Retour sur l’un des films les plus emblématiques de sa génération, véritable pierre blanche de la science-fiction au cinéma, tant au niveau de ses effets spéciaux que de son impeccable réalisation : TERMINATOR 2 de James Cameron.
Une suite non prévue
Si TERMINATOR n’a pas connu un succès immédiat lors de sa sortie américaine en 1984, l’obtention du Grand Prix du Festival d’Avoriaz en France, en janvier 1985, lui a permis de décoller et de connaître un regain d’intérêt auprès du public international.

Pour James Cameron, c’est le début de la reconnaissance à Hollywood. En 1986, il enchaînera avec ALIENS, la suite guerrière et réussie du ALIEN de Ridley Scott. Puis viendra un projet plus personnel en 1989 : ABYSS, impressionnant film d’action et de SF. Pourtant, au delà de son enjeu pacifiste et de ses ambitions, ce dernier film ne trouvera pas son public.
Au début des années 90, Cameron connaît une impasse. Se remettant difficilement de l’éprouvant tournage d’ABYSS et de son échec commercial, il est recontacté par Arnold Schwarzenegger qui lui connaît une période prospère, enchaînant les succès avec une série de blockbusters. « Quand commençons-nous TERMINATOR 2 ? » lui demande le costaud teuton.

Cameron lui répond régulièrement par la négative. Il n’a jamais envisagé de donner une suite à TERMINATOR. Pour lui, la course-poursuite entre le T-800 et Sarah Connor tient en 1 film, avec un début et une fin.
Bien sûr, certaines de ses idées n’y étaient pas développées pour de simples raisons budgétaires. Ainsi, le cinéaste envisageait, dans un premier temps, de faire s’affronter 2 Terminators, l’un venant du futur pour éliminer Sarah Connor, l’autre pour la protéger… Malgré ses refus réguliers, Schwarzenegger va relancer Cameron jusqu’à ce qu’il finisse par craquer et accepte de donner une suite à ce qu’il considère aujourd’hui comme son seul et premier film.

Doit-on y voir aujourd’hui la force de persuasion de Schwarzy ou la nécessité pour James Cameron de se refaire une santé financière et professionnelle après les résultats en demi-teintes d’ABYSS ? Je vous laisse réfléchir sur cette question. Vous avez deux heures.
Production tendue et amertume
L’un des points cruciaux que James Cameron met en avant pour son manque d’enthousiasme initiale quant à TERMINATOR 2 tient en un nom : Hemdale. Le cinéaste a une grande rancœur contre la société de production du premier TERMINATOR.
Hemdale ne l’a pas soutenu lors de la sortie de l’opus 1 en 1984. Après lui avoir refusé le mixage sonore du film en stéréo par soucis d’économie, Hemdale refuse d’investir plus d’argent dans la promotion du film.

Enfin, chez Hemdale, on refuse de défendre Cameron dans les accusations de plagiat lancées contre le réalisateur (voir l’article sur TERMINATOR). Autant de raisons qui ne motivent pas le cinéaste.
Ce dernier va, dans un premier temps, envisager de confier la réalisation de T2 à un autre, se contentant de produire et superviser le film, à la manière de George Lucas sur la saga STAR WARS. Martin Campbell (GOLDENEYE, LE MASQUE DE ZORRO, CASINO ROYALE…) sera ainsi contacté par James Cameron.

Alors que le projet de T2 avance difficilement, Mario Kassar, le patron de la société Carolco, rencontré par Cameron lors de l’écriture du scénario de RAMBO 2, fait une offre alléchante au réalisateur.
Kassar a racheté les droits de TERMINATOR à la société Hemdale et propose 6 millions de dollars à Cameron ! Ce dernier accepte sans hésiter, soucieux de remonter la pente après l’échec d’ABYSS et sûr de mettre en scène une suite qui ne sera pas cheap.
Date limite
Si Kassar laisse le champ libre à James Cameron quant au scénario de T2, il lui impose une date butoire pour la sortie du film. On est à l’automne 1989 et le film est prévu dans les salles pour juillet 1991 ! Un temps très court pour un tel projet.

Cameron et William Wisher, déjà co-scénariste sur TERMINATOR, retroussent leur manche et discutent du récit de cette suite. Plusieurs pistes, tournant autour du voyage dans le temps, sont envisagées sans convaincre les deux hommes.
Se rapprochant trop de RETOUR VERS LE FUTUR, ces récits sont écartés pour revenir à une structure plus proche du 1er film.

