VOLS PLANÉS : Quand le Film Catastrophe s’envoie en l’air…

Amis lecteurs et lectrices, une petite mise en garde avant de vous plonger dans cet article : si vous vous apprêtez à prendre l’avion tel Indiana Jones pour explorer le monde ou, à l’occasion des fêtes de fin d’année ou d’un mariage, pour rejoindre des amis ou de la famille, évitez de lire ce qui suit !

Comme son titre le suggère avec une subtilité dont je ne suis pas peu fier, je vous invite à survoler (hé hé hé) les années 70 par le biais d’un genre indissociable de cette merveilleuse décennie : le Film Catastrophe et la série des AIRPORT.

Détail de l’affiche des NAUFRAGÉS DU 747 (1977)

Avions en perdition, pilotes aux mâchoires serrées, hôtesses affolées et passagers hurlants, les films AIRPORT vont accumulés des clichés plus larges que les ailes d’un Airbus A320, surfant sur les angoisses de l’époque et sur les envies d’un public avide d’angoisses en cinémascope et de son Sensurround.

Attachez vos cigarettes et éteignez vos ceintures ! On va décoller…

 

AIRPORT (1970) de George Seaton

On l’oublie parfois mais, à l’origine du premier film, il y a un roman d’Arthur Hailey. Écrivain d’origine britannique, spécialisé dans le (gros) récit à suspense, Hailey va connaître un énorme succès avec AIRPORT publié en 1968.

Deux ans plus tard, Universal Pictures adapte le pavé, confiant la réalisation à Georges Seaton, un « yes man » – un cinéaste de studio plus qu’un véritable auteur – connu principalement pour UNE FILLE DE LA PROVINCE en 1954 qui valut un Oscar à Grace Kelly.

« Roger ! » Au micro, le Commandant Dino appelle un pote…

Comme son titre l’indique, l’action d’AIRPORT se déroule autour d’un aéroport fictif près de Chicago, alors qu’une tempête de neige s’est abattu sur la région et qu’un passager dépressif veut se suicider en faisant exploser le Boeing 707 dans lequel il se trouve !

Panique au sol (gelé) et dans le ciel ! Sourcils froncés et téléphone en pogne, Burt Lancaster est le directeur de l’aéroport. C’est un mec qui décide, avec des responsabilités plein les poches et une assistante amoureuse, interprétée sans grande conviction par une Jean Seberg qui ne vend plus le New York Herald Tribune.

Le Commandant Dean Martin en pince pour l’hôtesse Jacqueline Bisset…

Pendant ce temps, à bord de l’aéroplane en perdition, Dean Martin est un commandant de bord sobre – c’est un grand rôle de composition – et amoureux (on le comprend le bougre…) de Jaqueline Bisset, l’hôtesse de l’air sexy. Il s’inquiète, le Dino, parce que la mimine Jacqueline est blessé aux yeux à cause du suicidaire dépressif et de sa bombinette…

Ce qui est involontairement drôle dans AIRPORT, c’est que tous les acteurs jouent avec le plus grand sérieux alors que tout sonne faux, des décors aux coiffures choucroutes. Composé de vieux briscards (Lancaster, Dean Martin, Van Heflin…) et de jeunes espoirs (Bisset, Seberg, Gary Collins…), le casting serait incomplet sans la présence de George Kennedy (CHARADE, LUKE LA MAIN FROIDE…) dans le rôle de Joe Patroni, le « chef des pistes et des opérations » (enfin, c’est mon interprétation).

À bord, c’est l’angoisse : les passagers apprennent qu’il n’y a plus de café !

Comme son nom l’indique, Patroni / Kennedy est lui aussi un gars qui dirige. Un chef. Un big boss. Un patron quoi ! Cigare au coin de la bouche et même regard soucieux que celui de Brut Lancastré, il beugle, éructe, jure… Bref, faut pas le chatouiller derrière l’oreille sous peine de se faire arracher les doigts, la main, l’avant-bras et ce qui suit.

Pour tromper leur angoisse, Burt et George jouent au « gros navion »…

Mais la particularité de Joe Patroni / George Kennedy est qu’il est le seul personnage – et acteur – à revenir dans chaque volet de la saga AIRPORT, le film de Seaton marquant sa première apparition !

Cigare au bec et mâchoires serrées, George Kennedy est Joe Patroni.

La fin du film voit le 707 se poser comme une fleur. Dino le monte-en-l’air déclare sa flamme à Jackie l’éclopée. Et Burt quitte l’aéroport avec Jean Seberg – c’est pas trop tôt ! – après lui avoir proposer un café, et plus si affinités.

