DUNE de Denis Villeneuve

L’histoire

En 10191, la planète Arrakis – connue sous le nom de « Dune » pour son extrême aridité – est l’enjeu de rivalités économiques et politiques entre plusieurs mondes de la galaxie. Planète mère de « l’Épice », une substance psychotrope très recherchée, développant les capacités spirituelles et physiques, elle fut longtemps sous la domination des Harkonnen, une nation brutale et sanguinaire en guerre contre les Fremen, peuple d’origine d’Arrakis, replié dans le désert dans l’attente d’un « Messie ». Mais l’Empereur Shaddam IV décide de confier cette planète aux Atréides, originaires de la planète Caladan et farouches opposants des Harkonnen. Derrière ces manœuvres se cache un lourd complot…


Le sablé était presque parfait

Au cas où vous auriez vécu ces dernières années sur une île déserte, coupés de la folie ambiante, sachez que DUNE n’en est pas à sa première adaptation. Commençons par le commencement. À l’origine, il y a un (épais) roman de SF, écrit par Frank Herbert et publié en 1965. Récit épique mêlant références historiques, alertes écologiques et – comme toujours dans l’univers de la science-fiction – miroir de notre propre monde basé sur le pillage des ressources terrestres au mépris des peuples du monde et de l’équilibre terrestre, DUNE possède aussi de nombreux points bien ancrés dans l’époque de bouleversements des sixties – le rejet de l’ancien monde, l’envie de tout changer, les substances qui ouvre l’esprit à d’autres dimensions, etc… – et son récit est devenu avec le temps une référence pour de nombreux lecteurs, avides d’évasion et d’univers étonnants.

Une dizaine d’années plus tard, Alejandro Jodorowski a tenté d’en faire une gargantuesque adaptation, trop gourmande sans doute, avec un casting délirant où devaient se croiser Orson Welles, Alain Delon, Mick Jagger… Avec des designs de Giger et Moebius, sur une BO signée Pink Floyd, le projet fut abandonné pour faute de budget raisonnable, ouvrant la porte à d’autres productions comme ALIEN.

10 nouvelles années ont passé et en 1984 sort le film DUNE de David Lynch, produit par le mogul italien Dino De Laurentiis. Cette version sera un échec commercial et public qui deviendra culte pour certains et avec le temps. On se souvient aujourd’hui de Kyle MacLachlan et sa coupe de cheveux « Ric Hochet », du gros Baron Harkonnen couvert de pustules, de Sting grimaçant à l’excès, des gros « vers bistouquettes » menaçant et de la BO de Toto et Brian Eno.

Puis, mis-à-part une mini série télé de prestige au début des années 2000 avec William Hurt et Susan Sarandon, fiction ambitieuse, plus complète et fidèle que celle de Lynch mais souffrant de ses atours télévisés, tout projet d’adaptation du roman fleuve d’Herbert disparu dans les tréfonds de l’espace.

Mais voilà qu’une nouvelle adaptation de DUNE fait parler d’elle il y a quelques années, pourvue d’un beau casting – Oscar Isaac, Javier Bardem, Josh Brolin, Rebecca Ferguson… – et du réalisateur Denis Villeneuve (ENNEMIS, PREMIER CONTACT, SICARIO, BLADE RUNNER 2049) à la barre. Repoussée pour cause de pandémie, cette nouvelle version arrive enfin sur grand écran et provoque déjà des torrents d’avis dithyrambiques. Qu’en-est-il au bout du compte et de l’attente ?

Il y a tout d’abord une chose qui a le don de m’agacer prodigieusement : ce sont ces affiches de films qui vous proclament – avec beaucoup de retenue – que le film vanté est un chef d’œuvre. Oui, je sais, ce serait absurde d’écrire sur une affiche de film que la dite œuvre est totalement ratée et qu’il vaut mieux l’éviter ! Mais de là à affirmer, plusieurs jours avant sa sortie, qu’un film comme DUNE est « historique », n’est-ce pas un peu prémédité ? Ne sommes-nous plus capables de nous faire notre propre opinion pour que l’on nous assène à grand coup de massives campagnes d’affichages que nous devons vénérer un film sans même l’avoir encore vu ?