Au final, Cameron a jeté les bases de son scénario : si le premier film voyait un T-800 venir du futur pour tuer, dans le présent, la mère du futur leader humain contre les machines, TERMINATOR 2 présente un T-800 envoyé pour défendre les Connor mère et fils contre un T-1000, modèle plus sournois capable de changer d’apparence à volonté.
Reste à convaincre les deux acteurs principaux de revenir…
Acteurs d’origine et script en urgence
Alors qu’elle s’apprêtait à tourner HIGHLANDER 2, Linda Hamilton a la bonne idée de refuser pour accepter l’invitation de Cameron. C’est elle qui demande au réalisateur de faire évoluer radicalement son personnage. Exit la jeune serveuse effrayée à la choucroute 80’s ! Elle veut interpréter une héroïne badass, aux limites de la folie !

Cameron lui fera suivre un entraînement sportif intensif pour incarner la « nouvelle » Sarah Connor : aérobic, jogging, trampoline et bodybuilding 6 jours par semaine pendant plus de 3 mois, avec le suivi d’un coach !
L’actrice suivra aussi une formation complète aux armes à feu et au tir, afin de parfaire son implication dans le rôle de Sarah.

Enthousiaste dans un premier temps, Schwarzenegger est dubitatif quant à la notion d’un Terminator « héros positif ». Craignant que T2 s’éloigne trop de la tonalité du 1er film, il lui semble qu’aux yeux du public le Terminator doit demeurer impitoyable, sans aucune sensibilité. Comment pourrait-il être crédible en robot tueur devenu sauveur ?

Partant du principe que sa « créature » est une machine synthétique, fabriqué en série comme une voiture, pouvant être reprogrammé et évoluant au contact des hommes, Cameron défend son concept et demande à l’acteur d’attendre les premières ébauches du script.
Lui et Wisher jette leurs idées sur leur traitement de texte, monopolisant l’un après l’autre l’ordinateur qu’il partage. Bientôt, le script de T2 prend forme dans l’urgence et les deux hommes vont faire coup double : ils parviennent à convaincre Schwarzy et à fournir à Mario Kassar de quoi séduire des investisseurs au Festival de Cannes 1990.
Jeune rebelle
Si la production peut compter sur la présence de Schwarzenegger et Linda Hamilton, il faut trouver l’acteur qui incarnera le jeune John Connor. C’est la directrice de casting Mali Finn qui va dénicher le jeune Edward Furlong pour interpréter le futur leader de la rébellion contre les machines. Ayant travaillé entre autres sur LES INCORRUPTIBLES de Brian De Palma et L’EXPÉRIENCE INTERDITE, elle sera plus tard réengagé par Cameron sur TRUE LIES et TITANIC.

Avec TERMINATOR 2, Edward Furlong débute son parcours d’acteur par un blockbuster et un rôle à lourde responsabilité artistique. Avec des origines mexicaine et russe, ce mixage « feu et glace » va lui coller à la peau, son parcours « cahotique » en étant le témoin. N’ayant pas connu son père et délaissé par sa mère, il est élevé par de la famille du côté de sa mère. Cette dernière finira par se manifester après la sortie et le triomphe de TERMINATOR 2, appâtée par l’argent…
Le jeune débutant enchaîne des apparitions dans des clips vidéos et des films divers. En 1994, Furlong joue aux côtés de Tim Roth dans LITTLE ODESSA de James Gray puis, en 1998, dans AMERICAN HISTORY X, 2 films parmi les plus notable de sa jeune carrière. Tributaire d’un physique fin mais froid, Furlong enchaîne les personnages sombres dans des récits tout aussi noirs. L’abus de drogues ne l’aidera guère.

À partir des années 2000, les excès en tous genres – dont des accusations de violences conjugales et la consommation d’héroïne et de cocaïne – vont mettre un sérieux frein à sa carrière, l’entraînant vers une pente descendante tant du point de vue physique que morale. Ses derniers films sont des DTV, mis-à-part une incrustation de son visage jeune en CGI dans le très mauvais TERMINATOR : DARK FATE.
Profession : T-1000
L’autre rôle important du film est celui de la nemesis des personnages principaux : le T-1000, un modèle de cyborg très évolué et recouvert de « métal liquide » ce qui lui permet de prendre toutes les apparences humaines qu’il souhaite.
Pour ce personnage iconique, Cameron souhaitait prendre « l’opposé » en apparence de Schwarzenegger, soit un acteur moins massif mais tout aussi dangereux de par son regard, sa façon de se mouvoir et sa détermination.