Près de 50 ans plus tard, force est de constater qu’AIRPORT a pris un méchant coup de vieux. Mais à sa sortie, le film est un succès, surfant probablement sur le best-seller d’Arthur Hailey. Détenteur d’un oscar du meilleur second rôle féminin pour Helen Hays et d’un golden globe pour Maureen Stapleton, le film va poser les bases pratiquement immuables d’un genre dans le genre et sur lesquelles Hollywood, profitant d’une décennie anxiogène, va développer une véritable franchise.

Après tout ce stress, Jean Seberg et Burt Lancaster vont se taper un p’tit café.

 

747 EN PÉRIL (1974) de Jack Smight

4 ans après AIRPORT, la production prend du gallon et les drames du récit se déroulent cette fois-ci à bord d’un 747, comme son titre français le suggère (AIRPORT 75 en VO). 2 ans auparavant, un autre film d’avion en perdition, ALERTE À LA BOMBE (SKYJACKED en VO), cherchait déjà à profiter du succès d’AIRPORT pour attirer un public friand d’hôtesses de l’air affolées et de passagers angoissés.

Y interprétant déjà le rôle d’un pilote intrépide, Charlton Heston serrait les dents sous un brushing moumouté avant de rejoindre la série officielle avec ce 747 EN PÉRIL.

Charlton Heston fait la grimace : il vient de voir le film en avant-première !

Filmé par Jack Smight – qui jouera encore aux petits avions avec LA BATAILLE DE MIDWAY en 1976 – le scénario du film pousse encore plus loin le spectaculaire et le hautement improbable : en plein brouillard, un petit avion de tourisme percute, au décollage, un 747 qui s’apprêtait à se poser, tuant ou blessant les pilotes et laissant l’avion en perdition.

Maintenu dans les airs grâce au pilote automatique et à Karen Black (COMPLOT DE FAMILLE, CAPRICORN ONE…) en hôtesse en chef, une mission de sauvetage est mise en place pour déposer, à l’aide d’un hélicoptère, le pilote chevronné Charlton Heston qui connaît l’avion comme son premier tricycle !!

L’hôtesse Karen Black s’inquiète : elle n’a pas son brevet de pilote !

Chant du cygne de Gloria Swanson (oui, je l’aime bien ce jeu de mot), célèbre pour son rôle dans SUNSET BOULEVARD de Billy Wilder, 747 EN PÉRIL sera le dernier film de l’actrice. Dans un rôle bref mais d’importance, Dana Andrews (LES PLUS BELLES ANNÉES DE NOTRE VIE, RENDEZ-VOUS AVEC LA PEUR, LA CINQUIÈME VICTIME…) interprète le pilote du petit avion par qui le péril arrive.

Sortie des griffes (et de la bile) du démon Pazuzu, Linda Blair doit se faire greffer un nouveau cœur. Heureusement, une nonne lui joue « Plus près de toi mon Dieu » à la guitare pour passer le temps… scène que n’oublierons pas les ZAZ lorsqu’il réaliseront Y-A-T IL UN PILOTE DANS L’AVION ?

George Kennedy à Heston : « Encore merci et bonne chance ! On est avec vous ! »

Quand à George Kennedy, il revient en Joe Patroni mais, cette fois-ci, en tant que vice-président de la compagnie aérienne fictive du film. Toujours aussi bravache et sévèrement burné, il aide Charlton à passer de l’hélico au Boeing, tout en gueulant autant qu’il le peut parce que sa femme et son fils sont à bord. Sacré George ! Le rôle d’une vie, j’vous dit !

D’un budget moitié moins élevé qu’AIRPORT, 747 EN PÉRIL attirera le public malgré un casting un peu moins prestigieux, ses hautes invraisemblances et son rythme pépère. De quoi donner l’idée aux producteurs de la série de reprendre l’avion…

 

LES NAUFRAGÉS DU 747 (1977) de Jerry Jameson

Non, vous n’êtes pas bigleux : le titre français de ce AIRPORT 77 – parce que le film date de 1977 – évoque bien le naufrage d’un gros navion !

Comme je vous le disais déjà en parlant de 747 EN PÉRIL, les créateurs de la saga AIRPORT ont à nouveau poussé le curseur des invraisemblances à son summum en imaginant cette abracadabrantesque histoire.

James Stewart est soucieux : il vient de lire le scénario !

