Pour une poignée de films… #51

Au menu de cette 51ème poignée de films : un suspense 80’s qui a mal vieilli, un polar classique mais rondement mené et un thriller érotico-psychologique français raté.

 

FAUX TÉMOIN (1987) de Curtis Hanson

Vers la fin des années 80 à Baltimore, Terry (Steve Guttenberg) a pour maîtresse Sylvia (Isabelle Huppert), la femme de son patron Collin Wentworth (Paul Shenar). Une nuit, par une fenêtre de l’appartement de Terry, Sylvia est témoin d’une agression. Pour éviter un scandale, elle ne veut pas en parler à la Police et demande à son amant de le faire à sa place. Mais Terry ne reconnait pas l’agresseur, obligeant la police à libérer ce dernier. Afin de venir en aide à Denise (Elizabeth McGovern), la victime, il mène sa propre enquête…

Lorgnant indubitablement, jusque dans le titre, du côté d’Alfred Hitchcock, FAUX TÉMOIN de Curtis Hanson (LA MAIN SUR LE BERCEAU, L.A. CONFIDENTIAL) cumule les invraisemblances et les tics bien tocs des années 80.

Démarrant sur un postulat intriguant et plausible, le film s’embourbe dans une suite d’éléments jouant contre lui. Steve Guttenberg (COCOON, POLICE ACADEMY, 3 HOMMES ET UN BÉBÉ) n’a ni le charisme d’un Cary Grant, ni l’implication d’un Gregory Peck.

Peu crédible en amant rongé par les remords, il forme avec Isabelle Huppert un couple mal assorti et difficilement attachant. La française, actrice à mes yeux surestimée par une presse spécialisée bobo-intello, incarne à nouveau une femme vénale et garce.

Son personnage hautement antipathique, laissant son « toy boy » se noyer dans le faux témoignage face à une police de plus en plus dubitative, est plus soucieuse de conserver son standing de femme riche que d’aider son prochain. Huppert alterne le surjeu et le détachement avec une conviction toute relative.

Face à ce couple sans glamour, Elizabeth McGovern (RAGTIME, IL ÉTAIT UNE FOIS EN AMÉRIQUE) tire son épingle du jeu dans le rôle d’une jeune femme prête à tous les risques pour arrêter son agresseur. Son personnage n’évite pourtant pas les clichés, tombant un peu trop rapidement dans les bras de Terry / Steve Guttenberg.

Le manque de crédibilité reste effectivement le principal défaut de FAUX TÉMOIN. Lorsqu’elle est témoin de l’agression, le personnage d’Huppert reste entièrement nue à la fenêtre alors que l’agresseur s’est retourné, prenant tout son temps pour la dévisager, tout comme les spectateurs les plus lubriques.

Un peu plus tard, alors que Terry / Steve Guttenberg a suivi l’assassin dans un bar, personne parmi la clientèle ne se souvient de ce dernier. Pour info, le « méchant » du film est un croisement entre Eddy De Pretto pour la tronche et Régine pour les cheveux carottes (pas de spoilers, on sait qui il est depuis le début du film…).

Seul rouquin parmi les clients – certes nombreux – du bar, on veut nous faire croire malgré sa bouille peu recommandable et sa « tignasse fluo » qu’aucune personne, clients ou serveurs, n’a remarqué le charmant individu ! Entendons-nous bien, il ne s’agit pas ici de se moquer des roux mais plutôt de railler le scénariste du film !

Polar bancal, involontairement drôle quand l’idée est de provoquer la terreur (un assassinat dans un théâtre en pleine représentation, par exemple), FAUX TÉMOIN demeure le signe d’une époque où thriller et érotisme soft s’associaient pour attirer le public. Curtis Hanson fera beaucoup mieux quelques années plus tard en adaptant James Ellroy.

 

LES PLEINS POUVOIRS (1997) de Clint Eastwood

Aux États-Unis à la fin des années 90, Luther Whitney (Clint Eastwood) est un cambrioleur solitaire mais réputé comme l’un des meilleurs. Une nuit, alors qu’il s’est introduit dans une riche propriété, il est témoin du meurtre de la maîtresse de maison. L’amant de cette dernière n’est autre qu’Alan Richmond (Gene Hackman) l’actuel president américain…

Une diffusion en replay sur une chaîne du câble m’a donné l’occasion de revoir LES PLEINS POUVOIRS, réalisé et interprété par Clint Eastwood. Un bon polar, classique dans sa réalisation mais prenant jusqu’au mot fin.

Cette histoire de vieux gentleman cambrioleur, devenu malgré lui l’unique témoin d’un crime impliquant le président des États-Unis, accroche de bout en bout, malgré son récit peu probable. Tiré d’un roman de David Baldacci, LES PLEINS POUVOIRS empruntent les voies de la critique derrière le thriller, fustigeant les « puissants » trop souvent persuadés qu’ils sont « intouchables » et au dessus des lois qu’ils mettent place. Si ce président américain est bien évidemment imaginaire, il n’y a pas à se forcer pour le remplacer par l’un des chefs d’état de notre joyeux monde.

Dans le rôle de cette crapule détestable, le grand Gene Hackman excelle à nouveau après l’ignoble shérif qu’il incarnait dans IMPITOYABLE 5 ans plus tôt. Veule, pleutre, suintant l’hypocrisie et la monstruosité,  l’interprétation d’Hackman place le film parmi ses meilleurs rôles.