Le chanteur Billy Idol est sérieusement envisagé pour le personnage. Mais il se casse une jambe au cours d’un accident peu de temps avant le début du tournage. Le choix se porte sur Robert Patrick, acteur venu du théâtre qui avait essentiellement travaillé pour des productions philippines, ne trouvant pas de travail à Hollywood.
Robert Patrick y voit une chance à ne pas laisser passer. Il va longuement s’entraîner pour courir sans avoir besoin de reprendre son souffle. Puis il va baser sa manière de bouger la tête et de se mouvoir sur des documentaires animaliers présentant des aigles ou des requins.

Si le rôle est avare de dialogues, son interprétation va marquer les esprits du public. Cela ne lui permet toutefois pas de faire décoller sa carrière. Mis-à-part COP LAND ou THE FACULTY, Patrick va enchaîner les séries B et les DTV. Son parcours télé sera plus intéressant avec, entre autres, un rôle récurrent dans X-FILES durant 2 ans et des participations à SONS OF ANARCHY, LES SOPRANO, LOST ou STARGATE ATLANTIS.
Fidèles et petit nouveau
Schwarzy et Linda Hamilton ne sont pas les seuls acteurs de retour pour ce deuxième volet. L’acteur Earl Boen (LES MERCENAIRES DE L’ESPACE, L’HOMME AUX DEUX CERVEAUX) revient dans le rôle du Dr Silberman, déjà présent dans TERMINATOR et, cette fois-ci, bien obligé de croire Sarah Connor lorsqu’il est témoin de sa spectaculaire évasion.

L’actrice Jenette Goldstein incarne ici la mère de la famille d’accueil de John Connor. Fidèle à James Cameron, elle avait interprété Vasquez dans ALIENS en 1986, son premier rôle au Cinéma.

Dans un rôle secondaire mais cruciale pour l’intrigue et même pour la saga toute entière, l’acteur Joe Morton incarne ici le Dr Miles Dyson, à l’origine de Skynet et des Terminators après avoir récupéré la puce du robot à la fin du premier film. On a pu voir Morton au cinéma dans WANDÀS CAFÉ, SPEED, APPARENCES ou LONE STAR.

Répliques mythiques
En une trentaine d’années, certains dialogues de TERMINATOR 2 sont entrés dans la légende et le language courant. Si le fameux « Viens avec moi si tu veux vivre ! » est à nouveau prononcé, passant de la bouche de Kyle Reese à celle du Terminator, d’autres répliques vont apporter une touche humoristique bienvenue.

Ainsi, les échanges entre le jeune Connor et le Terminator offre quelques scènes pleine d’humour ou John apprend au robot tueur à se « décrisper » pour paraître plus humain.
Les répliques « No problemo ! », « Va chier ! » et « Reste cool, sac à merde ! » n’ont rien de poétique, certes, mais deviennent irrésistibles lorsqu’elles sont prononcées par l’impassible Terminator !

C’est d’ailleurs le Terminator qui aura l’une des répliques marquantes lorsqu’après son éprouvant combat avec le T-1000 il lance, affaiblit et en piteux état : « J’ai besoin de vacances… ». Une phrase que les multiples repreneurs de la franchise auraient du méditer…
Astuces, SFX et BO
Si TERMINATOR 2 s’est imposé comme l’un des premiers films à utiliser les effets numériques – ou CGI – pour plusieurs séquences encore époustouflantes de réalisme, le film comprend également de nombreux effets animatroniques… et des astuces toutes aussi bluffantes !
Une « tricherie » nécessaire fut d’avoir doublé la voix d’Edward Furlong en post production. En pleine puberté, le jeune acteur a quelque peu changé durant le long tournage. Et sa voix a mué également, nécessitant un doublage pour le film.

Connu du plus grand nombre, le recours à de véritables jumeaux durant le tournage permis à Cameron d’éviter de couteux et complexes effets spéciaux. Ainsi, les frères Dan et Don Stanton ont incarné un gardien de l’hôpital / prison où est internée Sarah Connor et le T-1000 prenant son apparence. Quand les 2 personnages se faisaient face, il s’agissait des Stanton dans le même plan.

