L’HISTOIRE
En 1981, Hubert Bonisseur de La Bath alias l’agent-secret OSS 117 (Jean Dujardin) est envoyé en mission pour retrouver son collègue Serge / OSS 1001 (Pierre Niney), disparu lors d’une mission dans un pays d’Afrique de l’Ouest dirigé par le tyran Koudjo Sangawe Bamba (Habib Dembélé)…
NOUVEAU COUP DE POLISH
Avertissement : si vous faîtes partie de cette génération qui s’indigne pour tout et pour rien sans réellement comprendre et connaître les véritables fondements de ces indignations, ce film – et cette chronique – ne sont pas pour vous.
Je m’explique. Depuis quelques temps, il est devenu courant de s’indigner pour de multiples raisons. Certaines sont sincères et nécessaires. D’autres sont exagérées ou involontairement drôles. Aujourd’hui, « grâce » aux réseaux sociaux, on hurle parfois pour 3 fois riens. Comme ce boycott d’un personnage de cartoon – Pépé le putois – taxé il y a peu d’incitation au viol (un personnage de cartoon… si si si si si) ou bien encore le prince de Blanche-Neige… qui embrasse la belle endormie sans son accord. Un autre personnage de cartoon. Un mufle. Un goujat. Un véritable prédateur sexuel, quoi.
Dans le sympathique et branché podcast parisien ANNÉE LUMIÈRE, une jeune femme – je ne sais plus son nom, peu importe, vous trouverez par vous même… – s’indignait de l’absence d’acteurs afro-américains au casting de BREAKFAST CLUB. Donc, en substance, que le film et son réalisateur John Hugues faisaient preuve de racisme. Bien sûr.
Un autre exemple ? Il m’arrive, entre deux articles, de faire du fan-art et même d’exposer (pour la pub gratuite, c’est fait…). Il y a quelques temps, je présente quelques créations dans un bar de Lille. La (très) jeune serveuse, tatouée et percée des cheveux aux orteils, me dit : « C’est quand même dommage que tu exposes des trucs d’un putain de capitaliste ! ». Interloqué – voire choquée – je lui demande : « Pardon ? Tu me parles de Spielberg ou d’Hitchcock ? », les deux célèbres cinéastes étant au cœur de mes créations.
« Ben l’autre là, le mec de Jurassic Park, quoi… ». Elle parlait semble-t-il de Steven Spielberg… Puis la voilà parti dans un discours tout droit sorti de Tik Tok et Twitter sur l’ignominie du bonhomme qui, je cite, « ne réalise que des films sur la société capitaliste américaine », sur le cinéma américain qui n’est « qu’un ramassis de conneries », bla bla bla… Fin de citation.
Pour la faire plus brève, nous évoquons alors le cinéma américain. Je tente de la convaincre qu’elle se trompe. Elle me dit qu’elle a étudié le cinéma. Je lui demande où. Elle me répond : « Au collège, en 3ème ». Je lui parle de Jim Jarmush, de Wes Anderson. Elle ne connait pas. Je tente de la convaincre que Spielberg, c’est bien quand même. Que le cinéma américain, ça n’est pas que FAST AND FURIOUS ou du Marvel à outrance. Fin de la discussion. Fin de la parenthèse.*
Pour en revenir à OSS 117 : ALERTE ROUGE EN AFRIQUE NOIRE, ce film est une réussite d’irrévérence à ne pas mettre entre toutes les mains, devant tous les yeux et à l’écoute de toutes les oreilles. Il s’agit d’une parodie, d’un détournement, d’une moquerie, de la critique d’un temps que les moins de 20 ans ne peuvent pas connaître. Et tout à la fois, comme pour les deux précédents films, d’une critique de notre riante contrée, la France donc, à une certaine époque. Et en substance, la France d’aujourd’hui, à quelques « évolutions » près.
Pour ce 3ème volet réalisé par Nicolas Bedos, l’action prend place en 1981. Et ça n’est pas innocent. Alors que François Mitterand sera élu président en mai de cette même année – François « Mitrand » comme prononcé dans le film – et que Valery Giscard d’Estaing est impliqué dans la fameuse « affaire des diamants », ALERTE ROUGE EN AFRIQUE NOIRE est une nouvelle occasion pour Jean-François Halin, scénariste et co-créateur avec Michel Hazanavicius de la trilogie, de rire de notre « beau pays » et d’une attitude française patriotique et ridicule.
Revenant dans le smoking taillé sur mesure d’OSS 117, Jean Dujardin s’accapare le rôle avec gourmandise et générosité, jouant les idiots sans crainte du ridicule, conférant à son personnage l’attitude d’un grand enfant dépassé par les évènements tout en le rendant touchant et attachant.
