BABYLON de Damien Chazelle

L’HISTOIRE

De 1926 jusqu’au début des années 30, époque des premiers films parlants, les destins croisés de plusieurs personnages dans l’univers impitoyable d’Hollywood : Jack Conrad (Brad Pitt) est une star de l’écran qui vit ses derniers moments de gloire; Manuel « Manny » Torres (Diego Calva) est un jeune mexicain idéaliste tombé dans la mecque du cinéma; Nellie LaRoy (Margot Robbie), une beauté excessive et sauvage, veut fuir ses origines misérables. Mais à quel prix ?…


HOLLYWOOD, JE T’AIME JE TE HAIS

BABYLON est un rêve. Et un cauchemar. Une déclaration d’amour et de haine au 7ème art par un cinéaste brillant. Une descente aux enfers éprouvante et jubilatoire.

Comme Babylone, la mythique cité antique, « porte des Dieux » qui devint la capitale d’un royaume immense, Hollywood s’est construite dans les larmes, le sang, le sexe… et la merde d’éléphant ! Il faut aller voir le film pour comprendre.

Derrière les strass et les paillettes, Damien Chazelle nous entraîne dans les coulisses de ce qu’était sans doute, dans les années 20, la Mecque du cinéma. Dans cette période d’avant le code Hays où les excès n’avaient pas de limites.

En un peu plus de 3 heures d’un Grand Huit enthousiasmant et épuisant – le réalisateur de WHIPLASH, LA LA LAND et FIRST MAN – nous offre un spectacle débordant d’énergie, de lumières et d’ombres pour mieux nous transmettre la frénésie d’une époque révolue et dingue.

Dans cette orgie de tous les excès, quelques personnages vont être nos guides malgré eux. Ils partagent avec nous leurs rires et leurs larmes, leurs coups de foudre et leur écœurement, leur dégoût et leur fascination.

Selon la sensibilité de chacun et chacune, BABYLON peut se prendre comme une éblouissante expérience ou un mauvais trip. On peut aussi ressentir ces deux extrêmes entremêlés. Dans tous les cas, on n’en ressort pas indemne. Le film de Damien Chazelle vous laisse groggy. Une claque comme on dit. De celles qui vous marquent le corps et l’esprit.

BABYLON est d’autant plus frappant – c’est le mot – que le cinéma actuel, trop souvent inodore et sans goût, ne nous a plus habitué à ça. Dès les premières minutes, on pense à Fellini et à sa démesure. À ces œuvres des années 70, voire 80, qui secouaient les spectateurs pour les rendre plus vivants.

En tête de ce carnaval des extrêmes, le trio de choc formé des 3 acteurs principaux du film est l’un des ses atouts maîtres. Brad Pitt est à la fois hilarant et tragique dans le rôle de cet acteur vedette – inspiré de John Gilbert – qui voit lentement mais sûrement son univers s’écrouler.

Révélation du film, Diego Calva incarne avec fougue et implication ce jeune homme candide et ambitieux, gravissant les marches du succès tout aussi vite qu’il les descendra, aveuglé par son amour pour l’imprévisible Nellie LaRoy.

Quant à Margot Robbie, elle mériterait un Oscar pour son intense interprétation de la troublante Nellie, inspirée de l’actrice Clara Bow. Excessive, fragile, insupportable et émouvante, elle se donne sans compter dans ce magnifique personnage, incarnant à elle seule toutes les facettes du star system.

Autour du trio vedette, le reste du casting est tout aussi brillant. On retrouve, entre autres, Lukas Haas, le petit garçon du WITNESS de Peter Weir, Tobey Maguire, le Spider-Man de Sam Raimi, et Jean Smart, récemment vue dans la série WATCHMEN. dans le rôle d’une chroniqueuse de potins mondains. Cette dernière à d’ailleurs l’un des plus beaux dialogues du film lorsqu’elle s’adresse à Jack Conrad / Brad Pitt quand celui-ci lui demande des comptes à propos d’un article.

Venue de la télévision, Li Jun Li est une créatrice de bancs-titres mystérieuse et vénéneuse. Jovan Adepo (FENCES, la série tv WATCHMEN…) incarne un remarquable Sidney Palmer, un saxophoniste qui apprendra, au cours d’une scène d’une cruauté déchirante, que le succès a un prix lorsque l’on est un homme de couleur à Hollywood. Katherine Waterston, Olivia Wilde, Spike Jonze ou Eric Roberts font des apparitions ou des seconds rôles marquants…

Doté d’une brillante reconstitution d’époque, de décors impressionnants et de la photographie de Linus Sandgren (déjà à l’œuvre sur FIRST MAN de Damien Chazelle), BABYLON est une œuvre somme où Chazelle déclare sa flamme pour la magie du cinéma et son dégoût pour les dessous nauséabonds d’Hollywood.

Ce qu’il faut tout de même reconnaître, c’est que BABYLON ne plaira pas à tout le monde. Le film ne s’embarrasse d’aucune limite pour planter le décor et les personnages. Scatologique et orgiaque comme on en voit plus, BABYLON provoque chaque sens du spectateur, le retourne et le tord jusqu’à plus soif, comme pour mieux lui faire ressentir ce qu’il voit à l’écran.

Un film qui se vit avec ses tripes et vous laisse vide sur votre fauteuil. Incontournable mais éprouvant.


BABYLON de Damien Chazelle (2022)
Avec Margot Robbie, Brad Pitt, Diego Calva, Jean Smart, Jovan Adepo, Lukas Haas…
Scénario : Damien Chazelle. Musique : Justin Hurwitz.

Crédits photos : © Paramount Pictures


BANDE-ANNONCE

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