ALFRED HITCHCOCK PRÉSENTE : les épisodes du maître du suspense

Grand fan d’Alfred Hitchcock, je m’étais procuré, il y a quelques temps, un coffret de DVD réunissant les épisodes  de la série ALFRED HITCHCOCK PRÉSENTE réalisées par Sir Alfred en personne.

Composée de 7 saisons puis diffusée de 1955 à 1960 et de 1960 à 1962 sur les chaînes CBS et NBC, cette anthologie – une série d’histoires construites sur un thème commun mais indépendantes les unes des autres – fut un grand succès auprès du public, au même titre que THE TWILIGHT ZONE / LA QUATRIÈME DIMENSION ou THE OUTER LIMITS / AU DELÀ DU RÉEL

Cette anthologie, de plus de 200 épisodes en noir et blanc de 25/30 minutes et de 50/60 minutes, se différencie de ses consœurs par l’aspect « policier » des intrigues. Soit essentiellement des récits axés sur des histoires de meurtres et des thrillers dont le “maître du suspense” s’était déjà fait une spécialité au cinéma. Toutefois, certaines intrigues prennent parfois une tournure fantastique.

En France, cette série, devenue un classique, fut diffusée la première fois en 1959 avant d’être multi-rediffusée jusqu’au milieu des années 80 sur TF1 puis sur d’autres chaînes de la TNT et du câble.

ALFRED HITCHCOCK PRÉSENTE fut suivie en 1962 par THE ALFRED HITCHCOCK HOUR. Auparavant, de 1957 à 1958, Hitchcock créa et produisit une autre anthologie regroupant des récits d’une heure et nommée SUSPICION. Ces deux autres anthologies furent regroupées et programmées en France sous le même titre de SUSPICION en 1965, et pour une dizaine d’épisodes.

La plupart des récits d’ALFRED HITCHCOCK PRÉSENTE, de THE ALFRED HITCHCOCK HOUR et de SUSPICION venaient de nouvelles publiées… dans le ALFRED HITCHCOCK’S MYSTERY MAGAZINE, journal publié chez nous entre 1961 et 1975, et regroupées en recueils de poche aux titres évocateurs : HISTOIRES À NE PAS FERMER L’ŒIL DE LA NUIT, HISTOIRES DRÔLEMENT INQUIÉTANTES, etc…

Pour en revenir aux séries tv, Hitchcock en réalisa une vingtaine d’épisodes, regroupés dans le coffret que j’évoquais en début d’article. Chaque récit de ALFRED HITCHCOCK PRÉSENTE démarrait par une petite ritournelle aujourd’hui célèbre (« La Marche Funèbre D’Une Marionnette » de Charles Gounod) et par une présentation du cinéaste, drôle et décalée, toujours teintée d’un humour noir très « Hitchcockien » dans ses gags et ses dialogues.

Ces 20 épisodes sont l’occasion de découvrir avec plaisir d’autres créations du « maître », parsemés de ce qui fera sa touche personnelle tout au long de sa carrière : l’importance des objets, le rôle prédominant des femmes, la complexité de récits simples en apparence…

Voici donc, dans l’ordre de vision, ces épisodes que l’on peut voir et revoir sans modération.


• LE CRIME PARFAIT

Au début du XXème siècle, un célèbre détective (Vincent Price) se vante d’avoir toujours résolu les affaires de crimes…
Un huis-clos au récit linéaire mais dont le suspense monte progressivement. Constitué d’un seul décor mais à l’aide de flashbacks et de ses acteurs principaux, dont le célèbre Vincent Price (L’HOMME AU MASQUE DE CIRE, LA MOUCHE NOIRE, L’ABOMINABLE Dr PHIBES…), Hitchcock parvient à rendre l’intrigue captivante.

• LE CAs de mr pelham

Mr Pelham (Tom Ewell), un homme d’affaires sans histoires, voit sa vie progressivement bouleversée par l’intrusion d’un double parfait…
Un nouvelle intrigue captivante, teintée de fantastique, interprétée par Tom Ewell, plus connu pour avoir donné la réplique à Marilyn Monroe dans SEPT ANS DE RÉFLEXION. Cette histoire de «Doppelgänger » (le nom issu du folklore germanique pour évoquer un double intrusif) provient d’un roman d’Anthony Armstrong, The Strange Case of Mr Pelham, qui sera de nouveau adapté en 1970 dans La Seconde Mort d’Harold Pelham de Basil Dearden avec Roger Moore.

