Souvent considérée comme une décennie plus rude que les fameuses 60’s, la décennie des années 70 est marquée au cinéma par une série de films réalistes, sombres et désabusés quant à la place de l’homme dans la société, aux institutions en place et aux mensonges des gouvernements.
Au cinéma, les genres ont évolué. Le polar est devenu plus âpre, les histoires d’amour plus crues et la comédie plus grinçante. Dans cette période à la fois grise et source de films remarquables, le succès surprise d’une petite production aux acteurs inconnus va marquer à jamais le 7ème par son évocation de gens ordinaires et attachants.
L’histoire ? Celle d’un paumé des quartiers populaires de Philadelphie devenant un héros inattendu. Retour sur ROCKY.
Ali vs Wepner
Selon la légende, c’est un authentique match de boxe qui a été l’inspiration première pour Sylvester Stallone. En 1975, le match qui oppose Muhamed Ali et Chuck Wepner fait sensation : Ali est un champion de boxe incontesté face à Wepner, un « challenger » inconnu.
Contre toute attente, Wepner tiendra 9 rounds d’affilée contre Ali, parvenant même à le mettre au tapis au cours de l’affrontement !

À cette époque, Stallone n’est pas la star de films d’action qu’il deviendra dans les années 80. C’est un acteur de second plan, aperçu en petite frappe dans BANANAS de Woody Allen ou dans des séries B – voire Z – comme LES POINGS DANS LES POCHES, REBEL ou bien encore LA COURSE À LA MORT EN L’AN 2000. Il a aussi participé à un petit porno soft, THE PARTY AT KITTY AND STUD’S qui sera retitré L’ÉTALON ITALIEN après le succès de ROCKY.
Rien de vraiment concluant… Une autre légende dit qu’il ne lui reste pratiquement plus rien en banque pour le faire vivre lui et sa famille : en 1974, un scénario (celui du futur film LA TAVERNE DE L’ENFER) dont il a vendu trop hâtivement les droits, est bloqué par son nouveau propriétaire. Impossible de le proposer à la United Artists comme il le souhaite.
Irwin Winkler et Robert Chartoff, 2 producteurs de ce studio, donne une seconde chance à Stallone pour leur proposer un autre récit, celui qui deviendra le scénario de ROCKY, et lui proposent une avance pour que l’acteur le finalise à la condition d’en avoir l’exclusivité
Pas de stars à l’affiche
Les studios Universal veulent une star pour incarner Rocky. Mais Sylvester Stallone refuse catégoriquement. Cette histoire, il l’a écrite et, compte tenu du sujet, c’est de lui dont il parle à travers le personnage de Rocky.
Il impose d’interpréter le personnage principal, argumentant que le budget du film n’en sera que plus bas. Winkler et Chartoff hésitent à lui laisser le poids du film sur les épaules puis finissent par accepter, probablement convaincu par le faible investissement financier que cela entraîne.
Autour de Stallone, auteur et acteur principal de ROCKY, le casting est mis en place. Susan Sarandon est un temps envisagée pour le rôle d’Adrian. Mais c’est l’actrice Talia Shire (et sœur de Francis Ford Coppola, vue entre autres dans LE PARRAIN) qui est retenue.

Pour le personnage d’Apollo Creed, on pense d’abord à un vrai boxeur comme Ken Norton. Mais c’est Carl Weathers – ex footballer américain devenu acteur depuis 1974 et vu dans PREDATOR ou THE MANDALORIAN – qui est choisi pour incarner l’adversaire de Rocky.

Mickey Rooney est un temps pressenti pour le personnage mythique de Mickey, le vieil entraîneur de Rocky. Mais l’acteur Burgess Meredith lui est préféré. Vu au cinéma depuis la fin des années 30, Meredith fut régulièrement l’interprète de la série THE TWILIGHT ZONE / LA 4ème DIMENSION et a tenu le rôle du Pingouin dans la série BATMAN des années 60. On l’a vu également dans les films L’OR DE McKENNA, LE REPTILE, DRÔLE D’EMBROUILLE, LE CHOC DES TITANS, SANGLANTES CONFESSIONS ou LES GRINCHEUX.

Burt Young incarne Paulie, l’ami râleur et magouilleur de Rocky et frère d’Adrian. On la vu dans MEURTRE DANS LA 110ème RUE, CHINATOWN, LE CONVOI, IL ÉTAIT UNE FOIS EN AMÉRIQUE et SHE’S SO LOVELY.

