Retour sur un classique signé Clint Eastwood, entre western et conte fantastique, film de vengeance et peinture d’une Amérique qui s’est forgée dans la douleur et la violence. L’HOMME DES HAUTES PLAINES (HIGH PLAINS DRIFTER en VO) demeure dans sa catégorie – et plus de 45 ans plus tard – une œuvre inclassable mais incontournable.
Premier western
Après UN FRISSON DANS LA NUIT réalisé deux ans plus tôt, L’HOMME DES HAUTES PLAINES est le premier western de Clint Eastwood en tant que metteur-en-scène.
L’histoire du film a pour origines un sordide fait-divers remontant à 1964. Une jeune femme avait été assassinée dans un quartier de New York sans que personne ne lui vienne en aide malgré ses cris et incessants appels.
Marqué par ce drame, Eastwood décida de développer son 2ème film autour de ce récit et confia l’écriture du scénario à Ernest Tidyman (SHAFT, FRENCH CONNECTION…) et Dean Riesner (UN FRISSON DANS LA NUIT, L’INSPECTEUR NE RENONCE JAMAIS, TONNERRE DE FEU…).
À la demande du cinéaste et acteur, les deux scénaristes placèrent l’histoire du film dans le contexte du far-west à la fin du XIXème siècle.
Par la suite, Ernest Tidyman publia une novélisation du scénario
Le retour de l’homme sans nom ?
Comme un clin d’œil à son personnage des films de Sergio Leone, Clint Eastwood interprète à nouveau un personnage sans nom et venu de nulle part (le « drifter » ou vagabond du titre originale).
Vêtu entièrement de noir, cet étranger impressionne les habitants de la petite ville minière de Lago où il vient de faire son entrée. Ainsi, menacé par quelques individus patibulaires, il parvient seul à les abattre.
Les notables de Lago propose à l’étranger de les défendre contre un trio de malfrats, ayant promis de se venger des citoyens de la ville à leur sortie de prison. L’homme accepte la proposition mais se comporte comme un tyran, forçant les habitants à accepter le moindre de ses caprices.
À contre-cœur, ces derniers s’exécutent. Ils ne peuvent oublier que leur cupidité et leur lâcheté ont couté la vie du marshall de la ville, fouetté à mort par les trois desperados bientôt remis en liberté.
Étrangement, l’homme en noir se souvient lui aussi du meurtre du marshall…
Un casting d’habitués
Pour le casting du film, Clint Eastwood engagea plusieurs acteurs avec qui il tournera souvent. Ainsi, Geoffrey Lewis, accessoirement père de l’actrice Juliet Lewis, fut régulièrement engagé par le cinéaste Eastwood, que ce soit dans BRONCO BILLY ou MINUIT DANS LE JARDIN DU BIEN ET DU MAL. Participant à de nombreuses séries tv dans les années 60 et 70, on le vit également avec Eastwood acteur dans DOUX DUR ET DINGUE, ÇA VA COGNER ou LE CANARDEUR.
Avec sa tête allongée et son allure patibulaire, Anthony James fut un habitué des rôles ambigus et négatifs, à la télévision et au cinéma : POINT LIMITE ZÉRO, TONNERRE DE FEU ou IMPITOYABLE de Clint Eastwood.
Disparue au début de l’année 2019, Verna Bloom eut une carrière prolifique à la télévision et au cinéma : BONANZA, À LA MAISON-BLANCHE, Dr QUINN, HONKYTONK MAN, AFTER HOURS…
Marianna Hill connut, quant à elle, une carrière plus développée à la télévision qu’au cinéma avec PERRY MASON, L’HOMME À LA ROLLS, BATMAN (la série 60’s), LE PARRAIN 2…
Western baroque et fantastique
L’HOMME DES HAUTES PLAINES est une curiosité en lui-même. Démarrant tel un western classique, quelque part entre Sergio Leone et Don Siegel, deux des mentors de Clint Eastwood, le film prend progressivement une tournure fantastique indéniable, instaurant malaise et suspense jusqu’à la toute dernière image.
Le film est, en quelque sorte, un western crépusculaire bien avant que l’on évoque cette expression avec des œuvres comme… PALE RIDER – avec lequel L’HOMME DES HAUTES PLAINES a des points communs – et IMPITOYABLE, tous deux du même Clint Eastwood justement !
Le personnage de « l’étranger » – ou du vagabond du titre original – vient de nulle part. Il a le comportement d’un hors-la-loi vis-à-vis de ses semblables, hommes et femmes et n’est pas le héros justicier auquel le western nous a souvent habitué.
Eastwood sous-entend ainsi que l’Amérique a ici le « héros » qu’elle mérite. À un pays de violence ne peut correspondre qu’un héros violent.
Enfin, même si vous n’avez encore jamais vu le film, je ne peux vous conseiller que de le découvrir en version originale. Ceux qui connaissent le film seront d’accord avec moi, je pense.
L’HOMME DES HAUTES PLAINES n’est pas qu’un western comme tant d’autres. C’est un conte fantastique, fascinant et soigné, parsemant ses rapports avec l’étrange dans son traitement visuel : les flashbacks du lynchage du marshall, la ville de Lago repeinte en rouge et renommée « Hell », la silhouette d’Eastwood se découpant sur la cité en flammes…
Et lors de la dernière séquence, sans ne rien vous dévoiler, la VO a toute son importance dans l’échange entre le « vagabond » et Mordecai le nain désigné comme nouveau shérif. En français, tout semble rentrer dans un récit de vengeance des plus classiques.
En VO, ces quelques lignes de dialogue vous glaceront le sang, alors que la silhouette du « vagabond » s’éloigne vers l’horizon, puis s’efface dans le décor.
L’HOMME DES HAUTES PLAINES (1973) de et avec Clint Eastwood.
Avec Verna Bloom, Marianna Hill, Geoffrey Lewis, Billy Curtis, Mitch Ryan…
Scénario : Ernest Tidyman et Dean Riesner. Musique : Dee Barton.
Crédits photos : © The Malpaso Company et Universal Pictures
« L’Amérique a les héros qu’elle mérite », très bien vu car cette idée semble traverser une bonne part de la filmo eastwoodienne.
« Dans le monde il y a trois sortes d’individus : les Brebis (habitants de Lago), les Loups (les trois bandits) et les Chiens de Berger (the drifter). » Ce sermon servi par le père de Chris Kyle dans American Sniper s’applique à merveille.
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