• le Secret de mr blanchard

Une jeune femme, auteure de récits policiers, est persuadée que son voisin a assassiné son épouse…
Une intrigue légère et humoristique dont les relents quelque peu misogynes sont bien datés. Amusant mais plutôt faible comparé aux autres épisodes.

• Incident de parcours

Un homme vient de tuer son épouse après une violente dispute. Prenant la route dans sa voiture pour se débarrasser du corps, il est harcelé par un policier opiniâtre…
Une histoire simple mais traitée avec beaucoup d’efficacité grâce à un suspense soutenu. Sans aucun dialogue dans les premières 10/15 minutes, Hitchcock sait user d’un habile montage et de plans explicites pour nous mettre à la place de l’assassin malgré lui, et de nous faire ressentir ses angoisses. À noter certaines similitudes avec le début de PSYCHOSE et la fuite de Marion Crane, harcelée par un motard.

• Arthur

Dans la campagne anglaise, Arthur (Laurence Harvey) est un éleveur de poulets prospère, disposant d’appareils sophistiqués lui permettant de travailler seul. Mais un jour, sa compagne le quitte pour épouser un autre homme…
Un récit d’une ironie redoutable, brillamment soutenu par l’interprétation glaçante et cynique de Laurence Harvey (LES CHEMINS DE LA HAUTE VILLE, UN CRIME DANS LA TÊTE, ALAMO…), vu également dans un épisode classique de la série COLUMBO. S’adressant directement au public et faisant ainsi tomber le « quatrième mur » du décor, l’anti-héros de l’intrigue rend les spectateurs complices de ses actes. À noter la participation de Patrick Macnee, célèbre John Steed de la série CHAPEAU MELON ET BOTTES DE CUIR.

• J’ai tout vu

À un carrefour, un motocycliste est renversé par un chauffard. Plusieurs témoins ont vu la scène et évoquent ce qu’ils ont vu…
Un épisode d’une heure, issu de THE ALFRED HITCHCOCK HOUR, avec John Forsythe, déjà dirigé par Hitchcock dans MAIS QUI A TUÉ HARRY ? et devenu célèbre pour son rôle de patriarche dans la série DYNASTIE. Sur un canevas procédurier – genre très apprécié du public anglo-saxon – assez classique, Hitchcock parvient à réaliser un suspense impeccable. Le récit nous démontre combien les hommes sont influencés par leurs congénères, par les difficultés de leurs propres existences et par leurs actes au moment d’un fait précis. Pourvu d’une fin inattendue, ce court-métrage maintient l’attention sans faiblir jusqu’aux dernières secondes.

• C’est lui

Traumatisée à la suite d’une agression, une jeune femme croit reconnaître le coupable au détour d’une rue…
L’un des épisodes les plus célèbres de la série. Comme le récit précédent, il se base sur la fragilité des témoignages humains et sur la tournure dramatique que peut engendrer une vengeance aveugle. La tension est constante et prouve à nouveau qu’un récit de format court, surtout s’il est mis-en-scène par Alfred Hitchcock, est parfois bien plus efficace qu’un long métrage. Avec l’actrice Vera Miles, vu chez Hitchcock dans LE FAUX COUPABLE et PSYCHOSE.

• Jour de pluie

Une famille anglaise distinguée doit faire face à une dramatique situation : la cadette a tué l’instituteur du village. Mais l’arrivée inopinée de Smallett (John Williams), un ami de la famille, va résoudre le problème…
Épisode à l’humour noir « so british » où l’on retrouve l’acteur britannique John Williams (à ne pas confondre avec le célèbre compositeur de musiques de films) déjà vu chez Hitchcock dans LE CRIME ÉTAIT PRESQUE PARFAIT et LA MAIN AU COLLET. Le récit est plutôt invraisemblable dans son déroulement, affectant, au final, sa qualité et son impact.