Autour de lui, Clint Eastwood a réuni un superbe casting : Ed Harris et Scott Glenn se retrouvent des années après L’ÉTOFFE DES HÉROS, le premier très convainquant dans le rôle d’un flic honnête et droit, le second jouant un personnage en demi-teintes, membre zélé des services secrets mais dégoûté par le président qu’il doit servir, et ce qu’il est obligé de faire en son nom.

À leurs côtés, on retrouve les très bons Dennis Haysbert (HEAT, 24H CHRONO), dans le rôle d’un agent des services secrets sans scrupules, et Judy Davis (LA ROUTE DES INDES, BARTON FINK) en chef de la sécurité, ébloui par son amour / admiration pour le président.

Parallèlement aux côtés « thriller » du film, Eastwood développe les liens à la fois fragiles et forts qui unissent Luther Withney, son personnage, et sa fille Kate, interprétée par Laura Linney (THE TRUMAN SHOW, LOVE ACTUALLY, MYSTIC RIVER). Dans de belles scènes touchantes, drôles et simples, les deux acteurs offrent une belle partition faîtes de rancœur pour elle et de maladresse pour lui.

Il faut voir « l’homme sans nom » bredouillé tel un petit garçon quand Kate / Laura Linney lui reproche ses absences. L’actrice, quant à elle, est toujours juste, souriante et émue lorsqu’elle s’aperçoit que son père lui a rempli son frigo en son absence ! Des petits moments qui donnent aux personnages une épaisseur supplémentaire…

Classique mais prenant et attachant, LES PLEINS POUVOIRS n’est peut-être pas l’un des meilleurs films de Clint Eastwood. Mais son efficacité dans le suspense comme dans les moments intimistes en font un très polar.

 

L’AMANT DOUBLE (2017) de François Ozon

En France de nos jours, Chloé (Marine Vacth), une jeune femme sensible et fragile, suit une thérapie avec Paul (Jérémie Renier), un psychothérapeute dont elle tombe amoureuse. Alors qu’ils viennent tous deux de s’installer dans un nouvel appartement, Chloé découvre que Paul à un jumeau, Louis, qui exerce la même profession. Mais Louis semble aussi pervert et brutale que Paul est calme et distant…

Ceux qui me suivent le savent déjà. Je ne suis pas un grand fan de cinéma français, mise-à-part quelques exceptions et de grands classiques indémodables. Trop intello, mené par les diktats des chaînes de télé ou l’envie de plaire au public le plus large sans respecter son intelligence, les récents films hexagonaux ne m’ont guère convaincu.

François Ozon reste probablement l’un des cinéastes français qui se distingue par ses choix audacieux, que ce soit avec 8 FEMMES, SWIMING POOL ou DANS LA MAISON. Il est souvent parvenu à distiller du suspense et de l’étrange dans des récits en apparence banals, de l’originalité dans des histoires au contexte contemporain.

Inspiré du livre LIVES OF THE TWINS de Joyce Carol Oates, L’AMANT DOUBLE se présente comme un thriller psychologique à tiroirs, érotico chic et choc. Mais comme d’autres cinéastes avant lui, Ozon peine à traduire le désarroi psychologique d’une jeune femme perturbée et se prend les pieds dans le tapis du cabinet de son psy.

La faute à qui ou à quoi ? Si la réalisation est stylisée, le choix des acteurs et des séquences maladroites y sont pour quelque chose. La volonté de semer régulièrement le trouble chez les spectateurs, le faisant douter de ce qu’il voit – est-ce la réalité ou un fantasme ? – ajoute à la confusion face au film.

Semant son récit de scènes de sexe crues sans pour autant être troublantes, le cinéaste paraît se plier à une « tradition » du cinéma français en vogue dans les années 80 : «  j’ai des acteurs à la plastique attrayante, je les déshabille le plus souvent possible ! »

Certes, la sexualité de la protagoniste principale fait partie de l’histoire. Et il n’est pas question ici de jouer les prudes, ni les offusqués. Mais une question s’insinue dès lors : pourquoi ? Quel est le rapport entre ces séquences plutôt gratuites et la révélation finale, expliquant les troubles rencontrées par Chloé / Marine Vacth ?

Incarnant son personnage, entre une Isabelle Adjani et une Valérie Kaprisky des 80’s, Marine Vecth enlève à nouveau le haut et le bas comme elle l’a déjà fait dans JEUNE ET JOLIE du même Ozon. Jérémie Régnier s’y colle aussi, peu convainquant quand il s’agit de jouer les pervers du pauvre. On se croirait dans un 50 NUANCES… inédit, aux prétentions intellos et aux clichés multiples !

L’AMANT DOUBLE parvient de temps en temps à semer l’angoisse à travers les personnages de Myriam Boyer et Jacqueline Bisset. Jusqu’au twist final que l’on sent venir si l’on est attentif.

Esthétique mais froid, érotique mais convenu, intriguant mais maladroit dans sa façon d’évoquer les troubles psychologiques de son anti-héroïne principale, L’AMANT DOUBLE se voit sans passion mais avec une bonne migraine en fin de route.

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