Retour sur l’un des bijoux de la comédie des années 70. Et probablement le chef d’œuvre de Mel Brooks, pour ne pas dire « chef d’œuvre à part entière » du 7ème art.
De Marry Shelley à Wilder et Brooks
Tout le monde connaît ce classique de l’épouvante gothique, écrit et publié au début du XIXème siècle : FRANKENSTEIN OU LE PROMÉTHÉE MODERNE de Mary Shelley, écrit en 1816 puis publié 2 ans plus tard, est devenu célèbre à travers le monde, modèle maintes fois décliné et détourné.
La première adaptation du roman au cinéma remonte à 1910. Mais la plus célèbre reste sans nul doute la version de 1931, FRANKENSTEIN, avec Boris Karloff dans le rôle de la créature, puis sa suite de 1935, LA FIANCÉE DE FRANKENSTEIN, avec Elsa Lanchester dans le double rôle de la fiancée et de Mary Shelley. 2 films réalisés par James Whale.
40 ans plus tard, le réalisateur et auteur Mel Brooks est contacté par l’acteur Gene Wilder pour un projet qu’il a commencé à écrire. Les deux hommes se connaissent depuis le tournage du 1er film du cinéaste, LES PRODUCTEURS en 1968. Mais cette première réalisation ainsi que la suivante, LE MYSTÈRE DES 12 CHAISES en 1970, seront des échecs commerciaux. Et Brooks est en manque de projets.
Il accepte l’idée de Wilder : réaliser une parodie du FRANKENSTEIN de Mary Shelley tout en rendant hommage aux films de Whale. L’histoire est centré sur Frederick Frankenstine (Gene Wilder), médecin et descendant du Docteur Frankenstein qui ne veut plus rien à voir avec son aïeul. Devenu l’unique héritier des Frankenstein, Frederick quitte momentanément sa fiancée Elizabeth (Madeline Kahn) pour la Transylvanie où se trouve le château familial. Il est accueilli sur place par Inga (Teri Garr), une jeune laborantine, Igor (Marty Feldman), le serviteur du château, et Frau Blücher (Cloris Leachman), l’intendante du château… dont le nom attire l’orage et fait hennir les chevaux !
Envouté par l’atmosphère des lieux et la découverte du laboratoire de son ancêtre, Frederick décide lui aussi d’assembler une créature vivante (Peter Boyle) à partir de cadavres. Mais son assistant Igor se trompe en allant voler un cerveau et s’empare de celui d’un être anormal ! Alors que la créature s’enfuit du château, l’étrange Inspecteur Kemp (Kenneth Mars) s’intéresse au château et à ses habitants…
2 films sinon rien
Wilder et Brooks ont passé une sorte d’accord : un film pour un autre. En 1973, alors que le tournage du SHÉRIF EST EN PRISON a commencé, l’acteur Gig Young, interprète du pistolero « Waco Kid », s’écroule lors de sa première scène.
Young, qui souffre de sévères troubles liés à son alcoolisme, est indisponible. Mel Brooks se tourne alors vers Gene Wilder. Ce dernier accepte à la condition que le cinéaste le mette en scène dans FRANKENSTEIN JUNIOR.
S’appuyant sur le roman d’origine, les deux vont concevoir ensemble le scénario et établir le casting sur les meilleurs acteurs de comédie de leur entourage.
Sur la seule année 1974, Mel Brooks sera le metteur en scène de 2 comédies parmi les plus mémorables du cinéma, imposant la parodie comme son genre de prédilection.
Casting de fous (rires)
En tête du casting de FRANKENSTEIN JUNIOR, on retrouve bien sûr Gene Wilder. Né Jérôme Silberman en 1933, il prend des cours de théâtre dans les années 50 avant de jouer sa première pièce au début des années 60. C’est au cours de cette décennie qu’il rencontre Mel Brooks alors qu’il joue au théâtre avec Anne Bancroft (LE LAURÉAT), l’épouse de ce dernier.
Il débute au cinéma en 1967 dans BONNIE AND CLYDE. Puis il enchaîne avec LES PRODUCTEURS de Mel Brooks, CHARLIE ET LA CHOCOLATERIE, TRANSAMERICA EXPRESS, LES SÉDUCTEURS… Sa carrière ralentit dans les années 80, époque où il se consacrera plus à la réalisation avec LA FILLE EN ROUGE – remake d’UN ÉLÉPHANT ÇA TROMPE ÉNORMÉMENT – et NUIT DE NOCES CHEZ LES FANTÔMES.
Après la disparition de sa femme l’actrice Gilda Radner et des problèmes de santé, il se fait de plus en plus rare jusqu’à sa disparition en 2016, malgré sa participation dans WILL ET GRACE au début des années 2000.
Acteur britannique connu pour ses yeux divergents et ronds, Marty Feldman commença tout d’abord par écrire pour des comédies télévisées vers la fin des années 50 avant d’avoir son propre show 10 ans plus tard. FRANKENSTEIN JUNIOR le révèle au monde entier et il enchaîne plusieurs comédies avant de disparaître prématurément en 1982.