• pris au piège

Un horloger (E.G. Marshall) est persuadé que sa femme le trompe. Il échafaude de les éliminer elle et son amant. Mais un imprévu le place dans une situation critique…
Épisode pilote de l’anthologie SUSPICION, un suspense prenant et tendu où le « bourreau » devient malgré lui la victime de son propre crime. Hitchcock joue du métier de son personnage principal en plaçant à l’image une horloge, un réveil ou une montre durant tout le récit, jusqu’à la séquence finale où le montage serré et l’alternance de gros plans pousse le suspense à son paroxysme. Un bon épisode soutenu par la performance d’E.G. Marshall (OURAGAN SUR LE CAINE, 12 HOMMES EN COLÈRE, LES PLEINS POUVOIRS…). À noter l’acteur Harry Dean Stanton (ALIEN, CHRISTINE, PARIS TEXAS…) dans un de ses tous premiers rôles.

• haut les mains

En fouillant la valise de son oncle rentré de voyage, un petit garçon y trouve un révolver qu’il prend pour un jouet…
L’un des meilleurs épisodes de la série, doté d’un excellent suspense. Sur la base d’une histoire qui pourrait être, hélas, toujours d’actualité, Hitchcock emploie l’une de ses célèbres méthodes pour maintenir la pression du public : en rendant complices les spectateurs d’un drame inéluctable – ici, un enfant jouant avec une véritable arme à feu –  il rend son histoire captivante jusqu’au mot fin.

• L’inspecteur se met à table

Après une dispute avec son mari qui la pousse à bout, une jeune femme (Barbara Bel Geddes) le tue à l’aide d’une « arme » pour le moins inattendue…
Là aussi, Hitchcock réalise l’un des épisodes classiques de la série. Basé sur une trame apparemment banal, le récit s’achève sur une superbe note d’humour noir. Une histoire où l’on retrouve la charmante Barbara Bel Geddes, vu dans le célèbre VERTIGO / SUEURS FROIDES et devenue célèbre en interprétant la mère Ewing de la série DALLAS.

• LE Manteau

Mariée à un dentiste, Mme Bixby lui cache qu’elle retrouve chaque mois son amant sous le prétexte d’une visite familiale. Mais l’homme la quitte, lui offrant un manteau de fourrure en guise de cadeau d’adieu…
Un bon épisode, sans meurtres ni drames mais teinté de cynisme. Sur une histoire de Roald Dahl (CHARLIE ET LA CHOCOLATERIE) autour de l’adultère et ses « contrariétés », Hitchcock réalise un épisode à la fois moral et immoral, doté d’une fin surprenante et ironique.

• ACCIDENT

Durant ses vacances, un homme d’affaire cynique est victime d’un accident de voiture…
Un inédit avec Joseph Cotten, déjà vu chez Alfred Hitchcock dans L’OMBRE D’UN DOUTE et dans CITIZEN KANE d’Orson Welles. Le scénario est teinté d’ironie et de moralité, avec ce businessman new-yorkais cruel face à une situation qui l’affaiblit. Cotten, présent durant tout le récit dans un rôle « particulier » contribue grandement à la tension ressentie.

• Poison

Une nuit, quelque part en Asie, un homme alité constate qu’un serpent venimeux s’est posé sur son ventre pendant son sommeil…
Que feriez-vous, dans une situation sans issue, si la seule personne présente pour vous venir en aide n’était pas votre ami ? Doté d’une fin surprenante, un excellent épisode, tiré d’une histoire de Roald Dahl , où « l’animal » le plus dangereux n’est pas celui que l’on croit. Avec Wendell Corey, le policier dubitatif de FENÊTRE SUR COUR.

• LA tranchée de cristal

Au début du XXème Siècle, dans les Alpes Suisse-Allemande, un alpiniste se tue en tombant dans la crevasse d’un glacier…
Un récit romantique et dramatique, loin des thrillers de la série. Mais l’intrigue surprend par un final cruel et inattendu. À noter la présence à nouveau de Patrick Macnee / Steed dans un second rôle.

• incident au carrefour

Chargé de régler la circulation d’un carrefour à proximité d’une école, un vieil homme est accusé d’avoir une attitude ambigu vis-à-vis des enfants…
Un épisode en couleurs avec Vera Miles et George Peppard, réalisé par Hitchcock en 1960 pour la série FORD-STARTIME, une anthologie avec laquelle Sir Alfred n’avait aucun lien si ce n’est ce segment. Malgré une fin vite expédiée et une ambiance très 60’s, cette histoire de vengeance et de calomnie pourrait très bien, hélas, se dérouler de nos jours.