Dans ce qui semble être l’ultime volet de cette version parodique du personnage des romans de Jean Bruce, ce double franchouillard et « bras cassés » de James Bond est confronté à son âge (face au petit nouveau incarné par Pierre Niney) et à sa virilité (avec les personnages de Fatou N’Diaye et Natacha Lindinger), en plus d’être à nouveau brocardé pour son racisme et sa misogynie. Tout ceci étant à prendre, je le répète, avec du recul, bien sûr.
Si une majorité de la critique se plaint d’une baisse de tonus pour ce 3ème épisode, j’ai pour ma part pris beaucoup de plaisir à le voir. Les allusions à ce qui « fait la France » – le Concorde, la Renault 12 Gordini, L’Île Aux Enfants – font toujours mouche. Le personnage d’Hubert est toujours aussi savoureusement stupide. Les répliques sont pertinentes et les gags méritent sûrement une seconde vision du film pour tous les apprécier pleinement.
Nicolas Bedos reprend la franchise brillamment, dès l’excellent générique d’introduction qui parodie (chanson à l’appui) ceux de la série des 007. Politiquement incorrect, il prend, avec évidence, notre époque de moins en moins permissive à rebrousse-poil pour nous amener, derrière l’humour, à réfléchir tout en prenant de la distance.
Grinçant, ludique et comprenant de multiples références, OSS 117 : ALERTE ROUGE EN AFRIQUE NOIRE est une très bonne comédie à prendre comme telle. Avec humour et distance.
* L’anecdote évoquée est authentique.
OSS 117 : ALERTE ROUGE EN AFRIQUE NOIRE de Nicolas Bedos (2021)
Avec Jean Dujardin, Pierre Niney, Fatou N’Diaye, Habib Dembélé, Natacha Lindinger, Wladimir Yordanoff, Gilles Cohen…
Scénario : Jean-François Halin d’après les romans de Jean Bruce
Musique : Anne-Sophie Versnaeyen et Nicolas Bedos
Crédits photos : Gaumont (France)
Je vous rejoins complètement sur le film.
Quant à cette anecdote, elle confirme hélas la tendance actuelle à se murer dans les préjugés, dans un sinistre premier degré, sans aucun recul. Disons que cette demoiselle était encore bien jeune pour peut être avoir une idée claire du cinéma de Spielberg. Ceci dit, je connais aussi pas mal de vieux qui pensent comme elle…
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Oui, on est bien d’accord. Ça n’est pas qu’une question d’âge. D’ailleurs… en réagissant ainsi, je joue les « vieux cons » de service 😄😉 Ceci dit, c’était une façon d’exprimer mon ressenti sur l’intolérance et le manque de recul des internautes en 2021.
En sortant de cette séance d’OSS 117, j’ai pensé aux réactions « outragées » qu’exprimeraient certains internautes à la vision du film. Il est bon de s’indigner. Mais avec réflexion. Aujourd’hui, des humoristes comme Coluche, Desproges ou Guy Bedos seraient perpétuellement attaqués par les « gardiens du temple » sur Twitter ou Facebook. Comme le disait je ne sais plus qui, on peut rire de tout… mais pas avec tout le monde.
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Je fais partie de la génération censée hurler au scandale et pourtant je sais reconnaître du second degré quand j’en vois et j’ai même regretté que Bedos n’aille pas plus loin dans l’irrévérence… 😉
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Et bien tant mieux, tout n’est pas perdu ! Le réalisateur s’est probablement bridé par rapport à notre époque… Je ne vise pas quelqu’un en particulier. Je m’insurge contre certains et certaines qui n’ont aucun recul. Vous connaissez Demolition Man ? Nous nous dirigeons vers ce genre de société. Tout ne doit pas être accepté, je suis bien d’accord. Mais certaines polémiques n’ont pas lieu d’être.
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Non je ne connais pas Demolition Man… mais je vois bien l’idée. Je trouve ce sujet complexe et je pense qu’il faut savoir trouver un juste milieu, bien difficile à atteindre.
Quant à Bedos, oui, c’est certain, il avoue lui-même qu’il décevra sans doute les amateurs de cet humour au trentième degré autant qu’il agacera les bien pensants…
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Pour Demolition Man, rien de grave, ça n’est pas un chef d’œuvre inoubliable. Mais l’idée intéressante de ce film est de présenter un monde aseptisé où certes la violence n’existe plus mais où le moindre juron prononcé est passible d’une amende ! Bref… Aujourd’hui, nous sommes déjà un peu dans cet univers. Un personnage de cartoon créé il y a plus de 50 ans est sujet à des polémiques exagérées. La moindre photo – par exemple, Spielberg posant à côté d’un faux dinosaure – entraîne des torrents d’insultes et d’internautes en colère… Je résume mais je trouve inquiétant ce monde de plus en plus inculte et agressif pour tout et pour rien parfois.
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