Retour sur un classique du cinéma américain avec L’ARNAQUE, réalisé par George Roy Hill en 1973.
D’après une histoire vraie
Si L’ARNAQUE s’appuie sur un scénario original, le récit se base sur des faits réels. En 1914 aux États-Unis, les frères Charley et Fred Gondorf, deux arnaqueurs de haut vol, se firent connaître avec une escroquerie reprise dans les grandes lignes pour le film et devenue célèbre sous le nom de « Grand Magasin ».
Les 2 frères furent cependant arrêtés et incarcérés à la suite de leur forfait. Mais ils poursuivirent malgré tout leurs activités à leur sortie de prison…

Au début des années 1970, le scénariste, réalisateur et producteur David S. Ward découvre l’histoire des frères Gondorf en se documentant pour le scénario du film STEELYARD BLUES de Alan Myerson avec Jane Fonda et Donald Sutherland.

Quelques modifications de faits, de dates et de noms plus tard, Ward évoque son idée à Tony Bill, Julia et Michael Phillips, les producteurs de STEELYARD BLUES. Intéressés, les 3 partenaires décident de gérer le montage financier du film pour les studios Universal et envisagent d’engager George Roy Hill, le metteur en scène de BUTCH CASSIDY ET LE KID, à la réalisation.
Escroquerie et vengeance
L’histoire de L’ARNAQUE commence à New York dans les années 30, durant la Grande Dépression. 3 voleurs à la petite semaine – Johnny Hooker (Crocheteur en VF, incarné par Robert Redford), Luther Coleman (Robert Earl Jones, père de James Earl Jones) et Erie Kid (Jack Kehoe) – détrousse sans le savoir le convoyeur de fonds d’un gros bonnet de la pègre, Doyle Lonnegan (Robert Shaw).
En représailles, Lonnegan fait assassiner Luther. Sur les recommandations de ce dernier avant de mourir, Hooker part pour Chicago à la rencontre de Henry Gondorff (Paul Newman) un arnaqueur « rangé des voitures ».
Gondorff et Hooker décident de venger Luther en piégeant Lonnegan. Ils vont pour cela monter une arnaque de haute volée afin de pousser le truand à miser une forte somme sur une course hippique truquée.
Mais le lieutenant Snyder (Charles Durning), un flic entêté, est toujours à la poursuite d’Hooker et devient une menace supplémentaire dans le bon déroulement du piège…
Duo de stars
Lorsqu’on lui fait découvrir le scénario du film, le réalisateur George Roy Hill est partant pour le mettre en scène. Également scénariste et producteur, ce cinéaste a connu son premier grand succès 4 ans auparavant avec BUTCH CASSIDY ET LE KID avec Robert Redford et Paul Newman.

Il propose d’ailleurs à ce dernier le rôle de Henry Gondorff et Newman accepte. Alors que Jack Nicholson vient de refuser d’interpréter le personnage de Johnny Hooker, c’est tout naturellement vers Robert Redford que George Roy Hill se tourne pour reprendre le rôle.

Le trio de BUTCH CASSIDY ET LE KID ainsi reformé, la production de L’ARNAQUE avance sur des rails. Dans un premier temps, le personnage de Lonnegan est proposé à Richard Boone, un habitué des westerns comme L’HOMME QUI N’A PAS D’ÉTOILE ou ALAMO.
Mais celui-ci se désiste et c’est Robert Shaw (BONS BAISERS DE RUSSIE, JAWS, LA ROSE ET LA FLÈCHE, LES GRANDS FONDS…) qui va interpréter Flannegan.

Eileen Brennan (HELLO DOLLY !, UN CADAVRE AU DESSERT, JEEPERS CREEPERS…) incarne Billie, la compagne de Gondorff / Paul Newman. Dimitra Arliss (la série LE RICHE ET LE PAUVRE, FIREFOX…) joue quant à elle Loretta Salino, la serveuse du dinner.

Les acteurs Charles Durning (SŒURS DE SANG, UN APRÈS-MIDI DE CHIEN, TOOTSIE, LE GRAND SAUT…), Harold Gould (L’ARRANGEMENT, SPÉCIALE PREMIÈRE), Ray Walston (LA GARÇONNIÈRE, TRANSAMERICA EXPRESS) et Dana Elcar (POINT LIMITE, L’ÉTRANGLEUR DE BOSTON, 2010, les séries LES TÊTES BRÛLÉES et MACGYVER…) rejoignent le casting.

Chicago en studio
Prévu pour être filmé en partie à Chicago, L’ARNAQUE voit sa production contrariée lorsque le maire de la ville, Roger J. Daley, connu pour son autorité et son intransigeance, refuse tout d’abord le tournage, pensant que le récit du film pourrait donner une mauvaise image de la ville.
Il finira par autoriser quelques jours de tournage mais poussera la production à utiliser des décors reconstitués dans les studios Universal Pictures à Los Angeles et l’utilisation de matte paintings.
Un autre contretemps vient gêner le tournage de L’ARNAQUE. Peu de temps avant les premières prises, l’acteur Robert Shaw se blesse au genou au cours d’un match de hand-ball. Plutôt que de repousser ses scènes, son boitement est intégré à son personnage, accentuant l’impact de son personnage sur le public.
Par manque de temps, Paul Newman est remplacé lors des gros plans sur ses mains pour la manipulation des cartes. C’est alors les mains de John Scarne, conseiller technique sur le film, qui apparaissent à l’image et la magie du montage fait le reste.
Costumes, musique et générique
L’ARNAQUE représente l’une des dernières participations de la talentueuse Edith Head aux costumes d’un film. Disparue en 1981, elle démarra sa carrière pour le cinéma dès la fin des années 20. En 1974 pour le film de George Roy Hill, elle remporta son ultime Oscar, le 8ème, faisant d’elle la femme la plus récompensée de la célèbre cérémonie !