Dans LES NAUFRAGÉS DU 747, un milliardaire (James Stewart, eh oui….) convie plusieurs amis et collectionneurs d’art à son musée privé. Le groupe est emmené à bord d’un Boeing privé. Mais l’avion est détourné par deux braqueurs, percute un derrick en plein brouillard et plonge dans les Bermudes.

En principe, la raison voudrait que l’avion et ses passagers périssent dans l’océan. C’était sans compter l’imagination débordante des scénaristes : les survivants sont maintenus temporairement dans la poche d’air contenu dans l’avion immergé et posé sur un banc de sable !

Le Commandant Jack Lemmon et ses naufragés…

Ils vont chercher bien sûr à se sortir au plus vite de cette improbable situation à grands coups d’essais ratés et de sacrifices. À leur tête, le commandant de bord Gallagher (Jack Lemmon, venu là pour payer ses arriérés) et, parmi les fameux naufragés du titre, une pléiade de stars comme Christopher Lee, Olivia de Havilland, Joseph Cotten ou Brenda Vaccaro.

Cet opus a le mérite de nous offrir le plus impressionnant casting de la série. Mais il provoque aussi une certaine amertume quand on songe aux œuvres marquantes auxquelles ces grands acteurs et actrices ont été associés.

Une petite fuite et c’est la panique dans l’avion !

Pour continuer dans la tradition des AIRPORT, LES NAUFRAGÉS DU 747 (ce titre français…) bascule à nouveau dans le « portenawak » pour un récit franchement improbable, que l’on tente de nous faire avaler à grands renforts de séquences spectaculaires et de suspense aquatico-aérien (oui, j’ai bien conscience que ce terme a de quoi faire sursauter).

Le réalisateur Jerry Jameson replongera dans « l’impossible » en tournant 3 ans plus tard LA GUERRE DES ABÎMES – RAISE THE TITANIC ! en VO – où une expédition est envoyée pour renflouer le Titanic afin de récupérer un métal précieux que le paquebot contenait. Un véritable film de SF puisque l’on y voit le Titanic sortir de l’eau en un seul morceau et à peine rouillé ! Depuis, James Cameron a fait un carton plein avec son blockbuster et LA GUERRE DES ABÎMES – et son affiche au titre « Starwarsien » – n’est plus jamais diffusé…

Dépité par l’indigence du script, Christtopher Lee noie son chagrin dans l’alcool avec Lee Grant…

Vous l’attendiez, il ne vous a pas oublié : Joe Patroni / George Kennedy revient une fois de plus, toujours aussi fin d’esprit et gentleman ! Une participation inévitable à la saga AIRPORT, qui en devient involontairement l’élément comique des films.

Malgré toute l’affection que j’ai pour James Stewart et Jack Lemmon, les deux grands acteurs viennent ici cachetonner, le premier en faisant un « special guest star » pour quelques scènes qui n’apportent rien au film, le second pour un rôle dans lequel il n’est pas vraiment crédible malgré une évidente implication physique.

Dégoûté et mouillé, Jack Lemmon rend son contrat.

À peine croyable au vu du résultat, LES NAUFRAGÉS DU 747 fut diffusé dans une version de 3 heures à la télévision américaine et connut même un remake tv au début des années 2000 !

On se dit, au générique de fin, que les créateurs de la série AIRPORT ne pourront pas faire plus con que cet épisode. Ils reviendront 3 ans plus tard avec un summum de la bêtise cinématographique.

 

AIRPORT 80 CONCORDE (1979) de David Lowell Rich

Ultime film de la saga, AIRPORT 80 CONCORDE est très certainement le plus drôle des 4 films, nanar volant aux scènes délirantes, aux répliques stupides et aux deux stars planantes : j’ai nommé le Concorde et Alain Delon !

Robert Wagner n’aime pas les avions…

Dans ce dernier volet, un riche industriel (Robert « Jonathan Hart » Wagner) est à la tête d’une société d’armes qu’il vend à des nations ennemis des États-Unis pour quelques milliards supplémentaires déposés en secret sur son PEL.

Sa maîtresse journaliste (Susan Blakely) découvre les magouilles du sieur Robert et décide de tout balancer pour gagner le prochain Pullitzer. Alors qu’elle embarque dans un Concorde pour couvrir les JO de Moscou (rappelez-vous du titre en VF, on est en 1980), Wagner, le fourbe big boss en bombinettes, décide d’éliminer la donzelle en programmant plusieurs attentats contre le supersonique.

« Pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué ? » me direz-vous. C’était sans compter le french commandant Paul Metrand aka Alain Delon !

Sylvia Kristel, préposée au café et amoureuse du Commandant Delon.

