Vous avez demandé le sommaire de cette 47ème chronique en mode rapido ? Le voici : le dernier polar de Steve McQueen, un thriller étrange aux accents Lynchien et une daube bobo franchouillarde vue en avant-première.
LE CHASSEUR (1980) de Buzz Kulik
Ralph « Papa » Thorson (Steve McQueen) est chasseur de primes à l’ancienne dans l’Amérique des années 80. Efficace quand il s’agit de ramener les délinquants de toutes sortes, c’est un véritable conducteur du dimanche et un piètre compagnon pour la belle et jeune Dotty (Kathryn Harrold). Alors que celle-ci lui annonce sa grossesse, leurs vies sont menacées par un déséquilibré revanchard…
Ultime film de Steve McQueen, disparu à 50 ans quelques temps avant la sortie du long-métrage, LE CHASSEUR n’est probablement pas le meilleur film de l’acteur légendaire. Mais à le redécouvrir lors d’une diffusion sur le câble, il a vraiment bonifié et s’avère une comédie policière très sympathique.
Réalisé par l’efficace artisan Buzz Kulik, plus habitué pour sa participation à de nombreux téléfilms et séries comme Dr KILDARE ou MATT HELM, ce portrait classique mais plein d’humour pour un personnage en décalage avec son temps a été cousu main pour Steve McQueen.
Fatigué et les traits du visage marqués par la maladie qui le rongeait, l’acteur impressionne malgré tout pour son implication dans de nombreuses cascades. Très attachant dans les moments drôles et romantiques, son rôle de « grand gosse » irresponsable, collectionneur de vieux jouets et piètre conducteur – un clin d’œil à McQueen, passionné de vitesse et de courses automobiles – lui va comme un gant.
Avec ce dernier rôle de chasseur de primes, on peut aussi y voir comme une boucle qui se referme puisque c’est en interprétant le chasseur de primes Josh Randall dans la série AU NOM DE LA LOI que l’acteur est devenu célèbre.
Seul petit reproche à faire au film : son dosage un peu bancal entre la comédie romantique et le thriller urbain pur et dur (la course poursuite sur le train de banlieue) avec un soupçon de drame (le collègue policier de Thornton).
Si LE CHASSEUR a moins marqué les mémoires que BULLITT ou LA GRANDE ÉVASION, il n’en reste pas moins un très bon moment.
UNDER THE SILVER MOON (2018) de David Robert Mitchell
Sam (Andrew Garfield), un jeune américain vivant dans un quartier excentré de Los Angeles, passe ses journées à s’ennuyer mollement. En observant ses voisins, il est interpellé par la blonde Sarah (Riley Keough). Mais celle-ci disparaît mystérieusement. Sam part à sa recherche et multiplie les rencontres étranges…
Le précédent film de David Robert Mitchell, IT FOLLOWS, ne m’avait absolument pas convaincu (voir l’article) malgré l’ensemble de la critique persuadée d’avoir affaire à un nouveau petit génie du cinéma américain. Lorgnant (copiant) ouvertement le John Carpenter des débuts, l’hommage m’avait paru trop appuyé et son message pas très clair…
Après le cinéaste d’HALLOWEEN, Mitchell paie son tribut au David Lynch de BLUE VELVET et MULHOLLAND DRIVE. L’image est toujours soignée, la mise-en-scène est précise et travaillée. Et cette fois, le récit est bien construit, captivant notre intérêt dès les premières minutes jusqu’au mot fin, malgré quelques longueurs.
Derrière les apparences d’une intrigue policière dans la veine des films noirs et des histoires classiques de détective privé, le cinéaste brosse une galerie de personnages étranges, tour à tour comiques ou inquiétants sans pour autant forcer le trait. La voisine mature au perroquet hurlant, le tenancier blême du vidéoclub, le créateur parano du fanzine « Under The Silver Lake » (qui donne son titre au film), la copine actrice avec qui Sam s’envoie en l’air en regardant la télé… Tous sont décalés mais restent probables.