Petite par la taille mais grande par le talent, Edith Head fut toute sa vie une costumière de renom pour les studios Paramount Pictures. Elle inspira un personnage des INDESTRUCTIBLES et fit une apparition dans un épisode de la série COLUMBO dans les années 70, en jouant son propre rôle.

Tout en travaillant essentiellement pour le cinéma, sa notoriété fit d’elle une prescriptrice de mode reconnue. Elle y consacra d’ailleurs 2 ouvrages. Parmi les nombreux et variés films pour lesquels elle œuvra, on peut citer FENÊTRE SUR COUR, VERTIGO, L’HOMME QUI TUA LIBERTY VALANCE, UNE CERTAINE RENCONTRE, PIEDS NUS DANS LE PARC, EL DORADO, LA KERMESSE DES AIGLES ou L’HOMME QUI VOULUT ÊTRE ROI.

L’ARNAQUE est aussi connu pour sa bande originale. Relançant le Ragtime, courant musical en vogue dès la fin du XIXème siècle, elle fut arrangée et orchestrée par Marvin Hamlisch (NOS PLUS BELLES ANNÉES, L’ESPION QUI M’AIMAIT…) d’après des créations de Scott Joplin, pianiste et compositeur afro-américain rendu célèbre au début du XXème siècle pour ses rags,

L’une de ses créations composée en 1903, THE ENTERTAINER, devint le thème de L’ARNAQUE et connu à nouveau le succès 70 ans plus tard. Ce morceau fut entre autres régulièrement diffusés sur les radios françaises à la sortie du film.
L’ARNAQUE se démarque également par l’utilisation dès le générique, et plusieurs fois au cours du film, de panneaux illustrés segmentant le récit en plusieurs chapitres.
Ces peintures sont l’œuvre de l’artiste Jaroslav Gebr d’origine Tchécoslovaque. Dessinateur et peintre disparu en 2013, il avait quitté l’Europe de l’Est en 1949 et avait consacré une grande partie de son talent pour Hollywood dans des séries comme LES MYSTÈRES DE L’OUEST, NIGHT GALLERY, COLUMBO ou 24 H CHRONO, et des films comme HOOK, DUNE ou SCARFACE.
BO de L’ARNAQUE en écoute sur Deezer
Succès critique et commercial
Célébré dans le monde dès sa sortie – décembre 1973 aux USA, avril 1974 en France – L’ARNAQUE connu un grand succès critique et commercial, couronné aux Oscars 1974 par 7 statuettes, dont celles du meilleur film et du meilleur réalisateur. Quant à Julia Philips, elle fut la première femme à obtenir un Oscar en tant que productrice à Hollywood.
En 1983, L’ARNAQUE 2 sorti sur les écrans. Réalisé par Jeremy Kagan (NATTY GAN), cette suite voyait les acteurs Jackie Gleason, Mac Davis et Oliver Reed reprendrent les rôles respectifs de Paul Newman, Robert Redford et Robert Shaw. Mais le succès ne fut pas au rendez-vous.
L’un des atouts maîtres de L’ARNAQUE, outre son brillant duo de stars au générique tient dans son scénario jubilatoire : le montage d’une escroquerie, soignée jusque dans ses moindres détails. Chaque participant connaît son « rôle » jusqu’au bout des doigts. Et peu importe la crédibilité du propos : George Roy Hill nous entraîne avec ses acteurs et nous rend complices pour notre plus grande joie.
Mêlant allègrement comédie, mélancolie et suspense, L’ARNAQUE est aussi une formidable aventure sur l’amitié et l’entraide. Ses deux acteurs vedettes se complètent, Newman, stoïque en apparence derrière ses yeux malicieux, face à Redford, bondissant en jeune chien fou ivre de vengeance. On souhaiterait tant faire partie de leur bande !
L’ARNAQUE s’offre aussi le luxe de ne pas se démoder avec le temps, le récit prenant déjà place dans le passe au moment de sa sortie dans les années 70.
Pourvu de deux « switchs » mémorables pour qui découvre le film pour la 1ère fois, le film de George Roy Hill est devenu le maître étalon des fictions relatants la préparation et la mise en place d’une escroquerie d’envergure. De nombreux films lui doivent beaucoup : OCEAN’S ELEVEN et ses deux suites, CASH avec Jean Dujardin, la série tv LES ARNAQUEURS VIP ou INSAISISSABLES.
Film phare d’un cinéma de qualité, sans esbroufe inutile ni effets de caméra tape-à-l’œil, magnifié par son élégante réalisation, ses acteurs mythiques et son scénario à la fois ludique et intelligent, L’ARNAQUE est devenu aujourd’hui un incontournable classique dont on ne se lasse jamais.
L’ARNAQUE / THE STING de George Roy Hill (1973)
Avec Paul Newman, Robert Redford, Robert Shaw, Eileen Brennan, Charles Durning, Harold Gould, Ray Walston, Dana Elcar, Dimitra Arliss…
Scénario : David S. Ward. Musique : Marvin Hamlisch, d’après des ragtimes de Scott Joplin.
Crédits photos : Universal Pictures