Confidences et confinement #3

Vers la fin des années 70, la ville de Lille comptait encore plusieurs cinémas dans la rue de Béthune, une rue commerçante et piétonnière. À vrai dire, la majorité des salles se regroupaient dans ce quartier du centre-ville.

C’est à cette époque que le plus grand complexe de la ville, un cinéma Gaumont avec 8 salles, fut construit et ouvert en grandes pompes.

 

Marguerite et cinéma

Les Lillois de mon âge s’en souviennent probablement. Ce multiplexe avant l’heure représentait alors ce qui se faisait de plus confortable et moderne en matière de salle. Une large entrée donnait accès à 8 rangées verticales, menant vers une cabine où la caissière présente pouvait se déplacer sur un rail horizontal pour passer d’une file de spectateurs à l’autre, en fonction des horaires des films.

Finies les interminables queues – en principe… – pour accéder à une séance ! Le système fonctionnait plutôt bien mais n’évitait pas toutefois les masses monstrueuses de spectateurs qui s’agglutinaient contre la paroi de verre de la cabine lorsqu’un blockbuster venait de sortir. C’est dans cette salle que le 1er décembre 1982, avec ma maman et ma petite sœur, nous étions aller voir E.T. le jour de sa sortie française, à la toute première séance de l’après-midi.

La façade du Gaumont de Lille dans les années 70…

Un an plus tard, avec un pote du collège, on ´s’était organisé une sortie du mercredi pour voir LE PRIX DU DANGER. Le film était commencé depuis 10/15 minutes lorsque, en plein suspens, la projection s’arrêta net.

Lumières dans la salle, spectateurs surpris et inquiets… Une ouvreuse gênée fit son entrée et nous annonça la bonne nouvelle : « Il y a une grève surprise de l’EDF dans le quartier ! Nous sommes désolés mais je vais devoir vous accompagner vers l’extérieur… »

Notre beau pays de la grève enchantée faisait déjà des siennes. La direction de la salle nous offrit la possibilité de revenir voir le film quand nous le souhaitions jusqu’au mercredi prochain…

C’est dans ce cinéma Gaumont que j’ai participé à la toute première Fête du Cinéma en juin 1985, juste après la fin des cours. Et ce jour là, les cinémas étaient tous plein à craquer !

Scène de la vie de tous les jours devant le Gaumont de Lille…

L’idée de la Fête du Cinéma n’était pas une mauvaise chose en soi. À l’approche des vacances scolaires, vous aviez la possibilité d’obtenir un « ticket magique » (en réalité, une reproduction de ticket grand comme la main) en achetant une place, puis vous pouviez utiliser ce même ticket pour accéder à toutes les autres séances auxquelles vous souhaitiez assister pour le prix d’un franc symbolique ! Le rêve pour un Movie Freak !

Sauf que le rêve avait un prix à payer. En 1985, la Fête du Cinéma ne durait qu’une journée ! Imaginez tous ce public, jeune et moins jeune, à qui l’on promet de voir autant de films qu’ils veulent en ne payant qu’un franc. Autant demander à des gourmands de se servir en gâteaux à volonté dans une pâtisserie !

Ce fameux jour de juin 1985, le Gaumont était noir de monde. Perdue dans sa petite cabine coulissante, la pauvre ouvreuse tentait de passer d’une rangée à une autre, avec des regards affolés sur le public déchaîné. Cette première Fête du Cinéma ressemblait à un film de zombies ! L’invasion des morts-vivants mordus de ciné !

Ce qui devait arriver arriva : le moteur de la cabine sur rail tomba en panne et la « boîte à tickets » resta bloquée entre deux rangées ! Sa conductrice intrépide avait beau appuyer sur chaque bouton, plus rien ne semblait fonctionner.

Les tickets des premières Fêtes du Cinéma, précieusement conservés…

« Tous avec moi ! ». Je ne sais plus qui, dans la foule, venait de lancer ce cri de ralliement mais, en quelques secondes, une marée humaine se mit à pousser sur le frêle esquif, permettant à la cabine bloquée et à sa pilote de se mouvoir enfin.

Je me vois encore avec d’autres, les mains collées contre la vitre, galérien cinéphile des années 80 ! La Fête du Cinéma s’était transformée en thé dansant où le public et l’ouvreuse, se déplaçant de gauche à droite et de droite à gauche, entamait un tango de l’amitié des plus improbables…

Aujourd’hui, le Gaumont de Lille n’existe plus depuis plusieurs années. La société à la Marguerite a préféré investir dans un multiplexe du côté de Valenciennes. Il n’y a plus qu’un complexe UGC dans la rue de Béthune et une salle « art et essai », là où plusieurs petits cinémas projetaient les sorties de la semaine, les Disney du moment et les classiques des 60’s…

Comme dans une chanson de Schmoll, le rideau sur l’écran est tombé. C’était vraiment bien l’enfance.

 

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2 commentaires Ajoutez le vôtre

  1. princecranoir dit :

    Très beau texte nostalgique. Ça me rappelle aussi des souvenirs de fête du cinéma après les cours.
    Assez incroyable cette anecdote sur la cabine mobile de l’ouvreuse !

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    1. Merci. Oui, j’ai eu aussi une période où je me précipitais dans les salles après les cours. Le mercredi après midi. J’y ai découvert des bijoux comme LES AVENTURIERS DE L’ARCHE PERDUE, BLADE RUNNER, BEAU PÈRE, LE CHOIX DES ARMES… Un temps où les pépites américaines et françaises se côtoyaient sans problèmes, dans tous les styles, pour le meilleur… Je reconnais que notre époque merdique me rend nostalgique.

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