Le personnage de Sarah – Barbie girl bloquée dans l’enfance et qui évoque, le temps d’une jolie séquence, la Marilyn Monroe de SOMETHING GOT TO GIVE – est au cœur du récit même si elle n’est présente que peu de temps à l’écran. Baigné dans l’inquiétante musique de Disasterpeace, UNDER THE SILVER LAKE se suit comme un étrange rêve éveillé, aux limites du cauchemar, saupoudré de séquences très drôles et de moments décalés purement Lynchiens : les putois qui envahissent le quartier, l’écureuil qui tombe d’un arbre et s’écrase devant Sam, le mystère des chiens disparus, la légende urbaine du baiser de la Femme Hibou…
Le film se place dès lors au bord du fantastique même si Mitchell rate à nouveau les aspects psychologico-explicatifs du récit. Ayant probablement quelques séances de rattrapage à honorer quant à son (gros) complexe d’Œdipe, il nous offre une fin particulièrement décevante où la « résolution » de l’intrigue se situe dans la couche douillette d’une MILF borderline et tombe dans la niaiserie totale, comme pour IT FOLLOWS.
Au final, UNDER THE SILVER LAKE est un exercice de style très esthétique mais un peu vain. Mitchell tente peut-être de résoudre quelques désillusions sur sa propre jeunesse. On ne peut que recommander au cinéaste de consulter en urgence.
LES APPARENCES (2020) de Marc Fitoussi
À Vienne de nos jours, Ève et Henri (Karin Viard et Benjamin Biolay) font partie de la communauté de français de la cité autrichienne. Parents d’un petit garçon, elle travaille à l’Institut Français tandis qu’il dirige l’orchestre de l’Opéra. Tout semble aller pour le mieux dans cette existence bourgeoise et confortable. Jusqu’au jour où Henri s’éprend de l’institutrice de leur fils…
Présenté comme une intrigue digne de Claude Chabrol, LES APPARENCES est une énième variation bobo franchouille sur les tracas de français aisés et antipathiques.
Là où le réalisateur du BEAU SERGE, du BOUCHER et du CRI DU HIBOU parvenait fréquemment à nous captiver en observant la bassesse de ses contemporains d’un œil critique et amusé, Marc Fitoussi (LA RITOURNELLE, MAMAN A TORT) nous offre un étalage de clichés et de lieux communs, suscitant plus l’ennui que l’intérêt.
Avec en tête d’affiche un duo d’acteurs bien placés dans les petits papiers de Télérama et des Inrockuptibles, le cinéaste tente de développer une équation des plus banales – un couple aisé + l’adultère = suspense intense ! – pour pondre une « intrigue » sans passion, aux allures d’un téléfilm de luxe.
Car il est là le problème d’un cinéma français qui se plaint régulièrement du manque de fréquentation des salles… pour nous proposer les éternelles turpitudes d’individus peu attachants dans des récits inintéressants !
À côté d’une Karin Viard sans surprise et que l’on a connu bien meilleure, Benjamin Biolay joue à nouveau le bourgeois dandy désabusé, l’œil éteint et la voix inaudible. Sans être un fan exacerbé de l’auteur-compositeur-interprète, j’apprécie certains de ses titres. Mais il est grand temps de lui conseiller de ne plus s’entêter à faire l’acteur pour les copains.
Aussi charismatique et habité qu’une endive au jambon tiède, Bobo Benji nous refait une interprétation au tracé plat comme une invitation au sommeil.
Au final, je ne regrette pas d’avoir vu le film lors d’une avant-première. S’il est vrai que tous les styles doivent exister au cinéma, LES APPARENCES n’est certainement pas, à mes yeux, le film qui redonnera l’envie de se refaire une toile à 12€, équipé de son masque et de son flacon de gel hydro-alcoolique.