Même procédé vers la fin du film, dans l’usine, lorsque le T-1000 tente de piéger John Connor en se faisant passer pour Sarah : Leslie Hamilton Gearren, la jumelle de Linda Hamilton, personnifiait le robot tueur pour cette scène ainsi que pour une autre séquence visible uniquement dans la version longue du film.

Pour les sfx « physiques » et animatroniques, James Cameron fit de nouveau appel à Stan Winston (TERMINATOR, ALIENS, JURASSIC PARK). Ce dernier s’occupa des squelettes métalliques des Terminators vus au début du film ainsi que des effets sur le T-800 et le T-1000 lors des scènes dans les bureaux de Cyberdyne et dans l’usine.

Les scènes de guerre furent mises au point par Fantasy II Films Effets tandis que la société 4-Ward s’occupa des effets de métal fondu et du cauchemar de Sarah avec l’explosion nucléaire.
Les techniciens d’ILM mirent au point les effets numériques spectaculaires du film, demeurant encore marquant pour leur apparente simplicité et leur sobriété. Au final, la réalisation de ces sfx en images de synthèse coutèrent le prix du premier TERMINATOR, soit 6 millions de dollars environ !

Enfin, pour la musique du film, elle fut confiée, comme pour TERMINATOR, à Brad Fiedel. Budget confortable oblige, le compositeur va créer pour l’occasion une partition beaucoup plus ample avec, notamment, une réorchestration du thème du T-800, entendu dans le 1er film. T2 inclue également quelques standards de rock et de hard rock dont YOU COULD BE MINE des Guns N’ Roses, l’un des hits de 1991.

Sortie et succès
Blockbuster du début des années 90, TERMINATOR 2 est un impressionnant succès commercial et critique malgré d’imbéciles réserves de la presse française qui reproche au film ses aspects « trop parfaits » donc « froids » !?

Les critiques positives – et il y en a – ont saisi que le film parvient à sublimer la forme tout en ne négligeant pas le fond. Si la trame de T2 n’est pas des plus complexe et peut apparaître par moments comme un double de TERMINATOR avec plus de moyens, Cameron y a placé beaucoup de ses propres angoisses. Ses personnages restent humains et complexes, évoluant comme le T-800 au cours du récit, prenant conscience des véritables valeurs, du poids de leurs actes et de leurs liens affectifs.

TERMINATOR 2 n’aura pourtant pas d’influence sur la carrière de ses acteurs, mis-à-part Schwarzenegger et James Cameron bien sûr. Si le film ne permit pas à Robert Patrick et Edward Furlong de voir leurs carrières respectives décoller, Linda Hamilton ne connut pas non plus un parcours très prometteur.

En 1997, LE PIC DE DANTE, qu’elle tourna avec Pierce Brosnan, eut un certain succès. Mais la suite comprend beaucoup de DTV ou d’inédits en France. Après son mariage avec James Cameron suivi d’un divorce houleux fin 1999, Linda Hamilton reviendra à TERMINATOR par un caméo voix dans RENAISSANCE en 2003 puis en reprenant le rôle de Sarah Connor dans DARK FATE en 2019.

T2 a connu une version longue, disponible aujourd’hui en vidéo, réintégrant des scènes inédites dont un dialogue entre Sarah Connor et Kyle Reese, réapparaissant en songe. Le film eut droit également à un mini-développement, sous la forme d’un court-métrage pour une attraction, et à une ressortie en 3-D il y a peu.

Reste que TERMINATOR et TERMINATOR 2 forment au final un excellent diptyque qui se suffit à lui-même… et n’avait nullement besoin de suites ! Le gros problème de cette franchise, si on peut la nommer ainsi, est d’être passée, quant à la production, entre « plusieurs mains » d’un film à un autre depuis T2 sans que personne ne cherche une véritable cohérence ou ne se dise, avec raison, que tout avait été dit et fait.
TERMINATOR 2 est devenu un classique, surpassant son modèle et toujours aussi prenant au fil des années.
TERMINATOR 2 : LE JOUR DU JUGEMENT DERNIER (1991) de James Cameron.
Avec Arnold Schwarzenegger, Linda Hamilton, Robert Patrick, Joe Morton, Edward Furlong, Earl Boen…
Scénario : James Cameron et William Wisher Jr. Musique : Brad Fiedel.
Crédits photos : Carolco Pictures / StudioCanal / Lightstorm Entertainment / TriStar