Dans une tentative probable de conquérir le public américain, Delon fait du Delon en jouant le pilote « qui a déjà vu ça » – pour les connaisseurs, petite allusion à la BD Natacha – et dont la romance avec Sylvia Kristel (inoubliable EMMANUELLE), l’hôtesse préposée au café, est parsemée de dialogues stupides.

Ainsi, lors d’une séquence d’accalmie entre deux moments de panique à bord du Concorde, le bellâtre franco-français avoue, en VO, à son hôtesse de fiancée que « Your hair are my french fries » ! Je ne vous ferais pas l’affront d’une traduction simultanée mais il me semble qu’il y a d’autres manières, pour déclarer sa flamme, qu’un sous-entendu sur les cheveux gras de votre chère et tendre.

Delon a flashé sur les cheveux de Sylvia Kristel…

Aux côtés de Delon, George Kennedy est de retour dans l’immanquable rôle de Joe Patroni, plus grande gueule – et vulgaire – que jamais, au cœur du danger en co-pilote macho, jamais à court d’une blague salace qui ferait passer notre amateur de frites national pour un exemple de raffinement et de délicatesse envers la gente féminine.

AIPORT 80 CONCORDE est un concours de scènes absurdes, accumulées comme autant de sketches. Un exemple ? Pourchassé par des avions de chasse, le supersonique est à 2 doigts de partir en fumée quand Delon a une idée : en plein vol, il ouvre l’un des hublot du cockpit et tire une fusée de détresse pour détourner un missile tiré d’un des chasseurs !

David Warner, George Kennedy et Alain Delon : y-a-t-il un pilote dans le Concorde ?

Autre moment intense vers la fin du film, alors que la carlingue du zinc se fissure de partout, l’un des passagers (Eddie Albert) manque de disparaître, avec son fauteuil, dans un trou béant. Récupéré de justesse, éprouvé par ce qui vient de se produire, il a tout de même l’esprit de répliquer : « J’avais un meilleur siège au Sénat » ! On se demande ce qu’avait fumé les scénaristes…

Le film se termine par un « happy end » de rigueur : Delon se souvient de la neige poudreuse des Alpes Autrichiennes que son Concorde survole et parvient à le faire atterrir tout en sauvant l’intégralité des passagers, son hôtesse caféinée et son co-pilote rachitique du bulbe. Quant à la journaliste par qui tous les pépins du film sont arrivés, elle pourra témoigner des méfaits de Bob Wagner qui préférera se flinguer que de se taper un procès.

Dans un moment de panique, Eddie Albert en profite…

La BO de Lalo Schiffrin (BULLITT, la série MISSION : IMPOSSIBLE, DIRTY HARRY…) n’empêchera pas l’insuccès du film, marquant un arrêt définitif de la saga AIRPORT, quelques temps avant la sortie d’AIRPLANE / Y-A-T IL UN PILOTE DANS L’AVION des Zucker / Abrahams / Zucker.

Coincidence troublante, les plans du véritable Concorde en vol ont été effectués à partir… de celui qui s’est écrasé près de Paris en juillet 2000 !

Alain Delon est inquiet : son co-pilote ressemble étrangement à Joe Patroni…

 

Avec le recul des années, la saga des AIRPORT est sérieusement datée. Si plusieurs films d’action se déroulant dans les airs, en totalité ou pour quelques séquences, ont été produits depuis (PASSAGER 57, AIR FORCE ONE, NON-STOP…), le Film Catastrophe, prenant pour cadre un avion en perdition et sa flopée de vieilles stars en guise de passagers, n’a plus connu de suite depuis près de 40 ans.

Depuis, les films des ZAZ ont donné un autre aperçu de ses œuvres manichéennes et il est (très) difficile de revoir un AIRPORT sans se payer de gros fous-rires.

Une seconde vie pour ces films involontairement drôles ? C’est bien probable.

3 commentaires Ajoutez le vôtre

  1. princecranoir dit :

    J’ai passé un excellent voyage sur vos lignes ! Service de qualité, pilotes compétents (Delon, Kennedy, Heston et un Martini on the rocks), de charmantes hôtesses (Misses Black, Bisset, Seberg) et des passagers illustres (pendant que Christopher lit, James fait le Stewart).
    Je ne manquerai pas de décoller avec vous pour d’autres destinations cinéphiles. 😉🛫

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    1. Merci à toi pour ce planant commentaire 😉

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      1. princecranoir dit :

        De rien, ça m’a motivé pour un billet à bord du savoureux « Plane of the dead ».

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