• De retour à noël

Les Carpenter, un vieux couple d’Anglais, ont prévu de prendre des vacances en Californie. Mais Mr Carpenter a d’autres projets…
Une histoire de crime « so british » qui vaut principalement pour l’interprétation savoureuse de l’acteur John Williams (déjà vu dans l’épisode JOUR DE PLUIE). Un récit teinté d’humour noir,

• Le fantôme de blackheat

En 1903 à Blackheat près de Londres, un inspecteur de Scotland Yard à la retraite cherche à résoudre un crime non résolu à l’aide d’une macabre mise-en-scène…
Excellent épisode à l’ambiance gothique digne des productions Hammer, où l’on retrouve à nouveau l’acteur John Williams. Avec peu d’effets, le récit policier frôle le fantastique. Si l’on se doute du final surprenant, on frissonne avec plaisir.

• Le plongeon

Au cours d’une croisière vers l’Europe qu’il fait avec son épouse, un homme fait un pari qu’il risque de perdre. Cherchant à annuler sa future dette, il lui vient une idée hautement risquée…
Tiré d’une histoire de Roald Dahl, un épisode grinçant où le personnage principal, un homme naïf attiré par l’appât du gain, se retrouve piégé par son avidité. Une curieuse histoire à l’humour noir très présent jusque dans son titre à double sens, interprété par Keenan Wynn (Dr FOLAMOUR, LA GRANDE COURSE AUTOUR DU MONDE, UN NOUVEL AMOUR DE COCCINELLE…).

• Caracolade

Le prêtre d’une église sans le sou rencontre l’un de ses paroissiens, un généreux donateur qui gagne ses paris équestres après avoir prié sur le cheval gagnant…
Original et amusant récit, opposant l’excès de principes de l’Église et les réalités tere-à-terre de l’existence. On peut y voir une critique corrosive de la religion et de ses ambivalences. Avec Claude Rains en tête d’affiche, vu dans L’HOMME INVISIBLE, LAWRENCE D’ARABIE et LES ENCHAÎNÉS d’Alfred Hitchcock.


Pour conclure sur ce (très) long article, j’ai pris énormément de plaisir à découvrir et redécouvrir cette sélection d’épisodes réalisés par le maître du suspense en personne.

Chaque récit, par son traitement fait de suspense et d’humour, a plutôt bien vieilli, et l’usage du noir et blanc donne à l’ensemble une patine très agréable. Cette vingtaine d’épisodes m’a donné envie de replonger dans la totalité de la série qui, à titre informatif, est également disponible en vidéo.

L’anthologie est à la série ce que la nouvelle, genre littéraire prisé des anglais et américains, est au roman : la possibilité de développer toutes sortes de thématiques tout en restant pertinent et attractif. D’évoquer une époque, un genre spécifique, une situation… en évitant la surenchère et l’ennui puisque l’un des objectifs est d’être clair et concis. Un genre qui mériterait d’être plus souvent utilisé de nos jours à la télévision…

ALFRED HITCHCOCK PRÉSENTE, et les autres anthologies de Sir Alfred, réunit un casting d’acteurs aguerris et de futurs stars en devenir.

C’est aussi une série dont les excellentes introductions présentées par Hitchcock mériteraient à elles seules un article, tant leur décalage et leur grande liberté de ton valent autant que les épisodes eux-mêmes : Hitchcock présentant des œufs cubiques pour un meilleur rangement, invitant le public à prendre le thé dans un caveau ou sectionnant tranquillement la corde d’un alpiniste…

Une très belle redécouverte que je vous recommande vivement, cinéphiles, télévores, mordus des séries et grands admirateurs de l’œuvre indémodable d’Alfred Hitchcock.

2 commentaires Ajoutez le vôtre

  1. manU dit :

    Tout pour me plaire ce coffret !
    Et je me souviens très bien de l’épisode L’inspecteur passe à table…

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    1. Ah oui je te le recommande Manu ! On peut encore le trouver sans problème sur le net 👍

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