L’américaine Teri Garr débute au cinéma au début des années 60. On la voit dans CONVERSATION SECRÈTE, RENCONTRES DU 3ème TYPE, TOOTSIE, ONE FROM THE HEART (COUP DE CŒUR en VF) ou AFTER HOURS. Elle a incarné la mère de Phœbe dans la série tv FRIENDS.
Le visage et la grande taille de Peter Boyle l’ont souvent amené à jouer les rôles de « bad guys » comme dans LES COPAINS D’EDDIE COYLE ou OUTLAND. On a pu le voir aussi dans TAXI DRIVER, HAMMETT, DOUBLE DÉTENTE, MALCOM X ou Dr DOOLITTLE. Il a également participé aux séries tv TOUT LE MONDE AIME RAYMOND et X-FILES.
Disparue en janvier 2021 à 94 ans, l’actrice Cloris Leachman a commencé sa carrière à la fin des années 40. On l’a vu dans EN 4ème VITESSE, BUTCH CASSIDY ET LE KID, LA DERNIÈRE SÉANCE pour lequel elle reçu un Oscar, LE GRAND FRISSON ou LA FOLLE HISTOIRE DU MONDE. Elle a aussi fait du doublage pour des films d’animation, comme LE CHÂTEAU DANS LE CIEL ou LE GÉANT DE FER. sa longue carrière comprend également des participations à des séries tv comme ALFRED HITCHCOCK PRÉSENTE, RAWHIDE, MANNIX, LA CROISIÈRE S’AMUSE ou MALCOLM.
Ayant fait de nombreuses voix lui aussi pour de nombreux dessins animés lui aussi, Kenneth Mars voit sa carrière lancée au cinéma dans LES PRODUCTEURS de Mel Brooks. On le voit par la suite dans À CAUSE D’UN ASSASSINAT, FLETCH AUX TROUSSES, RADIO DAYS ou OMBRES ET BROUILLARD.
L’actrice Madeline Kahn devient célèbre dès les années 70 avec des rôles déjantés dans ON S’FAIT LA VALISE DOC ?, LE SHÉRIF EST EN PRISON, LE GRAND FRISSON, LA FOLLE HISTOIRE DU MONDE, HAUT LES FLINGUES ou CLUEDO.
Enfin, n’oublions pas Gene Hackman, méconnaissable dans le rôle du vieil ermite aveugle. Un bel essai à la comédie alors que l’acteur enchaînait les rôles dans des polars âpres (FRENCH CONNECTION, CONVERSATION SECRÈTE…).
Hommage et respect
Bien plus qu’une simple comédie sur un ton parodique, FRANKENSTEIN JUNIOR témoigne d’un grand respect vis-à-vis des films de James Whale et du roman de Marry Shelley. S’il est vrai que le film provoque le rire, il n’empêche que certaines séquences sont émouvantes.
De plus, la direction artistique sera très respectueuse de FRANKENSTEIN et de LA FIANCÉE DE FRANKENSTEIN. Ainsi, Mel Brooks repris les décors restants des deux films pour figurer le château et le laboratoire de Frankenstein.
Le cinéaste puisera également dans le récit du FILS DE FRANKENSTEIN, réalisé en 1939, pour y insérer références et clins d’œil comme le personnage burlesque de l’inspecteur Kemp, interprété par Kenneth Mars.
Triomphe et référence
Sorti fin 1974 aux États-Unis et à l’été 1975 en France, FRANKENSTEIN JUNIOR va être le 1er grand succès critique et public de Mel Brooks. Et va l’imposer dans ce genre de la parodie cinématographique qui sera sa « marque de fabrique » pour tous ses autres films, avec plus ou moins de bonheur. Par la suite, Mel Brooks adaptera le film en comédie musicale.
Alors que le public se presse dans les salles pour voir le film, l’ensemble de la presse y voit, à juste titre, un bijou de comédie, respectueuse de ses modèles.
FRANKENSTEIN JUNIOR va placer Gene Wilder dans le peloton de tête des acteurs vedettes des années 70. Il enchainera plus tard plusieurs films aux côtés de Richard Pryor, dont TRANSAMERICA EXPRESS, mélange de polar Hitchcockien, de comédie et de film catastrophe.
Chef d’œuvre incontesté du 7ème art et modèle inégalable plus ou moins avoué pour de nombreuses comédies fantastiques, FRANKENSTEIN JUNIOR reste une belle rencontre entre parodie, burlesque, comédie loufoque et émotion. L’une des rares comédie qui n’a pas négligé le soin de l’image et de l’écriture pour le plus grand bonheur des spectateurs.
À voir et revoir sans modération.
FRANKENSTEIN JUNIOR (1974) de Mel Brooks
Avec Gene Wilder, Teri Garr, Marty Feldman, Peter Boyle, Cloris Leachman, Madeline Kahn, Kenneth Mars, Gene Hackman…
Scénario : Gene Wilder et Mel Brooks, d’après le roman « Frankenstein ou le Prométhée moderne » de Mary Shelley.
Musique : John Morris et Victor Herbert.
Crédits photos : 20th Century Fox
J’ai vu pas mal des adaptations de « Frankenstein » et j’aimerai bien voir cette parodie :).
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Ah je te la recommande Rose ! C’est un classique de la comédie à voir absolument !
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