Steadicam à Philadelphie
ROCKY est l’un des premiers films à utiliser le Steadicam, après EN ROUTE VERS LE SUD de Hal Hashby et MARATHON MAN de John Schlesinger. Inventé en 1972 par le cinéaste Garrett Brown, cette caméra spéciale est équipée d’un stabilisateur qui permet de filmer en mouvement des séquences d’action tout en évitant un résultat « tremblotant » et disgracieux.
C’est donc le Steadicam qui est employé pour la course de Rocky / Stallone dans les rues de Philadelphie, sur l’air du « Gonna Fly Now » de Bill Conti. Le procédé sera également utilisé pour le combat final entre Balboa et Creed.
Clôturant la scène, la montée des marches de la façade sud du Philadelphia Museum of Art s’est vite imposée comme l’une des séquences les plus marquantes du film. Un beau moment de cinéma, simple et poignant qui dégage une vérité et une force comme rarement atteint dans un film…
Ces marches ont depuis été surnommées les « Rocky Steps ». Près d’elles se trouve une statue de Rocky Balboa, érigée en 1982 et qui, en raison de quelques polémiques, fut déplacée plusieurs fois avant de trouver sa place finale. On la voit pour la première fois dans ROCKY III.
Lors du tournage du combat final, Stallone et Weathers seront sévèrement blessés, entrainant un arrêt de 3 semaines de la production. L’affrontement a beau être fictif, l’idée est d’imposer le plus de réalisme à la séquence.
Dans ce milieu des années 70, la tendance est au « Nouvel Hollywood » et, comme pour JAWS que Spielberg voulait tourner en mer pour éviter l’usage d’un bassin en studio, la production de ROCKY paye cette exigence de sincérité.
Toujours pour cette séquence, l’usage de stock-shots de foule durant un véritable match de boxe sera nécessaire pour combler le peu de figurants employés, petit budget oblige.

Si ROCKY rendra célèbre Sylvester Stallone, il sera également l’œuvre la plus connue du réalisateur John G. Avildsen. Après avoir commencé sa carrière à la fin des années 60, Avildsen renouera avec le succès dès 1984 grâce à la trilogie KARATÉ KID / LE MOMENT DE VÉRITÉ avec Pat Morita et Ralph Macchio.
Bill Conti à la BO

Si le film ROCKY est entré aujourd’hui dans la légende, c’est en partie grâce à son excellente bande originale. Bill Conti, son compositeur, est d’origine italo-américaine.
Outre le thème principal, tout en « fanfare » triomphale et qui donnerait des ailes au moins sportif des hommes, Conti va créer pour ROCKY une BO teintée de soul music typiquement 70’s, d’émotion pure avec l’utilisation unique du piano et de suspense dans les thèmes accompagnant le match final.
Il va être par la suite le compositeur attitré de la saga ROCKY et travaillera également à nouveau avec John G. Avildsen en 1980 pour LA FORMULE, avec George C. Scott et Marlon Brando, et en 1984 pour KARATÉ KID.

On lui doit également les musiques du James Bond RIEN QUE POUR VOS YEUX en 1981 et de L’ÉTOFFE DES HÉROS en 1983.
BO du film en écoute sur Deezer
Succès surprise et triomphe aux Oscars
Avec un budget d’un peu plus d’un million de dollars, ROCKY deviendra le succès surprise américain de 1976 avec des recettes mondiales dépassant les 225 millions de dollars pour sa première sortie.
Le succès modeste en France, en 1977, sera bientôt comblé par le boum de la VHS et des vidéo-clubs au début des années 80, puis des diffusions tv et l’arrivée du DVD.
Sur 10 nominations, ROCKY obtiendra 3 Oscars en 1977 pour le meilleur film, le meilleur réalisateur et le meilleur montage face à d’autres classiques des 70’s comme ANNIE HALL ou NETWORK. Le Golden Globe du meilleur film lui sera également attribué la même année.
5 suites suivront entre 1979 et 2006, puis deux spin off avec CREED en 2015 et CREED 2 en 2018.
Plus qu’un simple film de boxe
Parfois considéré à tort comme un simple film de boxe, ROCKY s’est imposé avec le temps comme une œuvre incontournable du 7ème art. Un film typique des années « grises » des 70’s qui ont donné tant de chefs d’œuvres, dans la lignée d’UN APRÈS-MIDI DE CHIEN ou TAXI DRIVER.
Trop jeune pour le voir en salles à sa sortie, c’est le hasard d’une déprogrammation surprise du Gaumont à Lille et de l’engouement pour les locations vidéos des années 80 qui m’ont fait découvrir ROCKY et ses suites.
Le film fait ainsi partie de beaux souvenirs en famille lors de séances VHS dans le salon, malgré la difficulté de l’obtenir même en réservation au vidéo-club du quartier !
Il y a une implication et une grande sincérité chez Sylvester Stallone dans ce projet qui forcent l’admiration. La preuve à nouveau que l’histoire d’un tournage est parfois aussi prenante que celle du film lui-même, voire bien plus.
Plus tard, avec le succès, Stallone s’imposera dans d’autres films et personnages, avec RAMBO bien sûr – dont le premier opus reste le meilleur – ou d’autres plus dispensables dans COBRA ou TANGO ET CASH.
Mais à mes yeux, son rôle le plus fort, le plus personnel et le plus marquant reste celui de Rocky Balboa, ce boxeur sans éducation, gauche mais droit, qui nous donne l’exemple en « tenant la distance ».
ROCKY (1976) De John G. Avildsen
Avec Sylvester Stallone, Talia Shire, Burgess Meredith, Carl Weathers, Burt Young…
Scénario : Sylvester Stallone. Musique : Bill Conti.
Bande-annonce
C’est une sublime histoire qui m’a toujours marqué au coeur. Et Stallone est éblouissant.
J’aimeJ’aime
Bien d’accord Marilyn 👍
J’aimeAimé par 1 personne