien. Les contrastes de mon âge avancé, probablement…
Or donc, un César du meilleur réalisateur est attribué en cette année 2020 au cinéaste Roman Polanski pour son dernier film, que je n’ai pas vu mais que nombreux et nombreuses ont trouvé réussi. Un réalisateur dont le parcours est parsemé de films phares : ROSEMARY’S BABY, LE BAL DES VAMPIRES, CHINATOWN, LE LOCATAIRE… Mais aussi .un homme sur qui pèsent plusieurs cas de viol et de pédophilie, depuis une affaire datant de 1973 et plusieurs autres récentes accusations.
« C’est un grand artiste, il faut séparer l’homme du cinéaste » peut-on lire et entendre depuis les débuts de l’affaire. Des indignations venant surtout de France, pays des Droits de l’Homme et d’une Révolution devenue « Fête Nationale » pour oublier la boucherie monstrueuse qu’elle a engendré.
L’oubli plus que la prise de conscience. L’hypocrisie plus que l’honnêteté. Une tradition bien de chez nous, pour ne pas dire un sport national depuis la fin de la Seconde Guerre Mondiale, et même bien avant.
Au début de l’affaire DSK, certains politiques s’étaient indignés. Ainsi, ce brave Jack Lang déclarait dans une interview, minimisant les faits : « Tout de même, il n’y a pas mort d’homme ! ». Ben non Jack, il y a agression sexuelle. On appelle ça un viol. Il n’y a pas de cours pour éviter les boulettes quand on apprend le Droit international ?
En 2003, après le meurtre de Marie Trintignant par cette bouse de Bertrand Cantat, son assassin avait purgé une peine de 4 ans de prison. 4 années pour une vie volée. C’est bien peu pour avoir massacré une femme à coups de poings
Le « courageux » torchon bobo pseudo intello LES INROCKUPTIBLES – ceux qui nous apprennent vraiment à nous cultiver – avait consacré la une du journal, ainsi qu’un long article, à celui qui osait encore s’afficher comme si de rien n’était. « Sans intention de blesser ou de nuire… » s’était alors défendu ce fleuron de la presse exigeante. Écœurant.
En France, donc, on peut agresser, violer ou tuer une femme sans trop s’inquiéter : si l’on est considéré, avant toute chose, comme un artiste ou comme un « élu politique », il y aura toujours de grands penseurs pour minimiser les faits.
Il y a tout de même des moments où le bon sens serait de mise. Doit-on tout pardonner à un criminel sous le nauséeux prétexte qu’il sait mentir à ses concitoyens, tenir une guitare, un pinceau ou une caméra ? À défaut de s’impliquer dans un camp ou dans un autre, puisqu’on en est là, en France, en 2020, ne serait-il pas plus juste d’honorer les victimes et non les assassins ?
Que les choses soient claires : je ne m’improvise ici ni juge ni bourreau. Mais célébrer un homme impliqué dans plusieurs graves affaires, qu’il soit réalisateur de quelques grands films ou non, c’était clairement afficher du mépris quant aux victimes d’agressions sexuelles.
Car il n’était pas question ici, avec ce « trophée », de primer un film mais bien de célébrer son metteur-en-scène.
Ce qui est sûr, c’est qu’il y avait probablement d’autres moyens de faire des audiences records – la meilleure depuis longtemps en ce qui concerne les Césars – et de venir titiller la soif de polémique et de « sang » d’un public friand de la misère humaine.