Il y a dans cette volonté de nous imposer un avis définitif la maladresse de ceux qui craignent de se prendre un râteau à la sortie du film. Comme s’il avaient peur de quelque chose.

Certes, quand les enjeux financiers sont importants et qu’une période sombre de salles fermées nécessitent de sortir la tête de l’eau, on peut comprendre le besoin de « pousser » les gens dans les salles. Alors, au final, quid de DUNE 2021 ?

Une superproduction, c’est un fait, au gigantisme tantôt spectaculaire, tantôt pauvre à force de jouer les cartes du minimalisme et de la sobriété des décors et costumes (en réaction par rapport à la version de Lynch ?).

Dans la « famille positive », je demande le jeu des acteurs, moins théâtral et outrancier que dans le film de 1984. Oscar Isaac, Rebecca Ferguson, Jason Momoa et Josh Brolin par exemple parviennent à imposer, avec peu d’effets, des personnages à la fois secondaires et essentielles. Timothée Chalamet – que je découvre en ce qui me concerne – s’en sort plutôt bien dans un rôle colossal pour ses épaules étroites, donnant une certaine épaisseur à son personnage pivot de Paul Atreides.

Que dire par contre du choix de Zendaya, ado star censée personnifier les rêves prémonitoires du jeune Paul / Chalamet ? Dans un registre identique aux récentes versions de SPIDER-MAN, elle joue les guerrières farouches en fronçant les sourcils. Voilà qui fera sans doute le bonheur des plus jeunes spectateurs…

Déception également pour les (trop) nombreux personnages présents à l’image mais quelque peu « sacrifiés » sur l’autel de la durée du film (2h35) avec, entre autres, Stellan Skarsgård ou David Bautista que l’on devine sous le maquillage plus qu’on apprécie vraiment leurs interprétations.

À côté de belles idées graphiques – comme ces vaisseaux, croisements entre la libellule et l’hélicoptère – et des plans d’ensemble impressionnants, la direction artistique semble s’égarer dans une volonté excessive de sobriété. Idem pour les costumes, nous empêchant parfois de distinguer les bons des méchants ou trop ancrés dans notre époque comme ceux des Fremen par exemple, mix entre une tenue de commando et de Bat costume épuré.

Si le soin apporté sur le son est remarquable, nous plongeant immédiatement dès le début dans le récit, la BO de Hans Zimmer s’apparente beaucoup plus à un design sonore qu’à une musique de film, difficile à apprécier en dehors de la vision du long-métrage. Les mauvaises langues diront que Zimmer fait du Zimmer, comme toujours. Même s’il y a du vrai, certaines de ses partitions parvenaient à traduire une réelle émotion (INTERSTELLAR par exemple). Ici, point de thèmes, point de réelles envolées. Un « sound design » aux parfums de MoyenOrient, prévisible et plus approprié pour un jeu vidéo.

Enfin, dernière grosse déception, pourquoi ne pas avoir précisé plus tôt qu’il ne s’agissait ici que d’une 1ère partie ? Certes, à l’heure où je rédige cette chronique, tout le monde ou presque est informé. Mais pourquoi ne pas l’inscrire sur l’affiche, par exemple ? Ou dans la bande-annonce ? Sans divulgacher quoi que ce soit, sachez que le film de Denis Villeneuve se conclut sur la première rencontre de Paul avec le peuple Fremen. Et tout cela après 2h35 de récit ! Curieux…

Au bout du compte et à mon humble avis, DUNE n’est pas une catastrophe. Mais le film n’est pas non plus l’évènement historique que l’on tient à nous faire admettre. Spectacle à voir sur grand écran, certains choix (nécessaires ?) ne sont pas des plus heureux et peuvent frustrer plus d’un fan de cinéma de science-fiction. Voilà, encore une fois, ça n’est que mon avis. Libre à vous de vous faire votre propre opinion.


DUNE (2021) de Denis Villeneuve.
Avec Timothée Chalamet, Rebecca Ferguson, Oscar Isaac, Josh Brolin, Jason Momoa, Stellan Skarsgård, David Bautista, Charlotte Rampling, Chang Chen…
Scénario : Eric Roth, Jon Spaihts et Denis Villeneuve d’après le roman de Frank Herbert.
Design sonore : Hans Zimmer.

Crédits photos : © Lengendary Pictures / Warner Bros


Bande-annonce
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